Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Alors qu’il était chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont aurait eu envie de dire sa façon de penser aux «Radio-Canadiens». Aujourd’hui, il regrette beaucoup de ne pas avoir affirmé «haut et fort que Radio-Canada était un ennemi politique». Ce serait «l’une des grandes erreurs de sa carrière politique». À quelques mois des élections générales au Canada, Stephen Harper ne s’est pas gêné pour dire tout haut ce que Mario Dumont pensait tout bas. Erreur ou bon coup ?
À Québec, force est d’admettre que l’émission du midi au FM93 qui en est à ses premières semaines de mise en ondes nous offre du contenu exclusif et des commentaires qui font jaser. L’entrevue pré-enregistrée avec Stephen Harper et la chronique de Mario Dumont sur le sujet de Radio-Canada s’inscrivent dans la foulée.
J’écoute beaucoup de radio et plusieurs émissions de ICI Radio-Canada Première composent mon menu de tous les jours. Je passe très peu de temps concentré devant la télé, si ce n’est pour les chaînes de nouvelles continues qui sont toujours en arrière-plan de mes écrans d’ordinateur. Bref, j’ai beaucoup d’affection pour la société Radio-Canada, mais je me nourri d’un point de vue infos, à plusieurs endroits, Internet étant ma première source.
J’ajoute que je suis abonné au Devoir, c’est vous dire que la ligne éditoriale d’une gauche souverainiste ne me rebute pas du tout.
Cela dit, je n’ai pas été dérangé outre-mesure par l’assertion du premier ministre Harper à l’effet que Radio-Canada penchait pas mal à gauche. Ma perception est que plusieurs de ses commettants entretiennent un préjugé défavorable envers les valeurs identifiées au gouvernement conservateur. Plusieurs exemples me viennent en mémoire.
Ai-je été surpris d’entendre que Stephen Harper pense «qu’il y en a beaucoup [des gens] à Radio-Canada qui détestent ces valeurs» ? Certes, mais pas incommodé.
D’ailleurs, je n’ai pas lu/vu/entendu d’observateurs déconstruire l’hypothèse de messieurs Harper et Dumont, même si plusieurs l’ont condamnée. Hier, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) est sortie sur la place publique pour affirmer que M. Harper «exerce une pression inacceptable sur l’intégrité du diffuseur public», mais a demandé du même souffle «à M. Lacroix (président et directeur général de la société d’État) d’aller beaucoup plus loin et de défendre avec fermeté l’indépendance du diffuseur public».
La pression qualifiée «d’inacceptable» pourrait peut-être contribuer à ce que Radio-Canada puisse défendre avec plus de «fermeté» [à l’interne] son indépendance, sait-on ?
Même en cette journée où le Conseil de presse du Québec a blâmé Radio-Canada pour un reportage sur le financement au PQ, on n’a pas profité de la nouvelle pour infirmer le message de Stephen Harper. C’est tout dire…
Maintenant, de manière prospective, essayons d’évaluer les conséquences de ces deux déclarations au micro de Éric Duhaime et de Nathalie Normandeau.
Mario Dumont a qualifié «de stratégique» le message «peu élégant» du premier ministre canadien. Qu’il ait raison ou pas, parions que le diffuseur public fera davantage d’efforts à présenter les deux côtés d’une même médaille. Du côté des conservateurs, ils n’auront pas le choix avec l’imminence du scrutin fédérale de l’automne de manifester plus d’ouverture envers les journalistes. On peut facilement affirmer que M. Harper a de l’espace pour s’améliorer sur ce volet, depuis qu’il dirige le pays.
Je ne sais pas si la carrière de Mario Dumont aurait bénéficié d’une stratégie «à la Harper», mais à court terme, la fronde du chef conservateur ne lui a causé aucun préjudice visible, surtout pas auprès de son électorat.
On savait que ce qu’a affirmé M. Harper face à Radio-Canada, il le pensait.
À Québec, on aime bien que les politiciens disent ce qu’ils pensent, sans langue de bois.
Cette campagne électorale fédérale devient de plus en plus intéressante à suivre. Reste à savoir si les Québécois sont aussi peu «gauchistes» que les stratèges conservateurs le croient.
En attendant de voir, ce serait peut-être une bonne idée de cesser de s’en prendre aux scientifiques.
Au Québec, à droite comme à gauche, la science a la cote, au moins autant que les militaires !
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