Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Je ne pourrais pas faire une meilleure critique du film de Philippe Falardeau que celle de l’écrivain Dany Laferrière. Présenté la semaine dernière au Festival de cinéma de la Ville de Québec, le long métrage de fiction Guibord s’en va-t-en guerre c’est avant tout, «deux univers mentaux qui se rencontrent dans le mouvement de la démocratie !»
Cédric Bélanger du Journal résume ainsi la trame du film… «Satire de la politique canadienne, Guibord s’en va-t-en guerre met en scène un député indépendant d’une circonscription du nord du Québec. Idéaliste dans l’âme, Steve Guibord (Patrick Huard) détient la balance du pouvoir lors d’un important vote sur l’envoi de troupes dans un pays en guerre. Secondé par un stagiaire venu d’Haïti (Souverain interprété par Irdens Exantus) et partagé entre sa femme (Suzanne Clément) pragmatique et sa fille (Clémence Dufresne-Deslières) résolument pacifiste, Guibord choisit de demander l’opinion de ses concitoyens avant de trancher».
«Une loupe extérieure pour voir qui nous sommes !»
Le génie de cette comédie qui a de La grande séduction dans le nez est d’avoir permis une analyse de la politique canadienne par le regard d’un Haïtien et de sa communauté de Port-au-Prince. On se surprend au fil de la progression dramatique à avoir hâte d’assister à une nouvelle séance Skype entre Souverain et son groupe en Haïti qui s’agrandit à chaque visite jusqu’à devenir le «talk of the town». Au moment de réaliser que c’est le conseiller politique du député, donc Haïti, qui détient la balance du pouvoir, on entre de plain-pied dans le délire loufoque de Philippe Falardeau.
Dans la conversation entre Falardeau et Laferrière, le réalisateur de Monsieur Lazhar et de Congorama avoue facilement qu’il avait besoin de ce regard externe pour bien montrer qui nous sommes.
Tourné en grande partie à Val-d’or qui s’est pris d’affection pour le film, la présence des autochtones dans le scénario allait de soi puisqu’il aurait été impossible de bien illustrer la dynamique de la circonscription fictive de Prescott – Makadewà – Rapides-aux-Outardes sans eux.
Dans une entrevue avec René Homier-Roy pour l’émission Culture club qui l’a envoyé voir Guibord, le député provincial de la circonscription bien réelle d’Abitibi-Ouest accorde une bonne note au film et à la dimension du scénario. «J’ai beaucoup aimé le lien étroit du député Guibord avec ses commettants, son monde, (…) c’est une bonne comédie», a affirmé François Gendron.
D’ailleurs, le doyen des députés de l’Assemblée nationale a lui-aussi dû vaincre la peur de l’avion, tout comme Steve Guibord. Il a également dû composer avec des rencontres comme celle de Guibord avec une poétesse très collante qui procure une scène qui déclenche l’hilarité. Bref, le travail de comté est traité de façon réaliste dans cette sixième réalisation de Philippe Falardeau.
La musique de Martin Léon reste en tête longtemps après avoir vu le film. On peut parler d’une trame sonore vraiment efficace qui fournit une atmosphère absolument cohérente avec ce qu’on ressent à regarder et à écouter le film de Philippe Falardeau. Notons que Martin Léon a aussi composé la musique de Monsieur Lazhar, ce qui fait en sorte qu’on peut penser revoir le duo dans de prochains films.
Il faut bien entendu aimer la comédie pour apprécier le film. Il faut aussi décrocher du fait que ce soit Patrick Huard qui y tienne le rôle principal. J’ai eu parfois l’impression de retrouver d’autres personnages joués par Huard dans certaines intonations et il me semble qu’on aurait pu prendre le risque de recruter un autre bon comédien pour jouer Steve Guibord.
On a pris «une chance» avec deux des rôles de soutien (la fille de Guibord et le stagiaire haïtien) et le résultat s’est avéré très satisfaisant. Quand à l’interprétation de Suzanne Clément, je ne sais trop quoi en dire. Elle ne crève pas l’écran comme dans les films de Xavier Dolan…
Sur le plan politique, le film est pessimiste à souhait, mais on s’attend un peu à ce traitement dans le contexte du fort cynisme qui anime les citoyens en cette matière.
Paul Doucet interprète parfaitement une sorte de Stephen Harper. Il est vraiment drôle.
Micheline Lanctôt dans un rôle secondaire de la mairesse de Chute-à-Philémon donne dans le ridicule et à chaque fois qu’elle apparaît dans l’écran, on en rigole un coup.
Guibord s’en va-t-en guerre prend l’affiche le 2 octobre dans plusieurs salles de cinéma au Québec et partout à partir du 9 octobre. Présenté en grande première mondiale au 68e Festival international du film de Locarno, il semble que «le public suisse a bien accueilli cette franche comédie politique».
À nous de lui offrir un aussi bon traitement au Québec !