Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Le 1er juillet dernier, le Journal La Presse a révélé que la nouvelle bâtonnière du Québec récemment élue avait «fait l’objet d’une plainte à la police pour vol à l’étalage dans un magasin de vêtements de Laval l’an dernier». Six jours plus tard, on nage en pleine gestion de crise !
Il ne me semble pas normal qu’une institution comme le Barreau du Québec soit incapable six jours plus tard de gérer convenablement la situation.
Les faits sont les suivants…
Le 22 mai dernier, Me Lu Chan Khuong est élue au poste de bâtonnière du Québec, au terme d’un scrutin électronique, une première. La nomination semble bien accueillie. Le Journal parle «d’un vent de fraîcheur».
La cérémonie de passation des pouvoirs a lieu le jeudi 11 juin 2015. Tout paraît bien se passer… jusqu’à ce qu’on apprenne la controverse.
En fin d’après-midi le 1er juillet, le conseil d’administration du Barreau du Québec «suspend la bâtonnière jusqu’à nouvel ordre».
Yves Boisvert fait l’hypothèse que «ces gens vont unanimement un peu vite en affaire».
À chaque jour depuis le 1er juillet, l’actualité sur ce sujet est une déferlante.
Pétition citoyenne en appui à Me Lu Chan Khuong, contestation devant les tribunaux de la principale intéressée, experts judiciaires qui tergiversent… aujourd’hui, c’est Me Julius Grey qui souhaite que «l’avocate puisse réintégrer « immédiatement » ses fonctions».
On comprendra que je ne prenne pas position sur le fond, même les avocats entre eux semblent complètement perdus.
J’ai lu avant-hier dans une publication spécialisée que Lu Chan Khuong était «en passe de devenir la Raif Badawi du Québec», rien de moins !
Le Barreau de Longueuil de son côté «appui à la nouvelle bâtonnière du Québec» (source), c’est vous dire jusqu’à quel point il est impossible pour le grand public de s’y retrouver dans cette histoire.
Un programme de déjudiciarisation semble au coeur du litige. « L’incident » de avril 2014 impliquant Lu Chan Khuong aurait dû rester confidentiel, semble-t-il. Me David Dubois (secrétaire du C.A. du Barreau de Longueuil) parle d’un «coulage d’information inquiétant».
Je ne connais pas les implications de la suspension d’une bâtonnière fraîchement élue, mais il me semble qu’un tel étalage de mauvaise gestion de crise doit bien avoir quelques conséquences sur la profession d’avocat ?
Je veux bien croire que la période des vacances agit de manière à ce que moins de gens s’intéressent à l’actualité, mais le silence du Barreau du Québec depuis qu’il a demandé à Me Lu Chan Khuong de démissionner de son poste inquiète et me paraît envenimer la situation.
Il serait peut-être temps de consulter de vrais experts en gestion de crise avant que le conflit ne cause plus de dommages à la profession ?
On s’entend… la situation de Me Lu Chan Khuong ne se compare en rien (vraiment en rien) à celle de Raif Badawi, mais qui sait jusqu’où vont aller ceux qui ont intérêt à envenimer le litige dans un contexte qui ressemble de plus en plus à une guerre ouverte entre des clans qui semblent avoir complètement perdu leur livre de règlements ?
Ajout : Dans un billet publié tard hier soir, le professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke Finn Makela écrit que le Conseil d’administration du Barreau du Québec «a substitué sa volonté à celle des membres, et cela en toute illégalité» en agissant comme il l’a fait. À suivre…
Mise à jour du lendemain : La divulgation d’informations confidentielles dans le dossier de la bâtonnière suspendue préoccupe la ministre de la Justice…
Mise à jour du 15 juillet : Le Barreau du Québec a publié hier sur son site une lettre ouverte qui est en quelque sorte une réponse à un éditorial de Antoine Robitaille publié au Devoir.
Tags: "La vie la vie en société"