Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ». Il reprend une chronique publiée dans les versions imprimées du Journal de Québec / de Montréal.
Un rapport du Conseil canadien des chefs d’entreprises (CCCE) recommande au gouvernement fédéral de se donner une stratégie nationale en éducation. Le moment choisi pour le diffuser coïncide avec la 103e réunion du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC) qui se tenait dernièrement à Charlottetown. Drôle d’idée de s’adresser au gouvernement du Canada lorsqu’il s’agit d’éducation…
Déjà que le rapport part d’une prémisse douteuse, il propose des solutions inapplicables dans le cadre de la Constitution de 1867: l’éducation est une compétence provinciale.
Les façons de faire en éducation sont différentes, d’une province à l’autre, et c’est très bien ainsi. Les quelques bonnes idées du rapport vont passer aux oubliettes à cause d’un mauvais calcul du CCCE.
Les canadiens réussissent mieux que le rapport le prétend
Une tendance à la baisse des résultats des élèves canadiens aux tests PISA de l’OCDE est à la base des recommandations du CCCE. Pourtant, le Conference Board du Canada vient de publier un bilan comparatif sur l’éducation qui confirme que le Canada occupe les premiers rangs du classement international. Au sortir de la réunion de Charlottetown, Jeff Johnson (président du CMEC et ministre albertain de l’Éducation) a vite rappelé qu’il fallait prendre avec un grain de sel cette baisse canadienne puisque très peu de pays sont meilleurs.
Au Québec, les scores PISA sont les meilleurs au Canada. Si chaque province du Canada était un pays, le Québec, sur l’échelle mondiale, serait septième en mathématiques, neuvième en lecture et treizième en sciences.
Le vrai problème, le décrochage scolaire
Si les tests PISA sont intéressants (évaluation des connaissances et des compétences d’élèves de 15 ans), il faut davantage s’intéresser à ce que ces tests ne mesurent pas: le décrochage scolaire. Puisqu’ils sont administrés dans les classes de 4esecondaire, plusieurs élèves ont déjà quitté le système scolaire régulier. Le rapport du CCCE aurait eu avantage à se soucier en priorité de ce fléau. La proposition d’analyser l’exemple de l’Allemagne aurait été meilleure, vue sous cet angle.
Les commissions scolaires n’existent pas en Allemagne et les directeurs d’école sont très autonomes. Surtout, l’Allemagne détient le taux de diplomation le plus élevé au monde, devançant même la Finlande.
Les patrons font partie des solutions
L’idée d’une « stratégie nationale sur l’éducation » n’est pas nouvelle. Le même lobby l’avait réclamée d’Ottawa en 1987, prétextant comme aujourd’hui que « le Canada est la seule économie avancée du monde à ne pas avoir de ministère de l’Éducation ». Mulroney avait été tenté, semble-t-il.
En cessant de toujours vouloir ramener les solutions à l’échelle canadienne, les chefs d’entreprises pourraient faire œuvre plus utile. Comme le recommande le Conseil du patronat dans son mémoire S’allier pour la prospérité (2011), les entreprises pourraient s’engager à ne pas embaucher d’étudiants au-delà d’un nombre d’heures jugé nuisible pour leurs études ou promouvoir les stages en entreprise (alternance travail-études).
Ces mesures seraient plus efficaces que l’intention de créer un autre organisme pancanadien pour suivre la progression d’atteinte d’objectifs pour chaque phase d’apprentissage.
Tags: "Administration scolaire" "La vie la vie en société"