Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Certaines déclarations récentes du premier ministre du Québec et de la ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion laissent entendre que ce qui importe face à l’intégrisme religieux est que les personnes qui en sont les adeptes respectent la loi. Sans plus. Et si ce n’était pas si simple…
On parle de plus en plus d’intégrisme religieux dans les médias et dans la population. L’actualité quotidienne est tapissée de situations où des gens sont en conflits parce qu’ils interprètent au pied de la lettre des textes religieux qu’ils choisissent pour dicter leur conduite. Ces situations ne témoignent pas toutes de la présence au Québec d’intégristes, mais elles nous affectent tous.
Ces personnes, intransigeantes à faire respecter leurs convictions, semblent conduire leur vie – et parfois celle des autres – selon des principes à suivre qui ne tolèrent pas la négociation. Généralement, les intégristes refusent toute évolution et n’ont pas tendance à considérer l’autre comme son égal en dignité et en droit.
Dominique Lormier (historien et écrivain français) affirme que l’intégrisme religieux «a toujours existé dans l’histoire de l’humanité et il se fonde sur des critères que l’on retrouve dans toutes les grandes religions» (source):
- La peur des autres et du changement
- La certitude de détenir l’unique vérité salvatrice
- La phobie du sexe
- Le mépris des femmes
- Le refus du dialogue
- La guerre ’sainte’ comme objectif final
- La bigoterie, une interprétation littérale des textes religieux, la haine des mystiques et des voies spirituelles dépassant les dogmes institués par des théologiens
Cette idée qu’on ne devrait s’inquiéter de leur présence en plus ou moins grand nombre au Québec qu’à partir du moment où ils ne respectent pas la loi actuelle me donne froid dans le dos.
Déjà que le gouvernement libéral ne semble vraiment pas pressé de légiférer dans le dossier de la laïcité et des accommodements raisonnables, des déclarations récentes laissent penser que seules des préoccupations de sécurité publique comptent vraiment pour motiver des actions gouvernementales.
L’intégrisme: un choix personnel
À la fin janvier, un article de Robert Dutrisac (correspondant parlementaire au Devoir) rapporte que «Philippe Couillard n’a aucune intention de limiter le droit des intégristes de pratiquer une version radicale de leur religion, un choix personnel, selon lui, dans la mesure où ils respectent la loi». Redoutant les amalgames, notre premier ministre nous invite à ne pas confondre intégrisme et terrorisme.
Celle qui préside un groupe de travail interministériel sur la lutte contre l’intégrisme, Kathleen Weil, vient à peine d’en ajouter. Après avoir laissé entendre qu’elle «ne verrait aucun problème à ce qu’un intégriste religieux travaille à son cabinet ministériel», la ministre de l’Immigration vient de rectifier son propos (source). On se souviendra que plus tôt cette semaine, on a assisté à un «changement de discours du gouvernement Couillard sur les questions d’intégrisme et de radicalisation». On ne parle plus de «lutte à l’intégrisme», mais «d’extrémisme» et de «radicalisation». On rapporte que les membres du conseil des ministres «ont adopté pareil lexique».
Que signifie ces déclarations?
Comment interpréter «l’extrême prudence» à adopter des mesures concrètes ?
Il est possible de baliser le comportement des intégristes religieux sans se transformer en société intolérantes, considérant que le gouvernement a la responsabilité d’adopter les lois. Ces lois qui justement semblent être le critère du premier ministre pour s’inquiéter ou non.
On se souviendra que Philippe Couillard avait pris l’engagement de présenter un projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État et des mesures contre l’intégrisme.
Les partis d’opposition ne lâcheront pas le gouvernement sur ces questions.
François Legault s’est commis dans des propositions clairement exprimées et une lettre ouverte, publiée dans plusieurs médias, dont au Journal.
Le Parti québécois a aujourd’hui déposé un projet de loi et réclame un observatoire sur l’intégrisme religieux.
Je ne comprends pas l’hésitation du gouvernement à proposer une législation, qui, sans être parfaite, aurait au moins le mérite de rallier tout le monde au plus bas dénominateur commun.
En maintenant le floue dans le contexte où la Sûreté du Québec estime probable que d’autres actes extrémistes surviendront au Québec, on ne s’aide pas beaucoup. On s’expose à encore plus de tensions sur ce sujet.
Ajoutons à cela les méfaits contre une école musulmane de l’ouest de Montréal, la mise sur pied «d’une cellule de crise» par l’Université Laval pour «avoir l’œil sur une éventuelle propagation d’idées intégristes ou présence d’imams en ses murs» et la création à l’Université de Sherbrooke d’un Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent…
Il faut se demander si l’intégrisme religieux est traité à la légère par le gouvernement? Il y a tellement peu de concret et tant de déclarations qui laissent perplexes.
J’invite ceux qui ont à prendre ce type de décisions à se montrer précis dans le calendrier qui va nous mener à l’adoption de mesures visant à ce que l’intégrisme religieux ne puissent AUCUNEMENT prendre racine au Québec, peu importe la religion.
Tags: "...à qui je suis" "La vie la vie en société"