Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
La divulgation de conditions de départ à la retraite de certaines personnes ayant fait carrière dans des sociétés d’État ou dans des universités au Québec étonne. Pourrait-on aller jusqu’à dire qu’elles «endommagent gravement» la confiance de la population envers l’équité intergénérationnelle? Je le crois. Dans le contexte actuel où des tensions sociales importantes surgissent pour bien moins, je considère qu’il faut retraiter sur certains avantages consentis à une autre époque.
Dans les deux derniers jours, on a appris des faits troublants qui sont liés à des dispositions légales, mais néanmoins injustes. Je veux parler de mesures spectaculaires «qui respectent la loi», mais «jugées inacceptables» quand on constate la démesure des privilèges accordés.
Les professeurs et les employés du réseau de l’Université du Québec qui partent avant 60 ans «ont droit à une année de salaire payée s’ils prennent une retraite anticipée entre 55 et 60 ans». Insérée dans les conventions collectives voilà une trentaine d’années pour des raisons qui paraissent louables, la mesure s’est habilement «étendue aux autres corps d’emploi» et on dit maintenant que «ça fait partie de la rémunération globale». J’ai souvent l’impression quand j’entends cette expression qu’on veut cacher quelque chose d’important dans une masse d’informations difficile à comprendre.
Du côté d’Hydro-Québec, une enquête dont les résultats sont validés par la société d’État permet d’apprendre que le président-directeur général démissionnaire Thierry Vandal touchera une rente annuelle de retraite pharaonique. Encore ici, on parle de chiffres hors de proportion qui font en sorte que le retraité «vandale» recevra très bientôt plus d’un demi million de dollars par année pour «services rendus».
L’argument de la «retraite méritée» ou celui des «ententes négociées en bonne et due forme» ne tient pas, il me semble.
Le sujet des conditions de retraite de plusieurs Québécois est abondamment discuté par les temps qui courent.
Le 5 décembre 2014, la loi 3 sur les régimes de retraite du secteur municipal est entrée en vigueur et elle a suscité de forts débats. Insatisfait des résultats, le milieu syndical portera vraisemblablement devant les tribunaux le litige sur son adoption et son application, en plus de maintenir la mobilisation sur le terrain contre les dispositions de cette loi qui a permis de revenir sur des ententes dûment négociées et signées.
N’oublions pas également que les propositions actuelles du président du Conseil du trésor prévoient plusieurs changements au régime de retraite des employés des secteurs public et parapublic…
«Martin Coiteux veut faire passer l’âge de leur retraite de 60 à 62 ans. Et que leur rente soit calculée selon la moyenne du salaire de leurs huit meilleures années de travail et non plus des cinq. Enfin, que la pénalité applicable pour une prise de retraite anticipée passe de 4 % à 7,2 % par année» (source).
Et surtout, ayons en tête qu’un grand nombre de Québécois qui payent par leurs taxes et impôts ces avantages n’ont tout simplement pas de régime de retraite.
L’allongement de l’espérance de vie des Québécois et le fait qu’il y ait de moins en moins de cotisants par rapport au nombre de retraités mettent énormément de pression sur les régimes de retraites. On conviendra donc que les dispositions de certains privilégiés soient jugées indécentes par tous ceux qui suivent de près ces débats sur les efforts à faire pour assurer «la pérennité» des régimes de retraite.
L’utilisation du terme «vandales» pour qualifier le comportement de ceux qui se cachent derrière des conditions acquises «à une autre époque» peut paraître exagérée.
Je crois néanmoins que ces révélations «endommagent gravement» la confiance de ceux qui doivent envisager d’importants sacrifices à leurs conditions de retraite pour bien servir l’intérêt public et le bien commun.
Les élus de l’Assemblée nationale qui bénéficient également d’un généreux régime de retraite doivent aussi accepter qu’on revoit certains avantages qui contribuent à l’augmentation du cynisme ambiant sur ce sujet.
L’acceptation sociale de plusieurs des changements proposés requiert de cesser de fermer les yeux sur ces situations profondément révoltantes.
M. Vandal et certaines universités auraient avantage à le comprendre.
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