Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Un budget a été voté, du personnel sera disponible pour encadrer les militants, huit circonscriptions que les conservateurs au Québec pourraient reprendre auraient été ciblées et des alliances avec les autres groupes syndicaux et communautaires seront mises en oeuvre. La plus importante centrale syndicale au Québec est fin prête à passer de la parole aux actes. Son objectif : battre les conservateurs !
Aujourd’hui à l’émission « Normandeau-Duhaime le midi » diffusé au FM93 à Québec, un document confidentiel de la FTQ a été mis en ligne permettant de connaître la stratégie de la FTQ pour battre Stephen Harper aux prochaines élections fédérales. Les animateurs ont obtenu les commentaires du secrétaire général de la FTQ (Serge Cadieux) et ceux de la directrice de campagne du NPD pour le Québec (Rebecca Blaikie).
La parole était connue. Aussi tôt qu’en janvier de l’an dernier, on promettait de battre le gouvernement Harper en 2015. En mai 2014, on comprenait que «pour la première fois depuis que le Bloc québécois existe, la centrale syndicale pourrait recommander d’appuyer un parti fédéraliste à Ottawa (source). Joël-Denis Bellavance de La Presse Canadienne a récemment publié des éléments de cette stratégie et sorti la nouvelle des huit comtés ciblés, dans les régions de Québec et du Saguenay «où elle compte soutenir tout candidat capable de battre un conservateur, et où elle entend appuyer le NPD de Thomas Mulcair, perçu comme un défenseur des droits des travailleurs syndiqués».
Les actes sont maintenant plus concrets et les comtés formellement identifiés : Beauport-Limoilou, Charlesbourg-Haute-Saint-Charles, Louis-Saint-Laurent, Louis-Hébert, Montmagny-L’Islet-Kamouraska, Portneuf-Jacques-Cartier, Roberval-Lac-Saint-Jean et Jonquière.
Le FM93 affirme qu’une réunion pour s’allier à d’autres centrales syndicales au pays aura lieu la semaine prochaine à Toronto.
Cette offensive syndicale risque à nouveau de soulever un débat sur la légitimité que des cotisations syndicales automatiquement perçues grâce à la formule Rand puissent être utilisées à des fins politiques. Au-delà du respect de la loi électorale fédérale, il faudra voir si les électeurs des comtés ciblés réagiront positivement aux interventions directes des syndiqués FTQ dans la campagne.
Il faut ajouter que cette initiative de la FTQ s’inspire de la stratégie australienne « Your Rights at Work – Worth Fighting For » qui semble-t-il avait bien fonctionné.
De mon point de vue, ces informations soulèvent plusieurs questions autant qu’elles confirment certaines analyses qui circulent à Québec depuis quelques mois.
La région de Québec : épicentre de la prochaine campagne électorale fédérale
Dans un contexte où la FTQ «concède aux conservateurs (PCC)» quatre comtés (Beauce, Lévis-Belle-chasse, Lotbinière-Chutes-de-la-chaudière et Mégantic-L’Érable), on peut déduire qu’un minimum de douze comtés est prenable, du point de vue de ceux qui ne veulent pas voir Stephen Harper réélu. Au Canada, l’enjeu d’un gouvernement majoritaire conservateur dépend probablement de ces douze batailles et l’engagement de la FTQ vient confirmer que beaucoup d’attention et de ressources seront accordées à ces luttes.
La FTQ se considère-t-elle sortie de la crise provoquée par ses problèmes d’image et de mauvaise gestion démontrés lors des audiences publiques de la Commission Charbonneau ?
Daniel Boyer (président de la FTQ) dans une vidéo diffusée en janvier 2014 affirmait que la juge Charbonneau «s’acharnait» sur la FTQ. Le rapport final de la Commission Charbonneau est attendu ce printemps et on ne connaît pas encore les répercussions que son contenu pourrait avoir sur «l’image de marque» de la centrale syndicale qui a eu son lot de crises à gérer tout au long du processus. Force est d’admettre que pour agir efficacement en politique et avoir une influence sur le vote, il faut que le messager dispose d’un capital de notoriété positif. Le NPD et le PCC au Québec auront très hâte de lire les conclusions de France Charbonneau.
Le mandat d’une centrale syndicale est-il de faire activement de la politique ?
La question se pose de plus en plus, d’autant que la loi électorale provinciale est moins permissive que celle du fédéral. Est-ce que l’influence des moeurs politiques au Québec rattrapera la FTQ au moment où la centrale justifiera ses agissements par le fait de respecter intégralement la loi fédérale ? Est-ce que la stratégie de la FTQ pourrait se retourner contre le NPD dans ces huit comtés ciblés dans la mesure où des électeurs qui leurs seraient favorables seraient tentés de rester à la maison plutôt que de se faire dire pour qui voter ?
Les travailleurs cotisants sont-ils les seuls à pouvoir s’exprimer sur la légitimité de cette stratégie et de l’argent ainsi dépensé ?
Certains des événements rapportés lors des audiences publiques de la Commission Charbonneau concernaient le déroulement des assemblées syndicales à la FTQ. Le témoignage de l’ex-syndicaliste Ken Pereira en particulier illustrait les fortes tensions qui peuvent parfois limiter le capacité des syndiqués à échanger des points de vue divergents. Qu’en sera-t-il en 2015 sur ce sujet où on peut facilement soupçonner que des questions se poseront ? Le grand public aura-t-il accès à ces débats, s’ils ont lieu ? La population sera-t-elle invitée à s’exprimer sur ce sujet ?
On peut dire sans se tromper que la campagne électorale fédérale qui devrait nous mener à un scrutin en octobre 2015 est déjà bien lancée à Québec, en ce début d’année !
Mise à jour de fin de journée : Réaction de Denis Lebel (lieutenant politique du Premier ministre au Québec), «Campagne des syndicats : le chat sort du sac» et réaction de la FTQ.
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