Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section «blogue». Il reprend une chronique publiée dans la version imprimée du Journal de Montréal de mercredi (p. 38).
Je me mets à la place des enfants et, parfois, je me demande comment ils font pour comprendre l’importance que nous accordons à l’éducation.
Il nous est tous arrivé au moins une fois de revenir à la maison, enfant, après une mauvaise journée à l’école et de craindre un peu la réaction de nos parents. Mauvaise note, problème de comportement, altercation qui a nécessité l’intervention d’un adulte… on savait assez bien de quel côté penchait l’autorité à la maison: «Je fais confiance à l’école», répétaient en choeur mon père et ma mère.
Je suis fasciné en 2014 de constater à quel point le balancier est à l’autre bout, très souvent. Comme si, d’instinct, les enfants d’aujourd’hui savaient que leurs parents étaient par défaut de leur bord, quoi qu’ils aient à se reprocher. Les enseignants sont de plus en plus nombreux à hésiter, quand il s’agit d’obtenir l’appui des parents.
Pas de devoir et de leçon à la maison
De plus en plus d’écoles se résignent à ne plus donner de travail à faire aux enfants, une fois rendus à la maison. Certains pédagogues doutent de leur utilité au primaire pour consolider des apprentissages, mais plusieurs enseignants ont tout simplement constaté qu’ils sont source de malentendus et de tensions qui ne valent plus les efforts à les préparer et à les corriger.
Signes d’un temps, la pratique du «zéro devoir/zéro leçon» fait même l’actualité de la rentrée scolaire. La recherche crédible1 démontre que les devoirs ont un effet positif sur la réussite scolaire (plus négligeable au primaire, mais particulièrement au secondaire), mais encore faut-il que les parents accordent de la valeur à ce travail après la classe pour que les élèves s’y consacrent sérieusement. (Ajout : Pourquoi faudrait-il renoncer aux devoirs et aux leçons ?)
Gratuité scolaire jusqu’à l’université
Les tenants de l’abolition des droits de scolarité à l’université avancent que ce serait la meilleure façon d’augmenter l’accès aux études supérieures au Québec, nous qui sommes déjà champions dans ce domaine. Je partage l’avis de l’économiste Pierre Fortin: «La gratuité scolaire à l’université serait inéquitable, coûteuse, inefficace et déresponsabilisante.»
S’il y a des frais chargés au primaire et au secondaire dans les écoles publiques dont on peut questionner la légitimité, il faut reconnaître que nous taisons aux enfants et aux adolescents l’ampleur de nos investissements collectifs dans leur éducation. Concrètement, l’éducation n’est pas gratuite et expliquer à nos enfants qu’une bonne part de nos taxes et impôts y est consacrée peut probablement rendre plus concrets nos efforts quotidiens.
Il nous faut répéter aux étudiants qu’ils sont déjà très avantagés de ne défrayer que 7,4 % de ce que coûte une année d’études à l’université2. Qui le sait?
La valeur de l’éducation est dans l’effort
Appuyer nos jeunes quand ils tombent ou quand ils se trompent consiste très souvent à les encadrer dans leurs efforts à se relever et à se responsabiliser. Les jeunes ont besoin de sentir que le système d’éducation que nous avons bâti représente une source de fierté et de respect, même si parfois, il éprouve notre patience et exige de nous encore quelques sacrifices…
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1 Dont celles rapportées par Normand Baillargeon, professeur à l’UQAM, dans un récent article publié sur son blogue, «Leçons sur les devoirs».
2 Rapport annuel de gestion 2012-2013 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, p. 106.