La Finlande opte pour l’enseignement transversal

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

La Finlande a souvent été reconnue par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour sa volonté exprimée d’une éducation de qualité à l’ensemble de sa population. Dans le haut des palmarès du Program for International Student Assessment (PISA) la plupart du temps, on apprend qu’elle envisage une nouvelle approche de l’enseignement: remplacer les matières traditionnelles par des thèmes transversaux. Aurait-elle compris quelque chose que nous ne voulons pas comprendre au Québec?

Après la publication des résultats en 2012 moins spectaculaires de la Finlande aux tests PISA, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) avait voulu comprendre «ce que cette 12ème position au classement général de 2012 changera au niveau du ministère de l’Éducation» de la Finlande? J’avais moi aussi tenté d’analyser pour le Québec l’effet de ces mêmes résultats.

On a peut-être obtenu une réponse avec cette volonté exprimée et expérimentée dans plusieurs écoles de la capitale Helsinki d’utiliser une approche transversale (donc moins disciplinaire) qui fera en sorte d’abandonner totalement l’enseignement par matières.

«Young people use quite advanced computers. In the past the banks had lots of bank clerks totting up figures but now that has totally changed. We therefore have to make the changes in education that are necessary for industry and modern society.» – Pasi Silander, Stadin eKampus Development Director, département d’Éducation de la Ville d’Helsinki (source)

On sait déjà qu’au Québec le terme «transversal» (comme dans «compétences transversales) a fait l’objet de plusieurs moqueries à l’occasion de l’implantation de la dernière réforme des programmes. Tellement qu’il n’en reste plus de trace aujourd’hui dans les programmes officiels du Québec. On voudra sûrement faire un rapprochement entre ce qui est souhaité en Finlande et ce qui a été proposé au Québec, mais l’amalgame s’arrête à l’utilisation du même vocable, «transversal». Jamais on a voulu dans le programme du Québec cesser l’enseignement discipline par discipline, remplaçant seulement le mot «matière scolaire» par «domaines d’apprentissages disciplinaires».

Ce qui est proposé en Finlande «veut dire que les matières comme les maths ou l’histoire-géo n’existeront plus en tant que telles» (source). On voudrait moins de «sujets» et davantage de «thèmes»…

«There are schools that are teaching in the old fashioned way which was of benefit in the beginnings of the 1900s – but the needs are not the same and we need something fit for the 21st century.» – Marjo Kyllonen, Educational manager at City of Helsinki (source)

Cette approche beaucoup plus active qui souhaite davantage «mettre en contexte» ce qui sera enseigné aux élèves de la Finlande pourrait être qualifiée «d’enseignement transversal» puisque plusieurs matières continueront d’être enseignées, à conditions d’être en lien avec les thèmes au programme. Selon Pasi Silander que je citais en début de billet «70% des enseignants des écoles secondaires d’Helsinki ont été formés à l’approche transversale», mais on ne l’étendra pas avant 2020, au reste du pays.

Ce sera intéressant de suivre les débats qui ne manqueront pas de surgir puisque la Finlande a régulièrement obtenu la faveur des observateurs de partout dans le monde de l’éducation. On peut même parler de ce pays scandinave comme faisant l’objet d’un certain tourisme pédagogique

L’école finlandaise m’intéresse depuis longtemps (1, 2) et si je ne suis pas vraiment étonné par le «virage transversal» proposé, je me méfie de l’intention de cesser l’utilisation et l’enseignement de l’écriture cursive que je qualifiais dernièrement de «cadeau de Grec».

Je ne suis pas totalement «vendu» à cette approche transversale, mais plutôt bien intrigué par les résultats potentiels à venir. Je reconnais un certain mérite aux motivations à l’origine de ces propositions.

Cette nouvelle en provenance de la Finlande indique que les débats sur ce qui fait les bons systèmes d’éducation au 21e siècle ne font que commencer. Les forces extérieures aux écoles qui ont de plus en plus d’impacts sur les décisions à prendre pour contrer le décrochage et bien arrimer la qualité de la formation avec l’emploi agissent sur les décideurs. Les ministres de l’Éducation de tous les pays doivent tenir compte des bonnes pratiques en enseignement, des résultats de recherche qui indiquent ce qui marche et ce qui ne marche pas et des impératifs d’une culture générale forte au sortir de la formation initiale et de base des élèves.

Force est cependant d’admettre que la volonté de briser les silos qui enferment bien souvent les apprenants bien davantage qu’ils les libèrent crée une forte pression sur l’école primaire et secondaire.

Au Québec, nous devrons questionner nos préjugés contre ce qui est transversal en éducation, sans oublier que la compétence de ceux que nous formons tient en premier à tout ce qu’ils savent au moment de choisir d’agir dans les contextes appropriés.

La Finlande, «pays en pointe sur les questions d’éducation», serait-elle en voie de nous montrer le chemin à suivre?

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