Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Je viens d’apprendre le décès de l’abbé Raymond Gravel. Si l’Église doit beaucoup à l’abbé Raymond Gravel, Raymond Gravel ne doit rien à l’Église. Il est parti à soixante-et-un an, sans que nous n’ayons entendu le moindre appui public à son message de tolérance et d’amour, de la part des autorités ecclésiastiques.
«On ne peut pas séparer le prêtre de ce que je suis», avait-il l’habitude de dire. C’est qu’il lui fallait souvent le répéter. Homme de communication, l’Abbé Gravel détonnait tellement de l’institution qu’il représentait, qu’il sentait d’instinct la fracture entre ce que les Québécois pensaient du message de l’Église et du sien.
Il avait beau répéter que sa loyauté allait à l’Église d’abord, moi j’ai toujours senti que je pouvais compter sur lui, d’abord.
L’Abbé Raymond Gravel a fait énormément pour l’Église. C’est parce que des personnes comme lui montrent un visage de compassion et d’accueil sans condition que nous pouvons encore nous dire qu’il y a du bon dans cette institution qui vieillit mal.
Et encore.
Soulagé que Mgr Marc Ouellet n’ait pas été élu Pape, le curé Raymond Gravel ne s’était pas gêné pour exprimer son soulagement. «Oh mon Dieu, c’est une bénédiction» avait-il exprimé…
Il m’a toujours semblé que dans cette prise de position, il y avait toute la distance qui séparait l’homme de son église. Et il y avait aussi tout ce qui pouvait nous unir à lui. Un front de boeuf, une parole directe, une sorte d’insoumission respectueuse et surtout, un parti pris pour la franchise.
On se souviendra qu’il avait qualifié «de fiasco», le passage du cardinal Ouellet aux fonctions d’archevêque du diocèse de Québec…
Pourquoi, dans l’Église Catholique, n’a-t-on pas honoré Raymond Gravel de son vivant ?
Celui qui s’est toujours positionné contre la droite religieuse est peut-être parti sans savoir jusqu’à quel point il avait «l’étoffe» d’un grand, aux yeux de ceux qu’il représentait.
Heureusement, il savait par contre que les Québécois l’aimaient. Il avait même tenu à dire «qu’il pardonnait» à tous ceux qui avaient pu dire du mal de lui…
Raymond Gravel a fait confiance aux Québécois, au point de leur partager son état de santé, lui qui était atteint d’un cancer du poumon, au stade le plus avancé. Dans toutes ses entrevues, il s’adressait à tous avec la même intensité qui l’a toujours caractérisé.
Jamais l’expression «repose en paix» n’aura eu un sens aussi profond qu’adressée à Raymond Gravel.
Aujourd’hui, je réalise avec son départ que certains hommes sont irremplaçables.
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