Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
C’était tellement facile à prédire: le secteur de l’éducation sort déçu du dernier budget présenté cette semaine. Quand les acteurs du milieu scolaire prendront davantage conscience de ce qu’il contient, ils seront bien plus déprimés encore…
Après avoir promis d’envoyer «un signal très fort» en faveur de l’éducation, le gouvernement accorde un maigre «49 $ par élève d’argent frais» !
Je sors ce chiffre de l’analyse de Francis Vailles intitulé «L’éducation pris dans l’entonnoir budgétaire»…
«Il reste que les fonds nouveaux sont contraignants et permettront de ne régler qu’une petite partie des besoins.» – Francis Vailles
Le fait est qu’une grosse partie des sommes additionnelles consenties à l’éducation «est consacrée aux majorations salariales des enseignants, de même qu’à l’augmentation de la clientèle attribuable à la démographie».
C’est déjà ça… on aurait pu se retrouver dans pire situation.
Ceux qui voient le verre à moitié plein diront qu’au moins, on a l’argent pour couvrir les coûts de système.
Les autres qui le voient à moitié vide se désoleront qu’ont ait fait croire à un vrai réinvestissement. Les chaînes humaines autour des écoles vont continuer de nous rappeler que «nous nous retrouvons dans une moins bonne posture qu’en juin 2015!»
Mais il y a pire encore…
Dans une période où on discute abondamment des moyens de donner plus de pouvoir aux établissements scolaires – Loi 86 oblige – ce budget consacre une centralisation et une bureaucratisation épouvantable. Absolument rien pour encourager les écoles, les conseils d’établissement ou les enseignants. Les élèves et leurs parents risquent encore davantage avec ce budget de se retrouver pris entre l’étau des enveloppes dédiées et la prise en compte des besoins à l’échelle de l’école de leurs enfants.
Je prends à témoin ce tableau #13 de la page 46 du document «Plan pour la réussite en éducation et en enseignement supérieur»…
Dans son communiqué publié en réaction au budget, la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE) a bien vu le piège:
Les ministre Proulx et Leitão auraient intérêt à se parler rapidement.
Pendant que le premier ne cesse en commission parlementaire de trouver un espace pour que les milieux locaux disposent de plus de marge de manoeuvre, le second vient enchâsser le pouvoir de dépenser dans des enveloppes dédiées qui continueront de créer des mécanismes lourds de reddition de comptes sous le prétexte de respecter le plan gouvernemental.
Avec ce budget, on donne de la prise à tous ceux qui argumentent que le gouvernement fait encore plus de ce qui ne fonctionne pas. Le pouvoir de décision est concentré au ministère de l’Éducation plus que jamais et les enveloppes qui créent des silos sont confiées aux commissions scolaires perpétuant l’obligation de dépenser en saupoudrage et de passer son temps à rendre des comptes pour prouver qu’on est une gentille direction qui écoute le ministre plutôt que son milieu.
«Le gouvernement exige que les 109 millions soient dépensés pour combler des objectifs bien précis, répartis dans… 15 enveloppes.» – Francis Vailles
Qu’est-ce qui empêcheraient les ministres Proulx et Leitão de permettre aux milieux locaux de se prévaloir d’un mécanisme «d’opting out» avec pleine compensation financière (sources: 1, 2) ?
Si le gouvernement Couillard est sérieux dans sa volonté de décentraliser vers les établissements les moyens et les budgets en éducation, il doit le refléter dans sa loi actuellement sur la table et ça doit aussi paraître dans ses règles budgétaires.
Si le milieu de l’éducation sort déçu du présent exercice budgétaire, imaginez ce que ce sera quand ses principaux acteurs s’apercevront à quel point les vieux souliers cirés et brossés de Carlos Leitão ne suivent pas les discours de Sébastien Proulx dans sa volonté de réformer la gouvernance scolaire.
Les bottines ne suivent pas les babines, encore une fois !
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