Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
Au Québec, nous célébrons les Patriotes de 1837-1838 depuis 2002, le lundi précédant le 25 mai de chaque année. En cette journée nationale, c’est l’occasion de se rappeler que des hommes et des femmes « ont milité pour les droits de la majorité, dont celui du peuple à se gouverner lui-même » (source).
Aujourd’hui, le combat reste entier.
L’exercice de la démocratie demeure une lutte de tous les instants puisque la nation québécoise a souvent tendance à s’endormir devant le miroir du confort et la complexité de certains enjeux.
Se souvenir de la lutte des Patriotes, c’est puiser au coeur de certaines réalisations que nous prenons trop souvent pour acquises.
Nous devons à ce mouvement des Patriotes la « naissance d’une presse libre au Canada (1806), le premier parti démocratique (1827), le réseau scolaire francophone laïc (1829), notre Fête nationale (1834) et la conquête pour nous du gouvernement responsable (1849) » (source).
Pas banal.
Certes, nos droits civils autant que notre identité collective ne sont peut-être pas l’objet d’aussi grandes menaces qu’à cette époque qui a culminé avec l’adoption de l’Acte d’Union de 1840, mais nous sommes en droit de se demander si autant de mobilisation est encore possible pour s’affirmer face à certaines menaces bien réelles.
« La lutte patriote fut donc aussi un vaste exercice de prise de parole pour des milliers d’agriculteurs, d’ouvriers et de notables, lésés dans leurs droits civils et nationaux, et qui ont alors senti de leur devoir d’affirmer haut et fort ce qu’ils souhaitaient pour eux et pour leur collectivité. (source) »
L’époque du Haut et du Bas-Canada est bien révolue.
Notre société québécoise a continué d’évoluer depuis l’Acte d’Union, « si injuste pour les Canadiens français » (source), mais au moment où on se souvient de moins en moins des grandes luttes de notre passé, nous nous trouvons peut-être à une génération près d’oublier combien est fragile la détermination, ce carburant qui nous motive à être qui nous sommes.
Francophones, résilients, créatifs et entrepreneurs, nous avons traversé les saisons de ces centaines d’années avec le coeur à la bonne place pour nos enfants et nos valeurs familiales.
Les luttes menées par les Patriotes pour l’obtention et le maintien de nos droits démocratiques doivent rester présents en nos mémoires parce que les obstacles sont plus sournois, voire plus pernicieux.
L’un d’eux est la baisse constante du taux de participation des jeunes aux élections. Elle ne serait pas constituée d’un manque d’intérêt pour la politique, mais « s’ils [les jeunes] ne se présentent pas nécessairement aux urnes » ce serait dû à « la perception d’une faible compétence citoyenne pour saisir les enjeux politiques (source) ».
On ne construit pas une société patriotique en rompant le nécessaire dialogue sur les préoccupations des jeunes qui la composent.
Je parie que ce sentiment « d’incompétence citoyenne » vient des enjeux qui sont mis de l’avant dans l’actualité politique, en particulier à l’occasion des campagnes électorales.
On raconte d’ailleurs que si le taux de participation s’est amélioré aux dernières élections fédérales qui a fait élire un jeune premier ministre, c’est justement parce que certains des enjeux de la campagne de Justin Trudeau ont parlé aux jeunes.
Au Québec, avec un taux de décrochage parmi les plus élevés au Canada et des campagnes où le PLQ a systématiquement boudé les débats dans les cégeps lors des deux derniers scrutins, il faudra sérieusement s’interroger.
Le défi est considérable quand on pense à certains événements récents où on semble être passé à côté des revendications des jeunes.
L’appétit pour la souveraineté est perçue comme inexistant chez les jeunes et la course actuelle pour se trouver un nouveau chef au PQ ne semble porter que sur ce sujet.
Les jeunes libéraux ont fait la manchette avec leur résolution sur l’économie de partage et on leur répond avec un obscur chantier à venir.
La Coaltion avenir Québec et les solidaires ne peuvent pas se vanter de très grands succès populaires auprès des jeunes, à moins que j’ai manqué quelque chose d’important.
La Journée nationale des patriotes de 2016 est peut-être l’occasion de regarder autour de soi pour trouver ces combats qui animent les jeunes d’aujourd’hui. L’exemple des Patriotes peut s’avérer inspirant pour la jeunesse à condition de reconnaître d’abord la propre lutte de ces jeunes pour le respect de leurs droits et de leurs causes.
La justice et la solidarité ne se fêtent pas pour les mêmes raisons à dix huit ans et à cinquante.
Pour qu’elle soit la plus actuelle des célébrations, je suggère de passer la journée de ce 23 mai 2016 à faire cause commune avec nos jeunes.
En mémoire de nos Patriotes…
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