Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
On va entreprendre demain la deuxième de onze semaines que doit durer la campagne électorale fédérale 2015 et on peut sans se tromper affirmer que l’économie a été au centre des débats jusqu’à maintenant. Ce devrait être LE sujet de prédilection de toute la campagne, de toute manière. Comment pourrait-on caractériser la situation qui prévaut au Canada sur de meilleures bases que ce qu’en disent les différents chefs de parti?
Dans son article publié ce matin intitulé «La récession pétrole», Pierre Couture du Journal a voulu démontrer l’importance de se sortir de l’obsession de l’or noir, si on souhaite développer au maximum l’économie canadienne. «Un prix moyen de 55 $ US au cours des cinq prochaines années» est à prévoir selon les analystes de la banque Goldman Sachs.
«Les producteurs de pétrole de l’Arabie saoudite ne lâcheront pas de lest et vont continuer à produire en grande quantité, même à perte s’il le faut, pour conserver leurs parts de marché. Et alors que l’offre mondiale de pétrole est déjà supérieure à la demande, la levée des sanctions avec l’Iran va permettre à ce pays producteur d’augmenter sa capacité de production dès l’an prochain (source)».
Il faudra apprendre à vivre avec un prix moyen du baril de pétrole qui ne favorisera pas autant les pays producteurs que ce fut le cas ces dernières années.
La question de savoir si nous sommes oui ou non en «récession» au Canada prend ici toute son importance pour pouvoir juger du passé récent et de l’avenir prochain…
C’est dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) de juillet 2015 de la Banque du Canada qu’il faut cependant consulter pour trouver l’impact le plus frappant de la baisse du baril de pétrole et ainsi expliquer les soubresauts de l’économie canadienne.
Selon les secteurs de l’économie, on voit que les courbes ne subissent pas les mêmes trajectoires…
Source: Graphique 18, de la page 20 du RPM
Les paroles exactes du Gouverneur de la banque du Canada Stephen S. Poloz sont encore plus limpides sur les conclusions à tirer de ce graphique…
«J’attire votre attention sur le Graphique 18, à la page 20 du RPM. On peut y voir la chute marquée de la production de pétrole et de gaz, qui constitue 10 % de notre économie, et le ralentissement de la production de matières premières non énergétiques, qui représente 8 % de plus. Les 82 % restants connaissent une croissance continue, quoiqu’elle ait légèrement ralenti depuis le début de l’année, compte tenu du recul de l’activité aux États-Unis et des répercussions de l’évolution du secteur des ressources (source)».
L’impact de ce qui précède sur la croissance économique des régions où «le secteur de l’énergie est fortement présent» est manifeste…
Source: Tableau 4, de la page 20 du RPM
Tout ne va pas si mal, donc…
Pas étonnant que dans une région comme celle de Québec où le taux de chômage reste à 4%, on n’interprète pas le concept de «récession économique» comme ailleurs dans d’autres régions du Canada.
Les chefs des différentes formations politiques au fédéral devront nuancer un peu plus les informations qu’ils véhiculent lorsqu’ils traitent de la performance économique du Canada pendant ces onze prochaines semaines. Les différentes régions qu’ils visitent en campagne électorale ne vivent pas la même réalité sur ce sujet, c’est Stephen Poloz qui nous le rappelle.
Au débat des chefs de cette semaine, Thomas Mulcair a fait grand état d’une supposé admission du chef conservateur que le pays était peut-être déjà entré en récession.
C’est pas mal plus compliqué que cela en a l’air, tout dépendant de où on se trouve au Canada !
On aurait intérêt à éviter les raccourcis faciles et faire preuve d’un peu plus de nuances si on veut rester crédible sur le sujet de la croissance économique pendant cette campagne…
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