Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui représente plus de 34 000 enseignantes et enseignants oeuvrant dans la grande région de Montréal et dans celles de Laval, des Basses-Laurentides et de l’Outaouais forcera un congé pour les élèves le 30 septembre prochain, journée très importante d’un point de vue administratif pour toutes les écoles du Québec. Le choix du 30 septembre n’est pas banal…
Il s’agit de la journée prévue pour la déclaration de l’effectif scolaire des jeunes. Ça ne dira pas grand-chose aux parents d’élèves de ces régions, mais c’est à cette date qu’on vérifie soigneusement la présence de tous les élèves dans une école puisque c’est à partir du nombre de ces derniers que sera octroyé le financement des écoles.
Un guide de plus 500 pages (voici celui de l’année 2007-2008) permet de mesurer l’ampleur des gestes administratifs à poser ce jour du 30 septembre de chaque année de manière à être en mesure de satisfaire les exigences du ministère de l’Éducation et des vérificateurs comptables des opérations financières des commissions scolaires.
Concrètement, l’absence d’un élève dans une établissement scolaire le 30 septembre n’empêche pas une école de réclamer le financement qui est attaché à « son appartenance », mais à l’opération déjà complexe normalement s’ajoute d’autres procédures qui sauront embarrasser solidement une administration quand tous les enfants seront absents de l’école le 30 septembre prochain.
À elle seule, la directive «Si un élève est absent le 30 septembre, les parents doivent venir signer le document Attestation de fréquentation au 30 septembre» saura compliquer la vie du personnel administratif déjà pas simple dans des conditions normales… Et je vous passe d’autres détails que mes collègues à la direction comprennent bien !
Dans le communiqué de la FAE, on présente cette grève comme étant « une lutte citoyenne », rien de moins. On y parle «d’un appel à la solidarité (…) persuadés que les parents ainsi que l’ensemble des citoyennes et citoyens appuient cette lutte importante pour l’avenir de l’école publique».
Loin de moi l’idée d’affirmer que les conditions de travail des enseignantes et des enseignants ne valent pas l’engagement des citoyens, mais il faut comprendre que la décision du syndicat de faire débuter ce 30 septembre « l’automne chaud promis » au printemps dernier n’a rien à voir avec la dite « lutte citoyenne ».
On cherche avant tout à mettre une pression plus forte sur les employeurs qui sont aux tables de négociation, étant très au fait du fardeau administratif supplémentaire qu’engendrera l’absence des élèves à l’école un 30 septembre.
C’est moins une « lutte citoyenne » qu’une bataille de tranchées contre les patrons.
L’annonce du début des journées de grève pourrait aussi avoir d’autres impacts dont l’ampleur est difficile à mesurer : le transfert d’élèves inter-réseaux.
Il faut savoir qu’un élève a beau avoir passé tout le mois de septembre dans une école publique, s’il est absent de son école le mercredi 30 septembre et qu’il fréquente une autre école ce jour ou le lendemain jeudi 1er octobre, c’est ce dernier milieu qui recevra 100% du financement pour l’année scolaire 2015-2016.
Si cette nouvelle école est privée et agrée par le gouvernement (donc soumise à la même déclaration d’effectifs scolaires), aucun montant d’argent ne sera versé à la commission scolaire de l’école publique fréquentée par cet élève.
Je lisais ce matin l’offensive contre le privé que lance la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), « territoire » de la FAE, si je ne m’abuse.
Quel beau timing que l’annonce des journées de grève dans les écoles publiques de la CSMB avec cette offensive !
Combien de parents qui ne veulent pas que leurs enfants manquent des journées d’école vont penser d’ici au 30 septembre à l’alternative de la fréquentation d’une école au privé ?
Je ne sais pas.
Mais à chaque fois qu’un élève quitte ainsi l’école publique pour le privé, le montant de base octroyé par le gouvernement baisse de 40% et le 60% s’en va vers l’école privée. Le syndicat risque donc pour un certain nombre d’élèves une perte de 100% du montant octroyé au public. (N.B. La commission Robillard établissait ses calculs sur la base d’un montant moyen de $8 520 par élève au public).
Offensive du public contre le privé dites-vous ?
La main droite n’a pas l’air de savoir ce que la main gauche fait, où elle le sait trop bien…
Mais une chose est certaine, si le syndicat souhaite l’appui des parents, son geste de se lancer dans un mouvement de grève a surtout pour but d’emmerder les patrons dans les écoles publiques pour faire bouger le gouvernement.
En ce sens, le choix du 30 septembre est éminemment stratégique et donne un aperçu de jusqu’où la partie syndicale peut aller pour tenter de gagner son point !
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