Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
La semaine dernière en bilan de fin de session parlementaire, François Legault a affirmé qu’on assistait présentement à la fin de l’ère « du Parti québécois comme parti qui aspire à gouverner ». Il ne pensait sûrement pas que Bernard Drainville lui fournirait un autre indice de cet état de fait, quelques jours plus tard…
Le député de Marie-Victorin et leader parlementaire de l’opposition officielle en fera l’annonce demain : il quitte la politique et « coanimera l’émission du midi sur les ondes du FM93 avec Éric Duhaime ». (Ajout: l’annonce a eu lieu).
Il faut dire que Bernard Drainville a vécu plusieurs départs autour de lui ces dernières années. Au moins trois me paraissent avoir été très signifiants…
Pauline Marois
La première ministre avait propulsé Bernard Drainville à l’avant-plan dans le dernier gouvernement du PQ en lui confiant le dossier de la charte des valeurs. Très à l’aise dans le rôle de celui qui détenait la carte – selon le gouvernement Marois – qui devait mener à un gouvernement majoritaire, il l’avait jouée à fond.
On se souviendra qu’il aurait pu négocier avec la Coalition avenir Québec pour « passer » une charte qui faisait davantage consensus, mais il s’était obstiné à la défendre « intégralement » pour aller en élections générales sur ce thème, avec l’appui du caucus des députés péquistes du temps.
On connait la suite. Le PQ a perdu les élections, Mme Marois a quitté et plusieurs collègues ont manifesté publiquement le désir de prendre du recul face à l’intransigeance manifestée jadis dans ce dossier.
Stéphane Gobeil
Avant de quitter pour la CAQ, le principal organisateur de Bernard Drainville à la course à la chefferie qui a porté à la direction du PQ Pierre Karl Péladeau avait eu le temps de tisser de forts liens avec Bernard Drainville. En affirmant agir ainsi pour rassembler les nationalistes, Stéphane Gobeil a sans doute semé le doute dans l’esprit de celui qui n’a pas mené campagne jusqu’à la fin, se ralliant à PKP pour terminer l’exercice.
Certains se demandent encore si c’est ce ralliement qui a entrainé le départ de Stéphane Bédard, mais chose certaine, la complicité avec le nouveau chef était réel.
La politique à haut niveau est souvent le fait de ces alliances stratégiques qui font monter ou descendre la cote des individus. Après s’être maintenu dans le clan de ceux qui dirigent malgré la défection de son ami Gobeil vers une autre formation politique, Bernard Drainville ressentait que son nouvel allié constituait une occasion en or, peut-être même unique, pour sortir de « l’injuste » réputation de l’homme de la charte.
Pierre Karl Péladeau
Ça n’a pas duré et quelles que soient les raisons du départ de PKP, c’est Bernard Drainville qui a le plus senti le tapis lui glisser sous les pieds.
Je peux facilement imaginer le vertige qui s’est emparé de Bernard Drainville. Comment tisser de nouvelles alliances dans ces circonstances où en si peu de temps, des gens forts avec lesquels on a combattu quittent les uns après les autres ?
Ce dernier départ aura probablement eu raison du désir de Bernard Drainville de continuer à occuper l’avant-scène dans un gouvernement du Parti québécois.
Pour ce faire, il aurait fallu du temps, et surtout, l’assurance que le PQ était pour retoucher au pouvoir dans un horizon pas trop lointain.
Comment imaginer Bernard Drainville autrement que dans un rôle de premier plan au pouvoir ?
Je compte sur mon collègue Claude Villeneuve pour faire le bilan du passage remarqué de l’ex journaliste en politique. Je sais qu’il sera un excellent animateur de la tribune du midi au FM93.
Bernard Drainville a vu partir trois importants complices sans qui l’ivresse du pouvoir devenait presque inatteignable.
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