Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Le Parc de la Francophonie était complètement Adamus hier soir. Des inconditionnels de sa poésie chantée en folk-blues était rassemblés au Pigeonnier pour une soirée déjantée. Elle s’est avérée à la hauteur des ambitions de tous…
Plus tôt en journée, j’ai rencontré l’artiste consacré par le Festival de la Chanson Petite-Vallée et il devenait facile de prévoir que la soirée serait belle.
J’ai déjà croisé Bernard Adamus dans le passé, au Festival Musique du bout du monde, entre autres. Pas vraiment motivé à faire de «la promo», je m’attendais à une rencontre plutôt froide et désintéressée, cette fois encore.
Mais non. L’homme que j’avais devant moi était de fort bonne humeur et avouait être devenu zen par rapport à ces situations où il doit expliquer ce qu’il fait et où il s’en va. Au bout de cinq ans, j’imagine que c’est le métier qui rentre…
Peut-être pas non plus.
Le projet Bernard Adamus est unique. Il est à prendre ou à laisser. «On ne passe pas vraiment à la radio commerciale», me disait-il. «Ça nous enlève certaines contraintes… je suis libre !»
Cette liberté, le public de Adamus la ressent. Il a développé son propre style, un brin rugueux, une poésie très particulière qui plaît aux jeunes et à leurs parents et une musicalité hors du commun. Le fait de parler à plusieurs générations semblent lui faire plaisir, mais il ne saurait trop comprendre pourquoi. En a-t-il seulement envie ?
«On essaye de faire différent, sinon c’est plate».
Et du Adamus, c’est pas plate, en effet !
Souvent en tournée pendant ces cinq dernières années, il a pris une année sabbatique de 40 spectacles seulement, en 2014. Il a passé beaucoup de temps à l’étranger avec son groupe… un itinéraire qui l’a mené jusqu’en Pologne. Aucun rapport avec le fait qu’il soit né dans ce pays : «C’était le mois de la francophonie… fouille-moi par quel hasard de réseau mon nom est sortie, pis ça été ça. On est allé faire du blues québécois en Pologne !»
Son prochain album Sorel, Soviet, So What. est prêt et il devrait sortir le 27 septembre. Il est déjà en train d’écrire le prochain. Il dit d’ailleurs beaucoup de bien de ce troisième opus au titre fantaisiste et iconoclaste… «C’est un album plus personnel, mais moins intime. Nous sommes beaucoup plus intense dans la livraison musicale».
On en a eu un aperçu hier soir avec la pièce Hola les lolos, présentée en milieu de parcours.
Pour revenir au spectacle d’hier soir, ma collègue qui le couvrait pour le Journal a parlé d’un «cocktail dynamique».
Une dynamique très efficace, en effet !
Tous les instrumentistes étaient regroupés sur une même ligne à l’avant-scène et créait ainsi une proximité évidente avec les spectateurs. Bernard Adamus était assis, pieds nues avec sa camisole rouge et menait le rythme. Pas du tout gêné d’interrompre l’enchainement du spectacle pour s’allumer une cigarette, il a souvent interpellé des spectateurs avant de se remettre en marche. Par deux fois hier, il a dit les trouver beaux. Il a fini par lâcher : «Je vas vous avouer que j’aime ça en crisse venir jouer à Québec !»
Sur scène comme en ma compagnie, il a parlé de son oeuvre en tant que «projet» et ça m’a un brin étonné. Moi qui le suit depuis plusieurs années, je n’avais jamais remarqué cette façon de qualifier son approche. Signe d’une oeuvre en constante évolution, l’idée de «projet» s’est matérialisée hier soir dans l’interprétation de Brun (La couleur de l’amour) qui a été complètement réorchestrée. En après-midi, j’avais évoqué avec lui le fait qu’il semblait en réflexion sur la pertinence de continuer à jouer «la première toune qu’il a écrite dans sa vie». En jouant avec les harmonies, la question ne se pose plus…
C’est un artiste maintenant très assumé que j’ai rencontré hier. Ça m’a donné envie de poser avec lui pour immortaliser le moment. Il s’est prêté à l’auto-portrait avec gentillesse.
En plus d’avoir assisté à son spectacle, j’ai eu la chance de prendre une partie de la mesure de l’homme à travers son projet artistique. J’ai appris qu’il se donne au moins un autre cinq ans de vie d’artiste, «à faire différent» et à se servir de sa liberté de créateur pour raconter.
Hier soir, en constatant que les spectateurs avait pris sa place à la toute fin du spectacle dans 2176 (son dernier rappel) pour raconter son histoire pendant qu’il les accompagnait, seul à la guitare, je me suis mis à repenser à notre rencontre.
C’est peut-être le fait de s’entendre lui-même par la bouche de son public qui le rend si zen…
La liberté de l’artiste prend tellement d’ampleur quand elle trouve preneur.
Voilà ce qui concrétise peut-être le projet Bernard Adamus !
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