Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Si Philippe Couillard a adopté un ton nettement plus teinté d’inquiétudes et a sonné l’alarme sur les finances publiques, il faut quand même admettre que le dernier budget Leitão n’en est pas un d’austérité. Le prochain, je ne sais pas, mais celui de juin dernier entend contenir pour 2014-2015 à 1,9% l’augmentation des dépenses publiques, ce qui est assez proche de l’inflation prévue pendant la même période.
En éducation, pas d’austérité, en tout cas. Avec une augmentation de 2,2 % de son budget, le ministère de l’Éducation ne peut prétendre subir de coupes sévères, même s’il doit faire quelques efforts pour ralentir sa croissance.
On parle plutôt d’un budget de transition.
Pourtant, un communiqué de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) tente de nous faire croire que cette rentrée scolaire 2014 se fait sous de «multiples messages d’austérité»…
«Voilà maintenant quatre ans que la population du Québec goûte à cette médecine d’austérité, [sic] Aujourd’hui, avec les compressions de plus de 150 millions de dollars qu’on nous impose, nous en sommes déjà à 800 millions de dollars de coupes budgétaires dans le réseau scolaire.»
On obtient le 800 M$ en additionnant les montants annoncés en coupures aux commissions scolaires, dont 300 M$ viennent de l’arrêt du programme de péréquation qui avait été mis sur pied de manière temporaire.
Pendant cette période, le budget des commissions scolaires n’a cessé de croître et dépasse maintenant les 10 milliards de dollars.
S’il faut constater l’entêtement des dirigeants scolaires à maintenir intacte la structure des commissions scolaires (CS) en place, il faut néanmoins admettre que les services aux élèves sont actuellement touchés. Pour les contribuables, ça donne des hausses de taxe scolaire et des baisses de services. Le pire des deux mondes…
Le gouvernement a fait un petit effort (abolition des directions régionales du MELS), mais la faible réduction des dépenses administratives des CS (qui tournent encore autour de 600 M$), son incapacité à agir pour rendre les écoles autonomes et le maintient des élections et des commissaires scolaires (ça risque de coûter 20 M$ en novembre prochain – source) prouvent que ce palier administratif n’a pas réellement fait le sien.
La stratégie est maintenant plus claire que jamais.
Parler le plus possible d’un ministre faible1 dans sa défense de l’éducation et des politiques d’austérité avant que l’examen stratégique des programmes, des processus et des structures ne frappe. Faire croire à la population que l’austérité est déjà un fait pour espérer être épargné d’une nécessaire remise en question de ses façons de faire.
Le Québec est un des endroits où les dépenses augmentent le plus.
Par exemple, l’Ontario a gelé les salaires des employés de la fonction publique pour deux ans et l’Alberta prévoit baisser ses dépenses de plus de 1% sur dix ans. Pas sa croissance des dépenses, ses dépenses elles-mêmes. On peut peut-être commencer à parler d’austérité dans ses deux provinces, mais pas au Québec.
Je ne dis pas que qu’il faut faire comme en Alberta et en Ontario, je dis que ce sont des exemples de politiques d’austérité.
La stratégie qui consiste à faire peur avec l’austérité quand il n’en est même pas question en pratique est bien connue et elle fonctionne. On en a un bel exemple ce matin, en France.
M. Couillard a rapidement corrigé le tir la semaine dernière en affirmant que les enfants n’ont jamais assez de livres, suite à la bourde du ministre Bolduc.
Lui ou son ministre des Finances doit maintenant sortir pour rétablir les faits. Le domaine de l’éducation (incluant le supérieur) doit se soumettre à l’examen stratégique des programmes et il doit apprendre à faire différemment. Il doit aussi cesser de pelleter dans la cour des contribuables et questionner sa lourde administration.
Ce n’est pas l’austérité qui explique les politiques d’achats de livres dans les bibliothèques des écoles québécoises, c’est l’incurie des commissions scolaires et celle du gouvernement à les encadrer.
1 Vous croyez que le terme «ministre faible» est un peu fort? Vous auriez dû entendre l’ex-ministre libérale Yolande James parler de Yves Bolduc au club des ex sur ICI RDI, hier midi.
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