Dans la peau du contribuable

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Les trois chefs de parti qui comptent le plus de députés à l’Assemblée nationale semblent avoir entamé une bataille pour qui incarnera le mieux le thème de l’économie, pour les prochaines années. Les amateurs de chiffres seront bien servis…

Bien en selle au gouvernement, le Parti libéral a l’occasion de démontrer sa capacité à mieux gérer les finances publiques. Il éprouve des difficultés avec la croissance de l’emploi, mais il n’a pas jeté l’éponge. Hier par exemple, il a habilement contré l’arrivée du nouveau chef péquiste pour sa première question officielle avec une annonce bien ciblée. Bravo !

La Coalition avenir Québec a résolument pris la défense du contribuable en ne ratant aucune occasion de rappeler qu’on continue de venir piger dans nos poches régulièrement. Il fallait entendre Jocelyne Cazin hier au débat sur les ondes de CHOI RadioX pour se convaincre que ce sera une des lignes de force du parti de François Legault. L’augmentation des taxes scolaires de 33% sur deux ans que subissent plusieurs contribuables de ce comté (gracieuseté de la Commission scolaire des Premières-Seigneuries) est pitoyable.

D’ailleurs, dans ce débat où le ton a monté d’un cran entre Mmes Cazin et Tremblay au sujet de certains dossiers économiques, le candidat péquiste a eu peine à suivre le rythme comme en témoigne cet extrait qui a fait le bonheur de celui qui tient le blogue Mots et maux de la politique: «Il faut faire un effort sur l’effort budgétaire» !

Pierre-Karl Péladeau apporte avec son élection à la tête du Parti québécois un passé d’homme d’affaires. Deux de ses déclarations d’hier ont cependant surpris.

Dès la première phrase de son intervention en Chambre, il a affirmé que le Québec serait «un pays» plus riche que la Suède et l’Allemagne. N’en fallait pas plus pour que l’éditeur émérite au journal Les Affaires s’interroge… (Ajout: infos supplémentaires chez Denis Lessard et David)

L’autre déclaration vient d’une réponse à la question d’un journaliste sur les mondes réel et imaginaire (mon collègue Stéphane Gobeil a évoqué hier qui est à l’origine de la formule). M. Péladeau montre bien dans cet extrait qu’il a bien l’intention d’occuper le terrain de l’économie… même si on l’a souvent entendu dire qu’il était venu en politique pour faire l’indépendance (le soulignement est de moi, mais la source, est ici)

«Je ne crois pas que ce soit irréel que de considérer que nous allons travailler pour le développement économique, a-t-il dit. Je me suis engagé aussi et surtout en politique pour que les Québécois s’enrichissent. Malheureusement, si on considère que cette perspective est irréelle, j’ai de sérieuses questions à me poser sur l’appréciation que peut en avoir le premier ministre.»

Les forces en présence
Le développement économique – «créer des conditions propices au développement ordonné de la libre entreprise» – fait partie depuis longtemps des valeurs libérales, comme l’a brillamment démontré hier mon autre collègue Patrice Servant.

François Legault a bien établi sa crédibilité d’homme d’affaires avant de faire le saut en politique et il a prouvé dans au moins deux campagnes électorales qu’il avait l’étoffe pour gagner des débats lorsque ce sujet est à l’avant-plan.

Pour ce qui est du nouveau chef de l’Opposition officielle, la preuve reste à faire.

Très peu testé sur ses compétences économiques dans une campagne où ses opposants n’ont pas osé les remettre en question, il a fallu attendre la percutante sortie du dragon Mitch Garber pour ce faire…

«Pierre Karl, pour être franc avec vous, depuis qu’il est PDG, ou en charge, ou actionnaire majoritaire de Québecor, la performance est très mauvaise. La compagnie connaît l’un des pires taux de croissance dans le domaine des communications immédiat au Canada et en Amérique du Nord.»

Invectivé par Julie Snyder, l’homme d’affaires a publié sur Twitter (1, 2, 3, 4, 5, 6) de nombreux graphiques pour étayer sa thèse.

La faillite de Quebecor World en 2008 et l’aventure avec la chaîne de télévision canadienne anglophone Sun News qui s’est soldée par des pertes de 500 millions $ ont fait dire à François Legault hier que «le député de Saint-Jérôme n’est pas parvenu à fournir aux actionnaires un rendement supérieur à celui des obligations d’épargne du gouvernement québécois» (source).

Pierre Karl Péladeau entre en politique avec beaucoup de notoriété, mais comme il n’a pas été testé, il devra établir sa crédibilité à vouloir occuper politiquement le thème de l’économie et ainsi démontrer que son passé n’est pas garant de notre avenir.

La réalité, c’est que «37% des contribuables sont non-imposables et ne paient aucun impôt sur le revenu». C’est aussi que «25% des contribuables gagnent 50 000$ et plus et assument 77% du fardeau fiscal (source).

Une autre réalité – et ce sera utile à savoir pour celui qui promet l’enrichissement des Québécois par l’indépendance – c’est que le bilan entre ce que Ottawa reçoit en argent du Québec et ce qu’il renvoie au Québec est de 16,2 milliards $ (chiffres de l’Institut de la statistique du Québec – 2012, rapportés par Michel Hébert). L’appartenance au Canada actuellement fait en sorte que nous recevons beaucoup plus d’argent d’Ottawa qu’on en envoie.

Mon collègue Stéphane qui a beaucoup écrit sur ce sujet voudra sûrement y revenir… mais ce sont des chiffres réels et bien documentés.

Nous n’en sommes qu’au début…
La bataille pour qui sera le mieux identifié à la défense des intérêts économiques du Québec débute.

Le Parti québécois n’a pas le porteur de ballon dans Chauveau pour s’affirmer à la hauteur des ambitions du chef. Peut-être le candidat dans Jean-Talon pourra-t-il réussir à redorer le blason d’un parti qui ne peut tout de même pas concéder si tôt la victoire sur ce terrain dans les deux élections partielles.

N’en déplaise à Pierre Karl Péladeau, d’ici le 8 juin, le terrain de jeu de cette bataille se portera dans Chauveau et dans Jean-Talon.

De plus, «le mystère de Québec» est encore entier pour le PQ.

Je suggère au nouveau chef du Parti québécois d’essayer lui-aussi de se placer dans la peau du contribuable, de celui qui contribue aux dépenses publiques de l’État.

Peut-être fera-t-il d’une pierre deux coups ?

Comprendre enfin Québec et établir sa crédibilité pour la suite des choses, ce qui pourrait s’avérer très utile dans la réalité d’un chef de l’opposition !

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