Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
La dernière semaine politique qui s’achève a été marquée par la commémoration du deuxième référendum sur la souveraineté du Québec qui a eu lieu le 30 octobre 1995. Parmi tout ce qui a été diffusés, c’est le point de vue de l’influent conseiller du camp du NON John Parisella qui m’a le plus intéressé. Selon cet ex-chef de cabinet adjoint des premiers ministres Robert Bourassa et Daniel Johnson (fils), «un alignement des planètes extraordinaire» avait rendu possible une majorité pour le OUI, mais n’avait pas été suffisant au final. Il faut maintenant se poser la question de la probabilité que des conditions aussi favorables se manifestent une autre fois…
Rien n’est si sûr.
Il faut savoir que les résultats de la première consultation référendaire du 20 mai 1980 avait donné lieu à une cinglante défaite, près de 60% de la population ayant dit non au gouvernement de René Lévesque. Le chef du PQ avait accepté le verdict populaire et le temps avait fait en sorte que pour la deuxième, on lui en devait une, en quelque sorte. C’est qu’il a bien essayé par après de s’entendre avec le Canada.
Dans les faits, plusieurs évènements ont moussé l’option du OUI après cette première consultation .
Le beau risque pris par René Lévesque a démontré l’incapacité de joindre honorablement ce grand pays dont on nous avait promis qu’il serait plus accueillant pour les Québécois. Non seulement Pierre-Elliot Trudeau n’a-t-il pas permis au Québec d’entrer dans la famille canadienne, le rapatriement constitutionnel unilatéral de septembre 1981 a fait perdre ses illusions à de nombreux Québécois. Quand les neuf juges du plus haut tribunal canadien ont statué que le rapatriement unilatéral était légal et que le Québec a épuisé tous ses recours, la ferveur souverainiste a commencé à reprendre de la vigueur.
L’accord du Lac-Meech où le Québec s’y voyait reconnaître comme société distincte à l’intérieur d’un Canada renouvelé a failli remettre les pendules à l’heure d’une certaine réconciliation, mais l’incapacité à le faire entériner a procuré aux indépendantistes des appuis à plus de 70 % des Québécois, selon les sondage du temps. Juste un peu avant la Saint-Jean-Baptiste de juin 1990, même le libéral Robert Bourassa y était allé d’une déclaration qui fait encore frissonner de plaisir ceux qui avaient voté OUI au premier référendum…
Vint alors le Rapport Allaire et le durcissement de la position des Québécois face au reste du Canada.
Les années qui ont suivi ont fait remonter à la surface la domination des anglophones dans plusieurs sphères des activités politiques et économiques ce qui agissait de manière à raviver la flamme de l’indépendance puisque c’est en bonne partie ce carburant qui avait allumé celle qui avait fait élire le Parti québécois au gouvernement le 15 novembre 1976 et mené au premier référendum de 1980.
Au moment de tenir le deuxième, le Québec était très important dans la Confédération. Il représentait le quart de l’économie et de la population et aussi, plus de 30% du PIB du Canada.
On peut compter parmi les grandes sources d’influence de la population du Québec en 1995 les artistes, les jeunes et quelques leaders charismatiques, dont Lucien Bouchard arrivé comme « négociateur en chef », ce qui avait donné un nouvel élan à la campagne jusqu’alors mené par Jacques Parizeau.
L’accord de l’ADQ fondé dans la foulée du Rapport Allaire et surtout, de son chef Mario Dumont avait aussi représenté un atout intéressant.
Comme l’explique John Parisella dans cet article écrit par Denis Lessard, « il y avait un engouement croissant pour Lucien Bouchard » et le OUI a bien failli l’emporter.
Il convient de se poser la question en 2015 : comment pourrait-on imaginer que soient de nouveau réunies ces fameuses conditions de 1995 ?
En 2015, les francophones du Québec en mènent large autant dans le Québec Inc que politiquement, plusieurs artistes connaissent des carrières internationales et rayonnent partout dans le monde, bref… le complexe d’infériorité qui a constitué le ressort pour s’affirmer n’afflige plus le Québécois moyen. On a franchi le point de non-retour sur ces enjeux.
Quelle personnalité souverainiste pourrait comme l’a fait Lucien Bouchard haranguer les foules et mener la charge dans le camp hypothétique d’un OUI qui retrouverait son ardeur ? Même Jean-Martin Aussant de qui on dit beaucoup de bien semble loin d’une posture qui lui en fournirait l’occasion, il faut le réaliser.
Pourrait-on espérer que le tandem Trudeau-Couillard s’enfarge dans le dossier constitutionnel pour que le Canada fasse une nouvelle fois la preuve de son incapacité à se réformer et ainsi, donne une nouvelle gifle aux Québécois ? Il y a bien peu d’indices en ce sens actuellement, le parti de Philippe Couillard étant à la tête d’un gouvernement libéral parmi les moins revendicateurs qui puisse exister.
Quand on a vécu comme moi l’effervescence des deux référendums sur la souveraineté du Québec et particulièrement celui de 1995, on sait bien que les conditions actuelles n’ont rien à voir avec celles de juin 80 et de octobre 95.
Vraiment rien.
J’ai bien aimé lire Antoine Robitaille ce matin.
À partir du moment où le statut de « société distincte » représente déjà une sorte d’acquis au Canada par rapport au Québec, je ne vois pas pourquoi les nationalistes n’acceptaient pas de s’unir dans un mouvement d’affirmation et de revendications pour tester la signification concrète de ce vocable qui ne veut pas dire beaucoup dans le moment présent.
Les indépendantistes pourraient même y trouver leur compte.
De la façon dont on voit que les plus jeunes les ont largués et profitant du fait que les jeunes en âge de voter veulent du changement, on pourrait donner une vraie chance au nationalisme de se définir sans la perspective indépendantiste et ainsi laisser de côté un combat qui dans l’état actuel des choses ne peut que diminuer le rapport de force du Québec sur tous les plans.
L’histoire nous a montrés que le cycle politique qui mène à de meilleures conditions pour consulter les citoyens sur son avenir passe par la formulation d’un projet nationaliste d’entente avec le Canada.
Refuser de s’entendre entre nationalistes sur cette base, c’est s’exposer à un entêtement qui n’a aucune chance de réunir les conditions favorables de 1995, qui je le rappelle, n’ont pas été suffisantes pour atteindre une majorité.
Il grand temps après vingt ans que les nationalistes se regroupent et travaillent ensemble dans les intérêts du Québec.
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