Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section blogue.
Le Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ) inaugurait hier soir les nouveaux équipements de projection de l’auditorium du pavillon Lassonde du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). On y présentait Embrasse-moi comme tu m’aimes, un long métrage déjanté qui porte la signature d’un créateur qui « ne s’embarrasse pas des conventions » (source).
J’étais nerveux avant d’aller assister pour une première fois à la projection d’un film d’André Forcier. Un peu gêné, aussi. Il y a très peu de cinéastes québécois dont je n’ai pas vu de film et celui qui possède « son propre système de pensée » (source) en faisait partie.
J’avais pris d’avance la décision de ne pas écrire sur l’oeuvre du réalisateur dont on m’avait dit qu’elle n’était pas facile à cerner. En sortant du MNBAQ, je n’avais qu’une idée en tête: retrouver mon clavier au plus vite!
Le « drame d’époque fantaisiste » (source) réalisé par Forcier a joué avec mes émotions toute la soirée.
Terrorisé par une scène où on voyait un père alcoolique (Roy Dupuis) violer sa jeune fille et se faire tuer à coup de fer à repasser par sa plus vieille (Mylène Mackay), j’étais incapable de m’enfoncer dans le drame puisque succédait immédiatement à l’horreur, la dérision la plus totale…
André Forcier a créé une oeuvre cinématographique complètement hors norme.
Une sorte de croisement entre La Petite Vie, Le Crime d’Ovide Plouffe et Léolo.
Juste pour dire… Un des personnages du film vient annoncer le décès de son fils (parti pour faire la guerre contre les nazis) au même moment où le personnage principal (une jeune femme en fauteuil roulant en relation fusionnelle avec son frère) se marie enfin avec quelqu’un avec qui elle se sent en amour. Ému par l’annonce de la mort du fils joueur de baseball, le chanteur de noce (Marc Hervieux) entonne par respect et empathie un « Take me to the ballgame » complètement surréaliste!
Si j’avais été seul, je me serais roulé par terre…
Pourtant à la fin du film, je suis sorti de l’auditorium le coeur serré.
C’est que j’ai vu défiler sur le grand écran la vie tumultumeuse et les travers de la société québécoise du début des années quarante, abordés à l’aide de métaphores puissantes et d’un ton unique qui ont eu le don de me garder en déséquilibre total.
Moi, je ne savais pas.
Je me suis fait solidement secouer le pommier.
Forcier était debout près du grand écran avec certains de ses collaborateurs après la projection, pour répondre aux questions des festivaliers. C’est à ce moment qu’il a expliqué que faire des films lui avait probablement évité de sombrer dans « la maladie mentale ».
« Si je ne tournais pas des films, je serais à l’aile psychiatrique de l’hôpital Charles-LeMoyne » – André Forcier
Des comédiens de toutes les générations (de Rémi Girard ou Julien Poulin à Émile Schneider en passant par Mylène St-Sauveur) en ont aussi profité pour expliquer pourquoi il est si important d’accepter de jouer dans un film de Forcier, même si ce n’est qu’un caméo.
Respect.
Je ne peux comparer Embrasse-moi comme tu m’aimes à aucun autre film, surtout pas avec un autre Forcier. Je reviendrai probablement en arrière pour visiter l’un ou l’autre des douze précédents films du réalisateur québécois, car j’ai passé un vrai beau moment ce soir au FCVQ.
On dit de Forcier qu’il serait une sorte « d’enfant terrible » du cinéma québécois. Un peu comme avec La Petite Vie de Claude Meunier qui est devenue une oeuvre culte avec le temps, « la petite vie » de André Forcier se révèlera peut-être en fait être une très grande oeuvre dont on n’a pas compris l’intérêt aux premiers abords.
En ce qui me concerne, du moins.
Ce qui serait vraiment terrible, ce serait de passer à côté de Embrasse-moi comme tu m’aimes.
Il sort en salle dès aujourd’hui partout au Québec. C’est un rendez-vous à ne pas manquer!
Embrasse-moi comme tu m'aimes | Bande-annonce de Filmoption International sur Vimeo.