En même temps qu’il est rafraichissant de suivre la démarche de Vincent Duguay 15 ans (1, 2, 3, 4), il est déplorable de devoir envisager l’action judiciaire pour régler un différent plutôt ordinaire dans une école secondaire du Québec, en 2018.
Il est normal de vouloir encadrer l’utilisation des téléphones multifonctions dans une école, personne (pas même l’élève du secondaire dont on parle) ne conteste sérieusement ce point.
En octobre 2012, j’ai écrit un billet sur le sujet qui figure semaine après semaine parmi les plus lus de ce carnet Web et j’ai publié plusieurs mises à jour depuis ce temps, histoire de bien suivre « le dossier » et de garder la trace de certains jalons. J’ai le sentiment que « l’histoire de Vincent Duguay » fera partie de ces jalons importants qui pourraient changer la donne.
La question que pose ce jeune homme bien articulé (on s’en rend facilement compte à l’écoute de cette entrevue au micro de Paul Arcand) par sa mise en demeure (celle de ses parents qui appuient sa démarche devrais-je écrire) est: un établissement scolaire a-t-il le droit de confisquer le cellulaire d’un élève à titre de sanction prévue au code de vie scolaire ?
Impossible pour moi d’y répondre, même si hier soir j’ai offert une contribution publique au débat que son intervention suggère à la tribune de l’animateur de LCN Denis Lévesque (à partir de 3:30, après l’entrevue avec Vincent Duguay).
L’affaire fait beaucoup de bruit.
Certains croient que la récrimination est le reflet de la génération «j’ai l’doua» et d’autres comme moi pensent qu’il faut prendre au sérieux le message derrière le geste de l’élève. Un professeur de droit de l’Université Laval croit d’ailleurs que le jeune homme « a un bon point » en terme de droit, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’il pourrait gagner sa cause dans un éventuel procès (entendu chez Mario Dumont pendant que j’écris ce billet).
Le piège de la judiciarisation pour traiter de l’encadrement de l’utilisation des téléphones multifonctions est gros et j’espère que les écoles, les intervenants et les jeunes ne tomberont pas dedans. Le vrai débat à avoir n’est pas là.
On doit respecter les lois, bien entendu.
Mais en amont de la confection des codes de vie institutionnels, la priorité doit aller à ce qui sert le mieux les apprentissages des élèves dans les limites de ce que le développement professionnel des enseignants leur permet.
Et ce débat sur ce qui favorise le meilleur encadrement et les apprentissages les plus féconds doit se tenir sur de bien meilleures bases que ce que la loi permet ou pas. Dans cette entrevue au FM93 hier, il en est question quelque peu avec le professeur Thierry Karsenti. Ajout du 21 janvier: autre intervention pertinente, celle de Pierre Poulin sur les onde de RDI:
La société avance beaucoup plus rapidement que la classe de la plupart des écoles dans sa capacité de permettre des usages éclatés du numérique. Ce qui est convenable « en société » peut ne pas l’être en classe. Et la réflexion doit être guidée par bien d’autres considérations que celles qui concernent le domaine juridique.
Bref, la démarche de Vincent Duguay 15 ans n’est pas banale et elle pose de sérieuses questions aux écoles. Parmi celles-ci, on doit se demander jusqu’à quel point cette manchette est de bon aloi, « ce n’est pas parce qu’on est jeunes qu’on ne peut pas défendre nos droits » ?
Il y a aussi l’envers du décor qui concerne les responsabilités.
Je le redis, il y a du bon dans le débat soulevé par cet élève du Saguenay et tous les éducateurs auraient avantage à s’y intéresser. Est-ce pour autant sous cet angle qu’il faut en priorité aborder le sujet de l’utilisation du numérique en éducation ?
La résistance naturelle aux changements en éducation et notre habitude de pelleter par en avant les questions sérieuses finiront peut-être par nous y contraindre.
N.B. Je reproduis ici un lien vers un article qui décrit une pratique jugée intéressante par quelques observateurs, dont l’élève Vincent Duguay lui-même (j’ai lu ce point de vue dans une discussion sur ce sujet, sur son profil Facebook).
Mise à jour du lendemain: «Téléphone à l’école: le débat est relancé».
Mise à jour du 24 janvier: La CS rejette la mise en demeure et n’entend pas modifier son règlement concernant l’utilisation du cellulaire.
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