Conseil national du Parti Québécois sur l’éducation : analyse du cahier d’animation

Le communiqué annonçant la tenue du prochain conseil national du Parti québécois est sans équivoque; on y parlera d’éducation. Le cahier d’animation de quatorze pages est actuellement en ligne et il est coiffé par un titre plutôt inspirant, « Un pays qui a besoin de tout son monde ». Je ne suis pas membre du Parti québécois, mais comme citoyen intéressé par le sujet, je me propose une analyse du contenu sous l’angle des six défis :

  • Le défi d’une éducation pour un pays viable et humain
  • Le défi de la persévérance et de l’excellence
  • Le défi de l’égalité des chances
  • Le défi du développement régional
  • Le défi de la formation professionnelle et de la formation continue
  • Le défi d’un financement adéquat

D’ici à ce que débute le conseil thématique du 9, 10 et 11 juin prochain, j’alimenterai ce billet de mes réflexions, défi par défi. J’ai déjà mentionné dans ce billet qu’une proposition-choc risque de beaucoup alimenter la conversation et celle-ci sur un potentiel «bulletin» gouvernemental des écoles québécoises ne passera pas inaperçue non plus.

Sous l’hyperlien plus bas, se construira dans les prochaines heures, les prochains jours, une analyse de ces propositions; l’internaute passant par ici est invité à y contribuer par l’ajout de ses commentaires…

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Le défi de ce conseil national du PQ

« Le Parti Québécois fera de l’éducation sa priorité. Il mettra l’accent tout autant sur la qualité que sur l’accessibilité. Il fixera des objectifs ambitieux de formation et de scolarisation de la population québécoise. Il favorisera l’égalité des chances en permettant à toutes et à tous de s’accomplir pleinement. »

Au moment où se tient à Québec le premier conseil national du Parti de gauche « Québec solidaire », le PQ a une énorme tâche qui l’attend : faire parler de lui positivement dans un contexte où l’électorat a franchement soif de propos visionnaires qui nous sortent des polarités traditionnelles et usées à la corde : « Privé vs public », « pour la réforme vs contre la réforme ». Incapable de capitaliser sur le mécontentement des gens face au gouvernement Libéral indiqué par les sondages et souffrant de l’absence de son chef dans bon nombre de débats publics, le Parti québécois saura-t-il parler d’éducation en proposant du concret qui nous donnera le goût de se réintérresser à son projet d’un pays pour le Québec?

Avant d’aborder les six défis du cahier d’animation, je salue quand même le fait qu’on donne à l’éducation La priorité. C’est déjà ça de fait…

Le défi d’une éducation pour un pays viable et humain

« Le renforcement de ce réseau d’écoles vertes [Les Établissements Verts Bruntland], à tous les ordres d’enseignement, nous apparaît d’une belle urgence alors que nous sommes à forger un pays viable et humain. »

L’utilisation du mot « viable » peut laisser croire que la vision du PQ se résume à vouloir que les réseaux d’éducation survivent aux tempêtes et aux modes qu’ils traversent. Au sens strict, c’est ce que m’inspire l’utilisation de l’adjectif : « Qui peut vivre ». Quand on regarde le deuxième sens (« Qui peut continuer, qui peut durer, qui peut se développer), la référence à la notion de « développement durable » s’explique. Le « devoir de cohérence » dont on parle dans le document fait directement référence au programme du parti, mais s’avère déjà être un mot creux dans l’esprit des gens après avoir constitué le « buzzword» du début des années 2000. Personnellement, j’ai toujours trouvé que le concept des Établissements verts Brundtland qui se veut rassembleur et inclusif, propage l’image inverse dans ses structures d’accueil :

« Bien que le statut EVB, par son histoire, s’est d’abord adressé au milieu scolaire, d’autres types d’établissements (ayant des membres CSQ) pourront désormais aussi joindre le mouvement. »

Et je ne parle pas de son petit côté propagande qui étiquette l’école plutôt que de lui donner le goût de participer au gigantesque projet de société d’inventer un Nouveau Monde plus responsable, moins consommateur et plus respectueux de l’impact des gestes posés en amont d’une conséquence à prévoir. Restreindre aux EVB une proposition d’école viable et plus humaine me paraît un bien petit pas! L’autre proposition touchant à « l’éducation culturelle et à la promotion de la culture québécoise » est en ligne directe avec la tradition du parti à savoir « promouvoir la diversité culturelle dans la dynamique de la promotion d’une culture francophone au Québec.» Rien de nouveau sous le soleil…

Le défi de la persévérance et de l’excellence

« Il faut arriver à mieux soutenir et à valoriser le personnel enseignant à qui nous demandons de former des citoyennes et des citoyens compétents et responsables. »

Dans le document, il y a de bonnes pistes de solution pour aider les enseignants à mieux encadrer les jeunes dans les écoles du Québec. Mais je ne crois pas que ces éléments vont faire cesser la montée de « l’épuisement professionnel très [trop] élevé chez le personnel enseignant », cible essentielle à la poursuite de la persévérance et de l’excellence scolaire, j’en conviens. Qu’est-ce qui manque aux enseignants alors? Un appui sans réserve des parents et des membres de la direction d’une école. Pour que les enseignants sentent ce support, il va falloir que la formation des maîtres et celle qu’on appelle « continue » devienne prioritaire. Du temps pour ceux qui sont en poste, des gestes concrets pour qu’ils soient libérés un peu pour se perfectionner et surtout, pour se remettre d’une formation initiale déficiente. C’est le plus grand tabou en éducation : ce qui se passe dans nos facultés d’éducation est probablement le sujet le moins discuté sur la place publique et le plus névralgique du « malaise » enseignant. Le fait que le décrochage chez les enseignants arrive très tôt dans l’entrée à la profession ne sonne-t-il pas les cloches pour quelqu’un? Est-ce qu’il n’y a pas des liens à faire entre ces demandes disproportionnées pour des congés parentaux dans le secteur de l’éducation et la difficulté de s’intégrer professionnellement?

Les propositions concernant les activités parascolaires et l’engagement des parents dans l’école sont de belles vertus qui pourraient susciter l’engouement si on savait par quels moyens on va faire ça une fois rendu au gouvernement. Enfin, j’ai hâte de voir comment les jeunes sur le parquet vendredi soir vont réagir face à l’idée «d’étudier la possibilité d’établir la gratuité scolaire ». Je croyais qu’on était rendu au stade de favoriser la gratuité au PQ, pas d’étudier la question…

Je crois que ce défi de la persévérance et de l’excellence est l’un des plus difficiles à relever dans les circonstances actuelles. Il me paraît louable de s’y attaquer, mais je ne crois pas qu’il y ait dans ces propositions, des éléments susceptibles de créer une grande mobilisation en temps de campagne électorale.

Le défi de l’égalité des chances

« Nous devons consentir à plus d’efforts de recherche et de développement portant sur des approches novatrices et fondées sur des données probantes capables de faire une différence dans la qualité de vie de ces enfants et de ces jeunes [présentant des troubles de comportement]. »

Voilà un chapitre du document qui me ravit, en tant qu’acteur dans le système d’éducation.

Je connais les efforts déployés par le PQ pour améliorer les services de garde. La proposition d’encourager les parents d’enfants les plus vulnérables à inscrire leurs jeunes enfants est un choix cohérent qui ne surprend pas, mais qui a le mérite d’augmenter les chances de ces enfants à grandir dans de meilleures conditions.

Au sujet de « la réduction de la taille des groupes », c’est le deuxième défi où il est question de cette proposition; il faut croire que ce sera une mesure que poursuivrait un ministre de l’Éducation dans un gouvernement Boisclair. Il y a des études qui tendent à démontrer que la réduction du nombre d’élèves dans les classes a peu d’impact sur la réussite, mais les enseignants vont apprécier qu’on aille dans ce sens. C’est le genre de décision difficile à financer, mais ça peut valoir le coup sur le plan de l’électorat, car les parents accordent une certaine crédibilité à la réduction du nombre d’étudiants dans le groupe de leur enfant.

C’est dans cette section du document qu’on retrouve une première allusion à « la politique de financement qui devrait encourager le caractère d’inclusion des établissements scolaires ». Cette mesure va déranger le gouvernement actuel parce qu’elle attaque de front un problème récurrent qu’aucun dirigeant précédent n’avait voulu aborder : la question des pratiques de sélection dans les écoles. La première réplique est venue très rapidement parce qu’il ne faudrait pas que le PQ prenne trop avantage d’avoir trouvé une solution crédible sous le nez du gouvernement. La parade est intéressante; faire passer les péquistes pour des gens qui voudraient avantager le réseau privé! Le plus grand mérite de cette mesure serait de plaire à plusieurs dirigeants d’écoles privées autant qu’à la grande majorité de ceux qui dirigent des écoles publiques. Wow… ce pourrait être inespéré. D’autant que la base électorale du PQ devrait avoir de la difficulté à rejeter du revers de la main cette idée.

À propos du programme « Agir autrement » maintenant. C’est une des bonnes réussites des dernières années et il vaut la peine d’être « intensifié et étendu », comme le propose le document. L’hypothèse à l’effet « que la réputation même des écoles favorise ou défavorise l’égalité des chances » est intéressante, tellement qu’elle inspire l’exécutif du PQ à vouloir concurrencer le « bulletin des écoles secondaire » de l’Institut économique de Montréal (si je me fie à cette interprétation du Journal de Montréal, car ce n’est pas écrit en toutes lettres dans le cahier d’animation). Il est vrai que le palmarès annuel de l’automne choque beaucoup; autant dans les écoles qu’au MELS. Contrer toute cette polémique par un autre outil est une initiative attrayante, mais elle ne se fera pas sans heurt. En ajoutant une « politique d’amélioration continue » et en « informant les parents de façon rigoureuse et évolutive » on trouvera peut-être un vrai bon filon. Ça rappelle cette histoire des bons coups et de la reddition de comptes du temps du ministre Reid. La voie est risquée, mais ça vaut peut-être le coup de tenter de rallier les membres du parti au bien fondé de prendre le taureau par les cornes sur cette question…

Le défi du développement régional

« Plus de 1 000 écoles québécoises comptent moins de 100 enfants. Des collectivités rurales sont menacées dans leur existence même, alors que pèse sur elles la menace de fermeture de leur école primaire et, dans plusieurs cas maintenant, secondaire. »

La « révision du financement par personne » est un processus qui devra faire l’objet d’une attention particulière autant pour le niveau universitaire que pour les autres paliers scolaires. Par contre, il y aura toujours un nombre d’étudiants en bas duquel on ne pourra plus assurer la même qualité de services à une population. Les jeunes et leurs parents qui vivent en région ne sont pas dupes; lorsqu’on n’a pas une certaine masse critique, on est voué à disparaître… En plus de la réorganisation du financement donc, l’aménagement de « pôles régionaux d’excellence dans des domaines exclusifs d’apprentissage » est à prévoir pour donner à des collectivités locales les moyens de leurs ambitions.

Toute « politique de survie et de renforcement des petites écoles » devra passer par des stratégies de rétention des gens en région autant que par la mise en oeuvre de plans stratégiques pour attirer de nouveaux citoyens vers les régions et cet aspect déborde des intentions du présent cahier d’animation. Je comprends l’importance de l’inclusion de ce défi du développement régional dans ce chantier visant à améliorer la qualité et l’accessibilité en éducation, mais les propositions demeurent trop superficielles pour que les problèmes identifiés commencent à se résoudre. Des interventions plus musclées devront un jour être envisagées pour que notre vaste territoire soit vraiment bien occupé et que les personnes y vivant puissent s’y épanouir.

Le défi de la formation professionnelle et de la formation continue

« Pour plusieurs jeunes et leurs parents, la formation professionnelle est vue comme une porte qui se ferme au lieu de s’ouvrir étant donné une offre de formation qui empêche l’accès au collège une fois le secondaire terminé. »

Au sortir de la relecture des pages onze et douze du document, j’ai peine à croire qu’on veuille relever ce défi, tellement les deux propositions me paraissent plus proches de lieux communs que de réelles avancées pour faire progresser ces deux domaines très importants en région et au niveau du développement de la main d’oeuvre en général. « Mode de financement plus approprié », « programme de soutien financier plus attrayant » et « mise en place pressante de passerelles » ne constitue pas, en soi, de mauvaises suggestions. C’est juste que ça sonne langue de bois… C’est à se demander si on n’a pas manqué un peu de temps pour proposer des mesures plus originales, surtout quand on regarde les autres propositions beaucoup plus percutantes pour relever les autres défis. Valoriser la formation professionnelle, ça commence par la présenter aux jeunes du secondaire et à leurs parents comme un choix judicieux pour réussir sa vie et fréquenter les centres de F.P., ça devrait être un honneur pour les jeunes. Pour que ça devienne le cas, il faudra agir sur les mentalités et montrer par l’ampleur des moyens proposés qu’on y croit vraiment. Je crois sincèrement qu’on ne baissera pas le taux de décrochage au secondaire sans augmenter le niveau d’attraction de ce secteur.

En ce qui concerne l’autre volet de cette section, rien sur la formation à distance comme outil de formation continue, rien à propos de la lutte contre l’analphabétisme, rien sur la conciliation travail-famille-formation continue et pas plus sur le sujet des incitatifs pour ceux qui sont sur l’assurance emploi ou l’assistance-emploi. Non, je ne crois pas que l’enthousiasme sur le parquet vienne de la façon dont on compte relever ces défis de la formation professionnelle et de la formation continue. À moins que justement, d’autres propositions viennent s’ajouter.

Le défi d’un financement adéquat

« Il nous faut désormais consentir à des efforts supplémentaires si l’on s’oblige, comme société, à ce que chacun de nos enfants, de nos jeunes et moins jeunes puisse développer ses compétences à leur pleine capacité et si l’on refuse d’en perdre en chemin. »

Passons sur les considérations habituelles concernant l’empiétement du gouvernement fédéral dans le secteur de l’éducation et du sous financement de l’enseignement post-secondaire. Ce ne sont pas vraiment des choses que le provincial « contrôle ». Je crois que nous devons nous réjouir qu’un gouvernement dirigé par André Boisclair s’attaque au chantier « du renouvellement et du rafraîchissement de nos établissements scolaires ». N’importe quel observateur moindrement attentif au retard dramatique dans l’entretien de nos bâtiments sait que nous n’avons plus le choix. Ce ne sera peut-être pas très « vendeur » que de proposer beaucoup d’argent neuf à cet item, mais la mesure a le mérite de suggérer une façon « responsable » de procéder. On aurait pu ajouter le secteur des nouvelles technologies dans la liste des endroits sous-financés, surtout en ce qui a trait à la formation des enseignants et à l’accès à faciliter aux programmes d’ordinateurs portatifs.

Pour ce qui est des objectifs ambitieux en matière de taux de diplomation, je n’ai rien contre le fait de mettre la barre haute, mais les attentes élevées n’apportent pas toujours le bénéfice escompté. N’aurait-il pas mieux fallu s’assurer de pouvoir « livrer » des cibles plus hautes et de les dépasser que de viser des résultats presque irréalistes et avoir de grandes chances d’être déçus. Je reviens avec mes points sur les chapitres précédents; il faudra investir en F.P. et dans la formation des maîtres pour pouvoir espérer atteindre les pourcentages identifiés.

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2 Commentaires
  1. Nick Zorn 16 années Il y a

    Bonjour,
    Si le sort de l’histoire nationale enseignée au Québec, venez voir le site http://www.sauvonsnotrehistoire.com
    Nick Zorn,
    Porte-parole de la Coalition sauvons notre histoire
    nick zorn@sauvonsnotrehistoire.com

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 16 années Il y a

    Je suis allé voir le site que vous suggérez M. Zorn. Je comprendrais tout ce branle-bas si d’autres événements n’étaient pas survenus après la sortie de l’article du journaliste du Devoir. Comme je le faisais remarquer dans ce billet écrit au moment de la parution de l’article d’Antoine Robitaille, «Aucun programme n’a d’avenir s’il occulte certains faits de notre histoire, s’il tente de faire construire des compétences en n’offrant pas une base solide au niveau des connaissances qui vont devoir être mobilisées dans les situations d’apprentissage. »
    Je suis persuadé que les gens au MELS corrigent le tir actuellement. De plus, je ne crois pas que les concepteurs du programme aient voulu « ôter toute notion de conflit dans notre histoire » comme vous mentionnez sur votre page d’accueil. Par contre, je comprends de votre démarche qu’elle risque d’animer les participants au congrès thématique d’en fin de semaine… Alors, je vous souhaite bonnes chances!
    N.B. En passant, je crois qu’il manque quelques mots après la virgule de votre première phrase; si vous voulez me les faire parvenir, je ferai la correction pour vous.

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