Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
L’utilisation des tablettes électroniques est de plus en plus courante dans les écoles du Québec. Ce matin, on apprend qu’une école publique ne peut les rendre obligatoire dans une classe sans devoir les fournir gratuitement aux élèves. Cela pose plusieurs problèmes…
Pour le directeur de l’école secondaire le Sommet qui offre depuis un an en 1re secondaire un programme qui prend pour acquis que chaque élève dispose de ce genre d’équipement, on peut même dire que c’est une tuile importante qui lui tombe sur la tête. Déjà que l’approvisionnement pose problème en général… pas facile de vouloir innover dans une école publique au Québec !
Yves Savard (le directeur du Sommet) affirme que «l’implantation de la tablette en classe s’est faite avec l’accord des parents» (source); la nouvelle directive du MELS vient complètement changer la perspective de l’initiative pédagogique de son milieu.
D’un autre côté, il faut aussi dire que la Loi sur l’instruction publique qui encadre le fonctionnement scolaire au Québec ne laisse pas beaucoup de choix aux administrateurs du ministère de l’éducation ou à ceux des commissions scolaires. Telle qu’elle est écrite et appliquée en ce moment, elle ne tient pas compte des avancées technologiques des dernières années. Je ne suis pas juriste et je ne me prononcerai pas sur l’interprétation de ceux qui ont approuvé la nouvelle directive du ministère, mais «fournir gratuitement les tablettes électroniques lorsqu’elles sont exigées par une école» risque de limiter considérablement la capacité des milieux scolaires à innover, dans ces circonstances.
Le ministre de l’Éducation François Blais a donc tout un dilemme devant lui. Si on considère que l’utilisation des tablettes électroniques en classe représente un progrès pédagogique incontournable pour assurer le succès scolaire du plus grand nombre, ou bien il procure aux milieux scolaires les moyens financiers de leurs ambitions, ou bien il adapte la loi pour que les parents qui souhaitent offrir à leurs enfants un cheminement scolaire au contact de cet outil à l’école publique puissent contribuer financièrement.
Une tablette électronique pour chaque élève du Québec représente un coût important que le budget du Québec n’est probablement pas capable d’absorber en ce moment.
La tablette électronique est actuellement expérimentée dans plusieurs milieux scolaires (privés et publics) et il n’est pas encore prouvé hors de tout doute que son utilisation dans n’importe quel contexte pédagogique crée un effet tel que pour assurer la réussite scolaire, elle devient incontournable. Le travail (9 décembre 2013) du chercheur du CRIFPE Thierry Karsenti qui a écrit sur les impacts et les usages des tablettes tactiles en éducation montre quand même qu’on ne peut écarter du revers de la main l’hypothèse d’un apport significatif en 2015 des tablettes électroniques au succès scolaire des élèves (ajout: entrevue récente avec Thierry sur le sujet).
Cela dit, les autorités en éducation ont laissé des initiatives comme celle de l’école secondaire le Sommet prendre forme sur la base de l’adhésion du conseil d’établissement d’une école publique à certaines modalités qui conviennent à une large majorité de parents. C’est profondément improductif d’expédier une directive aux établissements publics d’éducation à laquelle doit se soumettre une communauté éducative et croire que la seule solution est de s’y conformer sans mot dire.
Cette directive ouvre de plein fouet un débat sur la capacité des écoles publiques à prendre le virage numérique quoiqu’on pense de l’efficacité de l’utilisation des tablettes électroniques à l’école.
Un débat auquel il me fera plaisir de participer, en attendant de voir si c’est vraiment ce qu’on souhaite au ministère de l’Éducation pour cette rentrée 2015.
Dans l’état actuel des finances publiques, si j’étais ministre de l’Éducation, je me dépêcherais de trouver une solution efficace pour le directeur de l’école secondaire publique le Sommet. Sans quoi, il se retrouvera avec une forte augmentation de la pression dans son cabinet de ministre.
Et mettre la hache dans l’initiative des iPads de cette école secondaire à cause de la loi sur l’instruction publique ne me paraît aucunement envisageable… j’espère !
Mise à jour de fin de PM : «Québec doit payer pour les iPads en classe, selon des directeurs d’école»
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