Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
J’aime la politique, alors inutile de me demander si j’ai aimé le débat de ce soir. Je trouve qu’il a offert plusieurs bonnes surprises, sauf pour ce qui est du gagnant. Seul à avoir le français comme langue maternelle, Gilles Duceppe a remporté le débat haut la main.
Les cinq chefs ont eu leur moment.
Stephen Harper a pu placer à volonté l’une de ses lignes favorites : «Sans augmenter vos taxes ou vos impôts et sans emprunter».
Thomas Mulcair a fait la même chose avec «Quand j’étais ministre au Québec».
Gilles Duceppe a réussi à faire avouer à Stephen Harper qu’il considérait l’Arabie saoudite comme un allié.
Il faut chercher un peu plus fort dans le cas de Justin Trudeau et d’Élizabeth May.
Dans le cas du premier, il a réussi à coincer le chef du NPD avec le Tom qui parle d’un côté de la bouche en français sur la déclaration de Sherbrooke et le Thomas qui utilise l’autre côté en anglais pour parler d’autre chose.
Pour ce qui est de Mme May, je n’ai entendu qu’une seule ligne vraiment audible en français, mais s’en était toute une : «Le problème, ce n’est pas le train ou le pipeline, c’est le produit !»
Le débat a très mal débuté pour Anne-Marie Dussault (l’animatrice) qui a vu Thomas Mulcair en premier (et plusieurs autres chefs ensuite) jouer à une sorte de Jeopardy. Il lui fallait trouver la question qui irait avec les réponses et ce n’était pas chose facile.
Ce petit jeu de chat et de souris a cessé avec le débat sur le niqab qui a recentré le jeu. Sujet parfait pour Stephen Harper qui a trouvé son rythme à ce moment, pour le reste de la soirée.
Je dois souligner le courage de Tom Mulcair qui a maintenu sur ce sujet la position qui lui fait perdre des points dans les sondages. Le pari est audacieux…
La soirée a été souvent pénible pour le franglais de Justin Trudeau, incidemment. Des formules du genre de «ce que j’ai un plan pour faire» sont inadmissibles pour celui qui a absolument besoin d’établir une crédibilité en dehors de l’Ouest de l’Île de Montréal.
Calme, n’interrompant que très rarement ses adversaires, en très bonne maitrise de ses dossiers, je ne sais pas si Gilles Duceppe a pu gagner des votes avec sa performance de ce soir, mais il a remporté le débat. Il a mené les meilleures attaques dans une formule qui l’avantageait énormément.
Je ne sais pas qui est le cerveau au consortium qui a pensé à l’idée du «cinq secondes chacun pour répondre», mais c’est franchement ridicule pour des anglophones qui font ce qu’ils peuvent dans la langue de Molière.
Stephen Harper avait la meilleure défensive ce soir et c’est souvent ce qui compte quand vient le temps de savoir qui a perdu.
Le «angry Tom» est réapparu avec énergie ce soir et il a perdu des points qu’il ne pouvait pas perdre.
Justin Trudeau est le grand perdant puisque les débats en anglais nous avait laissé croire qu’il pouvait tenir son bout avec les deux autres premier-ministrables. Il aura fort à faire pour se préparer d’ici le prochain débat et éviter l’hécatombe.
On pourra dire que Gilles Duceppe l’a eu facile ce soir, mais compte tenu du fait que la campagne est tellement difficile pour le Bloc jusqu’à maintenant, il va prendre cette belle soirée sans rechigner.
Une seule ombre pour lui au tableau… ses lignes d’attaque contre Thomas Mulcair ont porté, mais on ne sait pas au moment où on se parle si c’est le Bloc ou le Parti conservateur qui va en récolter les fruits…
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