Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
Vu du Québec, les conséquences du vote majoritaire pour une sortie de l’Europe du Royaume-Uni restent complexes et surtout incertaines. Il s’est passé quelque chose de gros – on le sent bien – mais ça demeure difficile d’identifier clairement de quoi il s’agit. La rapidité avec laquelle certains indépendantistes ont applaudi les résultats m’a beaucoup étonné…
C’est peut-être juste moi qui ne comprend pas vite.
Je lis pourtant beaucoup et je consulte des sources d’information très variées.
Je n’arrive tout de même pas à comprendre pourquoi plusieurs intervenants pro-indépendance-du-Québec affirment que « le Brexit ouvre la porte à la souveraineté » du Québec.
Les candidats à la chefferie du Parti québécois semblent tous « se réjouir du processus entourant le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ».
Pourtant, ils s’identifient généralement à l’Écosse une des quatre «nations constitutives» (avec l’Angleterre, le pays de Galles et l’Irlande du Nord) du Royaume-Uni.
L’Écosse a non seulement voté très majoritairement «in» (pour le maintien du lien avec l’Europe), mais ses leaders multiplient les appels pro Europe, malgré les résultats du vote «Brexit» du grand ensemble auquel ils appartiennent. À titre d’exemple, écoutons ce plaidoyer du député du Scottish National Party membre du Parlement européen Alyn Smith…
Je comprends bien par quelle logique le Brexit ravive le nationalisme écossais, mais tout comme le professeur de l’Université Laval Louis Balthazar, je trouve « bien imprudents les leaders souverainistes québécois ».
« René Lévesque n’aurait sans doute pas applaudi à la victoire du Brexit » – Louis Balthazar
Manifestement, l’équipe anglaise de football battue par les Islandais est sortie beaucoup plus vite du tournoi de l’Union des associations européennes de football (Euro 2016) que le Royaume-Uni sortira de l’Europe, malgré les résultats du récent référendum…
On dirait de plus en plus que ceux qui ont privilégié la sortie n’ont pas de plan précis pour en sortir justement…
Nous sommes en territoire inconnu.
Tout le processus de retrait de l’Europe doit se déclencher par l’application de l’article 50 de la Convention de Lisbonne qui « stipule que tout État membre peut décider de se retirer de l’UE » (source).
Cette tâche incombera au nouveau chef du Parti conservateur britannique puisque le premier ministre démissionnaire David Cameron n’a pas l’intention d’initier lui-même cette démarche (source).
Il y a d’ailleurs des gens pour croire que le Brexit n’aura pas lieu.
Si ce scénario prend de la force, l’Écosse va-t-elle ralentir ses démarches pour un nouveau référendum sur son indépendance puisque sa motivation – du moins celle qui est apparente – est d’affirmer son appartenance à l’Europe ?
On pourra spéculer longtemps sur l’analyse des résultats du vote, mais plusieurs évènements pourraient survenir d’ici les prochains mois qui risquent de confondre nos amis péquistes. Politiquement, on voit bien certains arguments pour quitter l’Europe, mais l’espace économique européen demeure convoité par le Royaume-Uni, par les «in» et les «out».
Si certains en doutent, il suffit d’écouter l’intervention d’un des leaders de la campagne «hors de l’Europe», intervenant aujourd’hui même dans l’enceinte du Parlement européen.
Les incertitudes causent normalement plusieurs torts à une économie et déjà Standard & Poor a exprimé à sa manière sa position.
Dans ce contexte, pas étonnant que plusieurs leaders européens se disent pressés d’agir (source).
La réaction très intentionnée des candidats à la course à la direction du Parti québécois et de d’autres leaders souverainistes pourrait se tourner contre eux.
En instrumentalisant les évènements consécutifs aux résultats du Brexit britannique pour mousser une certaine remontée de l’option du Parti québécois, on prête flanc à de l’opportunisme mal avisé.
Pire encore quand on regarde de plus près certaines « fractures » attribuées au vote…
La fracture sociale du Brexit illustrée en graphiques https://t.co/6G09LApKy1 pic.twitter.com/fDy8rivG4P
— ICI le point (@icilepoint) 27 juin 2016
Il y aura certes des conséquences au Brexit pour le Québec (1, 2), mais il serait étonnant qu’elles soient de nourrir l’espoir du Parti québécois envers une popularité retrouvée pour son article 1 !
« Ça bouge dans le monde », expliquait Alexandre Cloutier, après le dévoilement des résultats du référendum au Royaume-Uni.
Judicieuse analyse que d’en rester aux généralités, pour cet été du moins…
Mise à jour du 30 juin: La situation évolue au PQ… Au départ c’était « Le Brexit ouvre la porte à la souveraineté », quelques jours plus tard c’est maintenant « Les turbulences du Brexit ne nuisent pas au projet souverainiste » !
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