Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Je sors du huis clos sur le budget Leitão et je me pose davantage de questions que j’ai pu obtenir de réponses venant des professionnels des ministères présents avec qui j’ai échangé.
D’autres que moi pourront résumer en détails les grandes lignes des annonces d’aujourd’hui qui font l’objet d’une très belle couverture médiatique.
En gros, pour moi, ce budget n’annonce pas le virage que j’attendais dans l’administration gouvernementale. Il promet un meilleur contrôle des dépenses de l’État, il prévoit quelques bonnes mesures pour les PME (dont le Programme Créativité Québec et la promesse de stimuler l’entrepreneuriat au Québec), mais il pêche par le non-renouvellement de la vision qui préside au mode de gestion privilégié de gouvernement en gouvernement, au Québec.
Sur le plan de la gouvernance, les mots-clés du budget sont « cran d’arrêt », « reddition de compte » et « révision permanente des programmes ». Un peu plus de ce qui n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à maintenant en matière de gestion publique des affaires de l’État. La création de comités… je suis habitué.
Pourtant, dans plusieurs administrations gouvernementales à travers le monde, on privilégie une approche de budgétisation axée sur les résultats, ce qui permet de rapprocher les allocations budgétaires, des résultats escomptés… À ce moment, les ressources nécessaires à la réalisation des programmes sont déterminées à partir des résultats attendus qui eux, sont mesurés à l’aide d’indicateurs objectifs, communiqués à tous les citoyens en début d’exercice. La question : pourquoi une administration comme celle du Québec, qui se veut moderne, n’envisage pas dès à présent ce virage qui permettrait une meilleure gestion des politiques publiques? Est-ce qu’en plus de « l’ouverture d’un dialogue social » prévue au budget, on pourrait privilégier la transparence et ainsi rendre plus aisément des comptes?
Spécifiquement, en matière de contrôle des finances publiques, le discours du budget affirme que le conseil du Trésor dispose de bien peu de pouvoirs pour contrôler la hausse du nombre d’employés des réseaux de la santé, des services sociaux, de l’éducation et de certains organismes publics. On ne sait même pas combien de personnes l’État emploie. On l’avoue candidement. La question : peut-on croire en la promesse du gel des employés de l’État dans ces circonstances où on ne connaît pas le point de départ du nombre d’emplois? (Ajout : Ce sujet m’a inspiré une chronique, publiée dans les versions papier du JdeQc / JdeMtl)
En éducation, j’ai bien vu hier la parution sur le site Web du MELS d’une étude qui conforte le ministre Bolduc dans sa volonté d’aller de l’avant avec l’anglais intensif. J’en suis. Mais ce sont les écoles qui devraient décider ou non de privilégier l’anglais intensif. Je me serais attendu dans le budget, par contre, à avoir des réponses sur le rythme du déploiement des classes de maternelle quatre ans en milieux défavorisés. Il n’en est rien. La question : est-ce qu’en matière de décrochage scolaire, les mesures privilégiant le dépistage précoce auront moins l’attention du gouvernement Couillard que celles qui plaisent à leurs clientèles électorales traditionnelles? (Ajout du 15 juin : élément de réponse dans cet article)
Toujours en éducation, il faut constater une baisse de quatorze millions $ de l’enveloppe du MELS allouée à l’enseignement privé au préscolaire, primaire et secondaire, entre l’année financière 2014-2015 et 2013-2014. Dans le contexte où le nombre d’élèves augmente (peu, mais il augmente, je me trompe?) d’année en année dans les établissements privés qui disposent d’un agrément (donc qui reçoivent des subventions), je me demande : comment peut-on expliquer cette baisse ?
Enfin, on me permettra de questionner le peu de considération dans la préparation du budget pour le passage à une économie numérique. J’ai bien vu dans les documents une somme de 100 millions $ qui sera investie dans la stratégie numérique culturelle. Bon geste. Il y a de nombreuses rumeurs à l’effet que la stratégie numérique globale relèverait maintenant du ministère des Finances au lieu d’être sous la responsabilité du Conseil du Trésor, mais nous sommes toujours en attente d’un vrai plan numérique pour le Québec. La question : À quand de véritables annonces en ce sens?
Pour les prochains billets sur le sujet du budget, il me faudra fouiller davantage la question de l’encadrement et du financement des commissions scolaires (et ce qui adviendra des hausses de taxes scolaires) et les sommes prévues pour la recherche. Dans ce dernier cas, je vois une diminution importante de ce qui avait été prévue par le gouvernement précédent. On semble faire bien peu de cas de la Politique nationale de la recherche et de l’innovation (PNRI) dans le budget, sauf une mention intéressante sur la volonté de faire davantage travailler ensemble les universitaires et les entrepreneurs.
À suivre…
Tags: "Administration scolaire" "Gouvernement ouvert" "La vie la vie en société" "Plan Numérique"
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