Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
On nous annonce depuis quelques semaines qu’on va passer au peigne fin l’ensemble des programmes et des organismes de l’État québécois. C’est la Commission de révision permanente des programmes qui va s’en occuper, une nouvelle créature du gouvernement, présidée par une ancienne ministre libérale, Lucienne Robillard.
La première année, ça va coûter entre 2 et 3,8 millions de dollars (selon que vous lisez ceci ou cela) pour recommander aux politiques ce qu’ils devraient faire. «C’est une unité à l’intérieur du Conseil du Trésor», nous explique son président, Martin Coiteux, «pas une nouvelle structure». Ah bon.
Pourquoi j’ai de plus en plus l’impression que ça va se décider à roche – papier – ciseaux ?
Est-ce possible d’être plus vague que de donner comme critère pour choisir où couper que «répondre à un besoin prioritaire des Québécois ou non» ?
Ce qui est hautement prioritaire pour les uns, constitue la dernière priorité des autres…
J’imagine le commissaire Claude Montmarquette qui gagne la première manche sur le programme des crédits d’impôts aux entreprises avec le poing fermé (roche) sur le commissaire Robert Gagné qui mime avec l’index et le majeur le mouvement de couper (ciseaux)… À lui de décider si ça répond «à un besoin prioritaire des Québécois» ?
Et ainsi de suite en ajoutant les autres commissaires Michèle Bourget et Mireille Filion ?
J’exagère, je sais.
Je sais bien qu’à 192 500 $ (ou 800 $ par jour), les quatre experts et Mme Robillard (salaire annuel évalué à 265 000 $ ou 1 100 $ par jour, source) vont procéder autrement pour faire leurs recommandations, mais dans un contexte où déjà, le niveau de confiance de la population dans ce genre d’exercice est à son plus bas, pourquoi ne pas avoir donné des balises beaucoup plus claires à la Commission Robillard et aux citoyens, à ce moment-ci ?
Claude Montmarquette et Robert Gagné ont tous deux participé à une démarche plutôt similaire en 2010 (Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques) sous l’égide de Raymond Bachand (ministre des Finances du temps) qui a résulté en la publication de trois fascicules (1, 2 et 3). Que retient-on de cette contribution ?
Que personne n’a eu le courage de décider et que la situation s’est empirée.
Les décisions qui doivent être prises sont politiques et doivent être mises de l’avant par les dirigeants qui viennent d’être élus, sur la base du mandat obtenu.
Doit-on interpréter que la décision de dépenser entre 2 et 3,8 millions de dollars dans un nouveau comité (nouvelle structure ou nouvelle «unité à l’intérieur du Conseil du Trésor») est une façon de sous-traiter à d’autres ce qui devrait être assumés par les élus ?
Doit-on en déduire que le nouveau gouvernement ne sent pas qu’il a les coudées franches parce qu’il n’a pas vraiment été chercher lors de la dernière campagne électorale le mandat d’agir ?
Si la tâche de s’entendre sur les indicateurs de performance de nos programmes et des organismes de l’État peut prendre un certain temps et devoir passer par une démarche structurée pour fins d’acceptabilité sociale, celle d’agir conformément à ces principes est limité dans le temps à la prochaine année du mandat du gouvernement Couillard. Après, ce sera trop tard, tout le monde le sait.
Pourquoi si peu d’actions concrètes en ce sens jusqu’à maintenant ?
Où est le gouvernement ouvert, «le plus transparent que les Québécois auront eu» sur les critères avec lesquels M. Couillard tranchera ?
Ces indicateurs doivent être connus de tous pour que ça ne prête pas flanc à du roche – papier – ciseaux.
Ce qu’on sait en ce moment de la démarche du président du Conseil du trésor accrédite la thèse qu’on cheminera à la plus petite vitesse possible et dans l’obscurité la plus totale sur les critères de révision des programmes.
Même si j’ai, personnellement, la plus grande des confiances envers les personnes nommées à la Commission Robillard, je ne suis pas plus avancé en terme d’espérance qu’enfin, cette fois sera la bonne !
C’est bien dommage.
On aurait vraiment eu besoin d’un gouvernement prêt à gouverner.
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