Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Pourquoi est-ce qu’il y a si peu de corrélation entre réussir à l’école et réussir dans la vie ?
Quels sont les indicateurs de la nécessité de changer et de s’adapter ou de résister aux propositions de changement en éducation ?
Pourquoi est-ce que notre système d’éducation est aussi centré sur les besoins de ceux qui travaillent à faire apprendre plutôt que sur les besoins de ceux à qui on veut apprendre ?
Ce sont là certaines des questions que je me pose à quelques jours d’une intervention que je dois faire à Toronto, dans le cadre d’un symposium de l’Association canadienne d’éducation (ACE) consacré à définir « comment » les systèmes d’éducation changent.
J’ai consulté plusieurs sources, puisé dans mes nombreuses archives et expériences sur ce sujet, pris en compte certains éléments d’actualité et surtout, j’ai essayé de mieux comprendre qui sont les jeunes d’aujourd’hui qui fréquentent les établissements scolaires du Québec.
Parmi les nombreuses références sur le sujet actuellement, je voudrais attirer l’attention des lecteurs sur un ouvrage qui vient de paraître aux Éditions Reynald Goulet, Le changement en milieu scolaire québécois.
Pour ceux qui croient que le changement est souvent difficile, voire impossible, l’auteur démontre le contraire et propose différents moyens d’introduire le changement dans son école en étant des agents positifs du changement.
Cet ouvrage est bien documenté et constitue un précieux guide pour ceux qui veulent agir pour du changement dans leur milieu, en particulier des éducateurs qui souhaiteraient développer «la capacité de savoir s’adapter à de nouvelles situations pour oser quitter sa zone de confort». Les enseignants sont au centre des préoccupations de ce livre qui tient pour acquis «la permanence du changement en éducation».
Le contenu qui y est véhiculé s’appuie sur la science, sur les principes reconnus de résistance au changement et sur plusieurs facteurs émergents qui nous commandent de changer le modèle traditionnel (j’ai bien écrit traditionnel) qui préside actuellement en éducation au Québec. Je n’ai rien contre les traditions, mais je rappelle que le réseau d’éducation en 2014 est un pur produit du rapport Parent de 1963-1964. Nous avons réussi la démocratisation de l’éducation, maintenant, il s’agit d’obtenir la réussite scolaire du plus grand nombre. Par exemple, tout le monde ou à peu près va à l’école primaire et entre au secondaire, mais «49 % des Québécois éprouvent des difficultés de lecture» (source).
Je recommande la lecture de ce bouquin parce que l’auteur y présente plusieurs aspects du virage numérique en train de se produire, se caractérisant par de nouveaux usages dans la population qui construisent des rapports différents avec les données, l’information et la connaissance. Le contenu généré par les internautes autant que la nécessaire mise en réseaux de ceux qui veulent répartir sur plusieurs épaules la tâche d’enseigner exigent de s’intéresser à ce genre d’ouvrage qui présente la professionnalisation de l’enseignement comme une nécessité !
Certains écrivent qu’il ne faut pas simplement réformer, mais révolutionner l’école. Au Québec, un professeur en didactique du français va jusqu’à dire que plusieurs des nouveaux enseignants – le quart – formés dans les universités «n’ont pas assez d’intérêt pour le travail intellectuel». Un récent rapport du Céfrio n’est pas tendre envers cette formation donnée à ceux qui vont bientôt enseigner…
«Pour mieux outiller les jeunes face à l’avenir, il faudra généraliser l’usage des TIC dans les salles de classe, mais aussi apporter des ajustements majeurs à la formation des éducateurs, à l’organisation de leur travail et au mode de fonctionnement dans le monde de l’enseignement.» (source)
Les enseignants se «détacheraient des organisations comme les syndicats» en France, la «démocratie scolaire serait une fiction» au Québec et au moins six faits nous commanderaient de questionner l’existence des commissions scolaires au Québec !
La passion, la curiosité, la créativité et le travail collaboratif sont-ils des sujets tabous dans l’école du Rapport Parent ? Pour réussir sa vie, pourtant, ce sont des valeurs importantes…
Qu’est-ce qui est impossible à faire maintenant en éducation, qui, devenant possible, améliorerait drastiquement le niveau de résultats des élèves et des étudiants du Québec ?
Les premiers enseignants formés à partir d’enfants nés au moment ou Internet existait ne seront pas disponibles avant quelques années puisque ces premiers étudiants sont âgés de 19-20 ans, actuellement. Peut-on dès à présent accélérer la prise de conscience des effets du tsunami qui sont déjà présents dans les écoles, les centres de formation professionnelle, les cégeps et les universités ?
Quand prendra-t-on vraiment conscience qu’un enseignant ou un professeur isolé dans sa classe qui ne se sent pas le besoin de se mettre en réseaux est un éducateur «dépassé» en 2014 ?
Un cadre scolaire, une direction, un(e) recteur(trice) ou un(e) administrateur(trice) qui est encore aujourd’hui en mode « top-down » et qui anime son milieu (sa communauté) ou prend ses décisions à la manière d’autrefois, sans recours à l’innovation ouverte, au co-design pédagogique et à une veille efficace des meilleures pratiques, est cuit; qui le sait ? qui agit en conséquence ?
Et si le changement en éducation consistait à se poser les bonnes questions ?
L’ère des donneurs de réponse tire à sa fin. Ce changement d’air représente un beau défi…
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