Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Les récents événements entourant « le dépôt » du rapport Ménard (Commission spéciale d’examen des événements du printemps 2012) confirment encore une fois le peu de considération que les gouvernements successifs portent aux gestes qu’ils posent eux-mêmes sur un certain nombre de mois ou d’années. Un minimum de gros bon sens exigerait un suivi approprié au cycle de résolution de problèmes souvent liés à des crises.
Force est d’admettre que c’est un des symptômes les plus évidents que l’excès de partisanerie alimente l’inconséquence et contribue ainsi à l’augmentation du cynisme ambiant.
Serge Ménard a pris très personnel le refus du gouvernement de Philippe Couillard de prêter un peu de sérieux aux recommandations de son groupe, formé quelque temps après les manifestations et les « actions de perturbation tenues au Québec au printemps 2012 », période maintenant connue sous le nom de printemps érable. Il était furieux la semaine dernière et franchement, il faut admettre que la tiédeur du parti libéral n’avait rien à voir avec lui ou avec qui que ce soit, parmi les trois commissaires. La population elle, aurait bien raison d’être furieuse et de le prendre personnel, cependant…
La relative indifférence avec laquelle les citoyens regardent ce triste spectacle s’explique par la répétition du phénomène : un problème grave surgit, les autorités veulent gagner du temps, nomment un groupe d’experts pour analyser/identifier/dégager/formuler, qui dépose leur rapport qui ira garnir vite fait les tablettes d’un ministère quelconque.
Il y a trop de ces comités d’examen, groupes d’études et commissions. Mais surtout, elles ne servent qu’à faire écran de fumée, même si les experts qui les composent semblent tout à fait compétents. L’art de tuer dans l’oeuf la confiance qu’il nous reste envers nos institutions qui devraient normalement être prises très au sérieux. Les gouvernements qui se sont succédés ont réussi à « passer au travers » plusieurs de ces crises en faisant preuve d’une apparence de gestion et la grande majorité des gens n’attendent presque plus rien de ces démarches, de toute façon. Le test de la Commission Charbonneau pourrait s’avérer déterminant pour la suite des choses…
Dans le cas du rapport Ménard, il fallait quand même reconnaître le signe qui ne ment jamais : sa publication par le bureau de la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault a eu lieu quelques minutes avant une éclipse médiatique, le septième match du quart de finale des séries éliminatoires de hockey entre les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston. Tellement gros. Et on ne s’en offusque même pas.
Cas de légionellose
Il arrive parfois que le gouvernement souffre d’avoir tabletté un rapport. Ce fut le cas à l’été 2012, lors de l’éclosion de légionellose dans le centre-ville de Québec. Épouvantable de pas avoir donné suite au rapport (mars 1997) de l’enquête épidémiologique et environnementale sur le même genre d’épidémie de légionellose en mai-juin 1996. On avait exigé à l’époque qu’on s’occupe de l’entretien des tours de refroidissement; c’était la recommandation principale du rapport (p. 21). L’annonce gouvernementale d’hier vient corriger, dix-sept ans plus tard, ce grave manque de rigueur.
Rapport Bouchard-Taylor
On se souviendra que les travaux de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles n’ont toujours pas donné de résultats concrets. Dans ce cas de figure, on ne peut accuser les péquistes d’avoir tabletté le rapport, mais je suis de ceux qui croient que l’instrumentalisation d’une charte des valeurs par Pauline Marois a quelque chose à voir, justement, au manque de suivi libéral des recommandations des coprésidents. Reste à voir ce que M. Couillard proposera en 2014…
Assurance-emploi
Qui se souvient des recommandations de la Commission nationale d’examen sur l’assurance-emploi déposées en novembre 2013 ? Voici l’exemple d’une autre démarche qui risque fort bien de se retrouver aux oubliettes. C’était tellement prévisible…
Il faut maintenant souhaiter que le cycle « un problème, un rapport, une tablette » tire à sa fin. Le thème du gaspillage de fonds publiques étant revenu à l’avant-scène, la population pourrait avoir l’épiderme plus sensible avec cette ridicule façon de ne pas s’occuper réellement des problèmes. Un minimum de transparence nous commanderait d’ailleurs d’exiger la publication sur un seul site Web de tous ces rapports qui n’ont jamais donné de quoi compenser pour toutes les sommes investies. On pourrait être surpris de toutes les bonnes solutions sur lesquelles on est passé outre sans s’en rendre compte.
Quelqu’un de charitable au gouvernement peut-il nous indiquer la tablette bien garnie où vient d’être rangé le rapport Ménard ?
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