Éduquer au XXIe siècle…

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Parce que je participe cette fin de semaine au Forum des idées pour le Québec, je me documente le mieux possible sur le thème de l’évènement : l’éducation. Parmi les nombreuses sources consultées, je suis dernièrement tombé sur un numéro spécial du Magazine Sciences Humaines publié en octobre 2014. Je vous en parle parce qu’il contient des propos étonnant sur le Québec…

Au Forum, nous passerons plusieurs heures à discuter du portrait robot du système d’éducation idéal pour le Québec du 21e siècle. On s’interrogera sur le sujet des politiques publiques d’éducation à devoir être mis en oeuvre pour atteindre au Québec ce portrait idéal. Le dossier Éduquer au XXIe siècle (de la page 26 à 53) renferme plusieurs pistes d’action qui me semblent importantes à considérer.

La perspective est évidemment franco-française. Dès le premier article Heur et malheur de l’école républicaine, on sent cette tension provoquée par les comparaisons internationales qui forcent la remise en question du modèle de l’école sanctuaire et quelque peu élitiste qui est «parvenu à former les citoyens de la République, à construire la nation moderne et à produire une élite étroite mais efficace». La distinction entre instruction et éducation est au coeur de ce premier texte rédigé par François Dubet, un sociologue.

On y apprend pourquoi «il est si difficile de réformer une école tenue pour un monument national sacré, un monument dont les ruines elles-mêmes feraient la grandeur et la beauté». De crise en crise, le modèle français qui souhaite privilégier l’égalité des chances est éprouvé. Il n’y a pas qu’au Québec où il semble «aller de soi qu’une conception de l’éducation arrive au terme de son histoire»…

Un historien américain (Michael Behrent) est responsable du deuxième article qui évoque le débat transatlantique entre la conception de John Dewey (1859-1952) «l’école doit faire partie de la vie» et celle d’Émile Durkheim (1858-1917) où l’école est une sorte de «sanctuaire protégée de la société pour son propre bien».

On y cherche des convergences pour concilier l’expérience et l’autorité.

C’est dans le prochain texte sur ce qui fait la bonne école qu’on entre dans le plus concret. Il s’agit d’un entretien avec Marcel Gauchet sur la base d’un ouvrage coécrit avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi Pour une philosophie politique de l’éducation. Le «postulat naïf» qu’en permettant «plus de liberté aux enfants en classe» on obtiendra plus d’efficacité y est démoli. Au mieux, ça fonctionne «avec les élèves les plus dotés en capital social» !

On devrait pouvoir trouver la bonne école selon Marcel Gauchet dans l’équilibre entre «une pédagogie de la mobilisation des enfants» et un «cadre de transmission bien assuré». Entre en jeu Internet qui «bouscule la pédagogie» et «met en lumière le besoin d’encadrement». Le lien avec le prochain texte est ainsi assuré !

C’est Emmanuel Davidenkoff qui en est l’auteur. Il se demande si la révolution numérique aura bel et bien lieu dans l’institution scolaire ?

L’auteur du livre Le tsunami numérique voit bien que «le modèle» d’une intégration réussie du numérique n’existe pas encore dans la réalité, mais il voit avec l’arrivée des MOOC (cours ouverts et massifs en ligne), des «serious games» et des «classes inversées» une belle occasion «de franchir des obstacles majeurs» avant «l’émergence de nouveaux modèles».

Le premier de ces obstacles tient au «clash» entre les exigences du système éducatif «très verticales» et celles de l’industrie numérique «plutôt horizontales». Le deuxième tient en un peu plus de mots : «la défiance que suscite chez une majorité d’élèves l’idée que l’on peut apprendre si ce n’est en s’amusant, du moins en faisant l’économie de quelques souffrances, constante à laquelle se heurtent déjà tant d’enseignants, de l’école élémentaire à l’enseignement supérieur».

L’enjeu serait beaucoup moins lié au numérique lui-même qu’à la pédagogie privilégiée actuellement dans nos écoles, sans oublier «le politique» qui pose lui-aussi d’énormes contraintes.

S’en suit un formidable texte de Philippe Meirieu sur les pédagogies alternatives «qui n’ont pas toujours tenu leurs promesses», mais qui constituent «une aventure à revisiter».

Cinq systèmes d’éducation d’autant d’endroits (Québec, Allemagne, Corée, Pologne et Finlande) sont analysés par Cécile Peltier et ce segment du dossier nous réserve une belle surprise !

On peut y lire que le système d’éducation québécois devrait servir de modèle à la France en raison de sa performance remarquable aux tableaux comparatifs des meilleurs systèmes d’éducation mondiaux. Si parfois, quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console! Sur ce sujet d’ailleurs, ma première intervention au Forum des idées pour le Québec (vendredi soir au panel «Qu’est-ce qu’un système d’éducation performant) me permettra d’analyser les résultats du Québec au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) mené par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE).

Ce programme est intéressant pour nos travaux et notre réflexion de cette fin de semaine parce qu’il fournit des «indicateurs internationaux pertinents au niveau des politiques, des connaissances et des savoir-faire des élèves âgés de 15 ans» (source). On ne sera pas surpris d’apprendre que PISA nous classe parmi les pays qui réussissent le mieux au monde. Mais PISA ne dit pas tout. Il ne traite pas du fléau du décrochage scolaire présent au Québec, par exemple.

J’y reviendrai…

Un texte du Magazine Sciences Humaines porte d’ailleurs sur les classements PISA et les risques «d’une standardisation de l’offre scolaire mondiale». On comprend bien que le piège «d’imposer un modèle scolaire unique» est à éviter…

Dans un autre article du dossier, Vincent Troger explore la piste de qui est le mieux placé pour transmettre les savoirs professionnels, l’école ou l’entreprise ? Les trois modèles (ceux de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni) ont des forces et des faiblesses.

Dans le dernier article, il est question de huit idées en France qui pourraient contribuer à réinventer l’école. Parmi des pistes d’innovation qu’on rencontre souvent ailleurs en Amérique, il y a aussi des innovations qui n’en sont pas réellement. C’est probablement l’article le plus faible du dossier.

J’anticipe plusieurs échanges intéressants pendant la fin de semaine qui vient d’autant qu’il sera question d’un manifeste qui vise à donner une nouvelle impulsion à la réussite scolaire (déclaration d’intérêt : je suis un des signataires). Le Journal en a parlé la semaine dernière…

Je vous invite à participer aux discussions qui entourent ce Forum qui se veut non-partisan.

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