Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
Ceci est la sixième version d’un billet que j’ai commencé à écrire plus tôt en journée et je m’en excuse. J’aurais voulu publier avant ce soir, mais depuis ce matin, les évènements n’ont pas cessé de se bousculer. Plus le temps avançait, plus je me disais que je devrais peut-être trouver un autre sujet pour mon billet du jour et aller voir ailleurs. Mais la réalité dépeinte par la photo publiée du bambin Aylan Kurdi, retrouvé mort noyé en tentant de fuir l’horreur avec son père, sa mère et son petit frère s’impose.
Les réactions fusent de partout à travers le monde. Le fait de mettre un visage sur ce terrible drame qui a commencé bien avant hier a rattrapé tout le monde qui voulaient rester à l’écart, les politiciens fédéraux qui font campagne inclus.
«La photo qui tue» doit faire bouger les choses. La Hongrie est débordée par l’afflux de migrants et les solutions ne peuvent venir que de l’Europe.
Mon copain Patrice a réussi, lui, à publier dès l’heure du dîner, mais je me demande si ce soir il ne voudrait pas reprendre certains passages de son texte.
«Du sang sur les mains», on en a tous un peu et «l’examen de conscience» dont il évoque la nécessité pour le Canada s’impose à tout le monde.
De toute manière, je trouve qu’aujourd’hui est la pire des journées pour essayer de marquer des points politiques. Justin Trudeau aurait pu se garder une petite gêne dans le contexte où plusieurs informations qui ont circulé par les médias n’étaient pas vérifiées et ont été invalidées depuis (source de la saisie d’écran en hyperlien).
Je parle en particulier d’un titre de manchette de ICI Radio-Canada (retiré depuis) qui impute aux conservateurs une mauvaise gestion de « la crise » d’aujourd’hui…
Certains se demandent parfois si la société d’État en veut au gouvernement sortant et il me semble que la journée d’aujourd’hui commandait un minimum de prudence avec ce genre de manchette. À leur décharge, on doit dire que le Nouvel Observateur en France s’est aussi fait prendre après avoir « incriminé » le Canada : «Le Canada n’a pas reçu de demande d’asile pour la famille d’Aylan» !
On pourra dire que Thomas Mulcair est un de ceux qui s’est élevé au-dessus de la mêlée aujourd’hui. On ne reconnaît plus dans cette séquence le « Angry Tom » qu’il a déjà été. Il s’est comporté comme un homme d’État, dans les circonstances.
Il s’agit maintenant de se demander si le Canada peut faire plus que ce qu’il promet compte tenu qu’on se demande déjà si le fait d’accueillir 10 000 réfugiés syriens était réaliste.
Il faut maintenant accélérer « la machine » pour que des familles puissent réunir les leurs qui veulent se réfugier au Canada, dans les circonstances où on se méfie de la bureaucratie qui traient ces dossiers, mais aussi dans celles où ça parait pas mal plus simple à dire qu’à faire.
«La baisse de 28% du nombre de réfugiés accueilli au Canada entre 2006 et 2014» suscite de l’inconfort et il est normal qu’on pose certaines questions au gouvernement sortant. Mais fallait-il le faire dans ces circonstances ?
Dans ce panel où le sujet a été discuté ce soir, on ne décolère pas beaucoup contre l’attitude et certaines prises de décisions du gouvernement. À vous de juger…
J’écris ce billet sachant qu’on trouvera peut-être curieux que je m’interroge sur la traitement de l’information de ICI Radio-Canada, alors qu’il y a beaucoup plus important.
Je sais.
Mais même le message du Bloc québécois à l’effet de «proposer une trêve électorale» ne semble pas avoir d’influence : «Plutôt que de jeter le blâme sur les uns ou les autres, il me semble que nous devrions tous parler d’une même voix. Il ne s’agit pas d’une question partisane ou électorale, il s’agit d’un impératif humanitaire» (source).
Une personne qui compte beaucoup pour moi, un directeur d’école qui me parle souvent (lorsqu’on se rencontre) du «désespoir des familles qui tentent de fuir l’indescriptible» a publié un billet très émouvant sur le sujet aujourd’hui, «Quand l’horreur a un visage».
J’avais besoin de ce texte qui rapporte la réalité troublantes des faits.
Je veux bien que le Canada soit sur la sellette quant à sa capacité d’aider mieux, d’aider plus, mais encore faut-il le faire avec toute l’information en mains et sortir du contexte politique de la présente campagne électorale.
J’aime assez le texte de la pétition que j’ai vu circuler aujourd’hui qui demande des changements à la politique canadienne tout en disant ne pas «s’adresser aux partis politiques».
C’est le gouvernement canadien qui est interpellé : «Notre message à M. Harper est simple : impressionnez-nous. Faites quelque chose qui nous rendra fiers. Quelque chose dont nous nous souviendrons. Quelque chose qui nous détournera du cynisme ambiant et qui démontrera que les politiciens et les campagnes électorales peuvent changer le cours de la vie des gens. Quelque chose qui nous permettra de croire qu’un enfant de trois ans ne s’est pas noyé en vain alors que sa famille essayait de se rendre au Canada. Quelque chose qui montre que nous en avons pris conscience. Que nous avons été touchés. Et que nous avons agi.»
Tout ça pour dire que je sors de cette triste journée mal informé.
Moi qui suis une sorte de «junkie» de l’information, j’ai l’impression en quelque sorte d’être enfumé par ceux qui me semblent vouloir « marquer des points » au lieu d’informer.
Je ne blâme pas la sœur d’Abdullah Kurdi qui éprouve du ressentiment contre le gouvernement et qui accuse: «Ils ne méritaient pas ce sort, et le gouvernement du Canada a une responsabilité pour leur mort» (source).
Sa peine est immense et il nous faut l’accueillir.
Il y a urgence d’agir, bien entendu.
Si Thomas Mulcair et Gilles Duceppe ont été capables de se sortir de la partisanerie politique aujourd’hui, les citoyens et les médias de masse du Canada sont aussi capables de le faire.
Au Canada comme partout ailleurs dans le monde, la une de plusieurs quotidiens demain pourraient bien être comme celle d’aujourd’hui du quotidien britannique The Independent et s’avérer être «toute une gifle».
«Somebody’s child» ?
Pensons-nous vraiment que ce n’est pas aussi notre problème ?
Dans les prochains jours, c’est la qualité du traitement de l’information qui pourrait faire une différence entre des gestes improvisés qui ne résoudront qu’en apparence ce terrible fléau caractérisé par la mort du jeune Aylan Kurdi, et des mesures efficaces à moyen/long terme qui sauveront plusieurs vies humaines.
Nous devons tous faire l’effort de mieux comprendre, ne serait-ce que parce «qu’il y a en ce moment 725 700 enfants parmi les réfugiés qui ont l’âge du petit #AlanKurdi» (source).
Pour mieux agir.
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