Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
On peut parler d’une journée noire ou d’une hécatombe scientifique, c’est selon. Ce vendredi 12 décembre, une bonne quinzaine d’organismes porte-étendards des sciences auprès des jeunes du Québec ont vu leur subvention coupées ou réduites pour l’année 2015 par le gouvernement Couillard.
Sur le coup, je suis demeuré prudent. Avec tout ce qui arrive dans le domaine de l’édition et des magazines, les coupures aux Débrouillards et à l’Agence Science-Presse ne m’ont pas toute de suite fait monter aux barricades. Après tout, je fais partie des 46 % de Québécois «à être en accord avec l’idée de faire du retour à l’équilibre budgétaire pour 2015 une priorité».
Je me suis opposé à ce que ça se fasse par le biais des hausses de taxes, il faut à ce moment accepter le principe des réductions de subventions et l’abolition de certains programmes. Moins de structure, moins d’intervention de l’État dans certains domaines, je suis prêt pour ça. C’est pourquoi j’ai appuyé la fermeture des directions régionales du MELS ou que je prône la conversion des 72 lourdes commissions scolaires en une trentaine de centres régionaux légers qui seraient au service des besoins des écoles.
Quand j’ai lu hier que la série d’annonces allait jusqu’aux Expo-ciences, je me suis sérieusement mis à douter et à m’inquiéter. Pas autant que mon collègue Ianik Marcil, mais presque. Il faut dire qu’ils étaient déjà plusieurs à s’énerver en fin d’avant-midi…
Importante réaction sur Twitter à l'égard des Débrouillards. Plus de 600 messages avec une portée auprès de 2,3 millions d'abonnés.
— Influence Comm. (@InfluenceComm) 12 Décembre 2014
J’ai quand même décidé d’attendre un peu avant d’écrire sur le sujet.
Du jour au lendemain, le Conseil de développement du loisir scientifique perd 350 000 $, soit 40 % de son budget. L’ensemble des pertes de subventions en culture scientifique au Québec annoncées hier est déplorable parce qu’ils permettent de promouvoir le goût des sciences et des technologies chez les jeunes. La réaction du directeur général de l’organisme est quand même rassurante :
«Nous allons tout mettre en oeuvre pour poursuivre ce que nous savons si bien faire : offrir et diffuser des produits et des programmes qui visent les jeunes, la relève scientifique et la promotion des carrières scientifiques, tel que le programme des Expo-sciences.»
Je suis assez d’accord avec l’avis de la journaliste scientifique Valérie Borde : «S’il y a un domaine où l’action gouvernementale n’est absolument pas à la hauteur ni des enjeux ni des demandes de la population, c’est bien celui de la culture scientifique».
Pour parler seulement des Expo-sciences, je puis témoigner du rôle essentiel de cette activité para-scolaire du primaire au collégial qui rejoint plus de 15 000 jeunes de 6 à 20 ans, à chaque année. J’ai vu naître de nombreuses vocations scientifiques chez des enfants et des adolescents simplement parce qu’ils s’étaient engagés au fil des semaines à défendre leur petit projet scientifique lors de cette activité annuelle.
Certains projets en sont devenus de très grands, et ont même fait naître des entreprises.
Des finales locales aux finales internationales, chaque dollar investi dans l’Expo-science rapporte son lot de carrières scientifiques et on n’a pas les moyens de se priver de cette pouponnière de futurs experts.
Même le ministre Yves Bolduc défendait les Expo-sciences en 2012…
«Les finales de l’Expo-sciences offrent un moment privilégié d’échanges entre le public et la relève scientifique. Elles permettent aux exposants de partager leurs découvertes, tout en démontrant aux visiteurs que la science est intéressante et accessible.»
Je ne vous ai pas parlé des 300 000 $ retranchés au budget de l’Association francophone pour le savoir – Acfas.
Science pour tous, le Conseil de développement du loisir scientifique et ses neuf composantes régionales sont aussi touchés.
Qu’il y ait des coupes, je l’ai écrit plus haut, ça se comprend, dans les circonstances. Ce que je déplore c’est qu’il est écrit PARTOUT en gras que nous manquons dramatiquement de relève scientifique. Ces coupures n’envoient pas du tout le bon message.
«C’est une chose que de montrer à un enfant que la science peut être formidable ; c’en est une autre que de maintenir cet intérêt lorsque ses parents lui répètent sans arrêt que les maths et la science, c’est pas important et la preuve, c’est que j’ai toujours été pourri là-dedans pis j’me suis trouvé une bonne job pareil» (source).
Ce gouvernement doit réajuster le tir.
Plusieurs rumeurs ont couru en fin d’après-midi hier que les autorités auraient cessé leurs appels téléphoniques annonçant les coupures et auraient convenu d’en discuter avec le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations de qui ces décisions dépendent.
À suivre…
Ajout : Dans le même esprit, chez Lise Ravary, « Penser petit ».
Mise à jour du lendemain : «Science: le gouvernement Couillard fait volte-face». Le communiqué : Le ministre Jacques Daoust maintient tel qu’il était le programme d’appui à la culture scientifique.
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