Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
L’académicien Michel Serres est plutôt optimiste face à la montée en puissance du numérique portée par la jeune génération. À regarder les jeunes taper frénétiquement sur leur téléphone, on constate qu’ils ont les mains pleines de pouces. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient nécessairement maladroits…
Michel Serres nous le rappelle souvent d’ailleurs, ce qui différencie les jeunes des moins jeunes quand ils utilisent un écran tactile, c’est la façon dont ils se servent de leurs pouces pour taper leurs messages. Présent par vidéoconférence au Rendez-vous des écoles francophones en réseau (refer), il a beaucoup été question de l’auteur de l’essai «Petite Poucette» et de son message, bien présent dans un entretien récent avec deux des organisatrices du colloque.
L’événement qui a regroupé plus de 150 personnes à Québec s’est terminé hier et a mis en lumière la capacité des jeunes du Québec et de la Belgique à se servir des propos de Michel Serres pour débattre amicalement des effets sur notre société de l’utilisation massive du numérique (1, 2, 3, 4). Il fallait voir celui qui affirme que «les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents» (source) devoir défendre auprès des jeunes des postures contraires à celles qu’il privilégie, simulation oblige. Il s’en est quand même très bien tiré.
Les élèves participants pourront dire qu’ils ont vécu une activité d’apprentissage avec un membre de l’Académie française…
On peut affirmer sans se tromper que les organisateurs avaient tout un défi à relever avec une trentaine de foyers connectés avec celui de Québec. Ça c’est plutôt bien passé du point de vue technique, même si les multiples fuseaux horaires et quelques filtres internet dans certains établissements scolaires ont compliqué la vie des participants.
Parmi les moments forts, la présentation des «twoutils» par Régis Forgione (spécialiste des twictées) qui s’est avérée être une leçon de grammaire en 140 caractères. Mme Catherine était sur place, bien entendu.
On peut aussi parler de l’exercice à base de réalité augmentée, expérience menée à l’aide de l’application Auras.ma utilisée avec des extraits du livre Petite Poucette.
Le thème du Rendez-vous (Le numérique à l’école: entre humanisme et utilitarisme) a pris tout son sens lorsque vendredi matin plusieurs intervenant sont venus expliquer comment abattre les murs de la salle de classe et aussi ceux de l’école.
L’édition 2015 du refer a permis de mettre en lumière les réseaux de plus en plus solides dans lesquels des enseignants de toute la francophonie se retrouvent. D’ailleurs, le directeur général du réseau Canopé ne s’est pas gêné en fin d’événement pour témoigner de son soutien à l’organisation de la prochaine édition.
Le refer se tient sur quelques jours, mais il crée des situations d’apprentissage à l’année. C’est un prétexte pour explorer ou inventer de nouveaux territoires pédagogiques. Plusieurs enseignants et conseillers pédagogiques conçoivent des projets à partir de leur expérience vécue au rendez-vous et à l’inverse, certains montent des activités en vue de les présenter au moment du rassemblement. Le Projet Petite Poucette en est un bon exemple.
De plus en plus d’élèves participent aussi au refer, ce qui entraîne inévitablement quelques anecdotes. Autant les mains pleines de pouces des jeunes obligent les adultes à reconsidérer certaines de leurs expressions favorites, autant parfois la façon de faire des adultes continue d’étonner les jeunes. Comme cette fois où une sommité de l’Université Laval essayait de faire fonctionner sa souris pendant une présentation et que le mur de tweet affiché dans l’auditorium montrait celui d’un élève qui se moquait gentiment, «La technologie a ses points faibles on dirait!».
Quand il s’agit des personnes de plus de vingt-ans, l’expression «avoir les mains pleines de pouces» conserve son sens original, il faut croire…
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