La liste de diffusion Édu-ressources a été assez active hier, samedi 9 septembre; treize messages écrits par six intervenants. La journée d’avant avait vu paraître sept messages écrits par cinq personnes. Bon nombre des interventions ont porté sur les résultats d’une étude du Centre de recherche sur l’intervention éducative (le CRIE) dirigée par François Larose de l’Université de Sherbrooke. Dans une des interventions, M. Larose nous résume ses constatations :
« Mes conclusions actuelles c’est que tout dispositif pédagogique, comme les dispositifs instrumentaux d’ailleurs, utilisé à bon escient et de façon complémentaire plutôt qu’exclusive, peut produire de bons résultats au plan du soutien à l’apprentissage. Il en va ainsi du recours au projet comme du recours à d’autres façons d’organiser et de gérer son enseignement (y incluant des moments d’enseignement de type frontal). L’enseignement en projet peut s’avérer très efficace pour soutenir, par exemple, l’intégration des réalités sociales ou environnementales qui caractérisent le milieu de vie de l’élève. Tout dépend de comment le projet est bâti, du lien entre sa planification et les compétences disciplinaires ou transversales dont on désire soutenir l’acquisition et de l’usage qu’on fait du contexte projet pour évaluer et rétroagir avec les élèves par rapport à ces apprentissages. En soi, ce type de dispositif ne fait pas de miracle, pas plus que n’importe
quel autre d’ailleurs. »
Ce constat n’a pas fait l’affaire de tout le monde… Le débat qui a suivi a porté sur l’autonomie professionnelle de l’enseignant et la marge de manoeuvre dont il devrait disposer dans le choix de ses stratégies et du matériel sélectionné pour supporter les apprentissages des apprenants. Dans une intervention, j’ai senti le besoin de nommer ma grande satisfaction de voir que certains principes me semblaient respecter les conclusions auxquelles nous étions arrivés dans le groupe de directeurs et de conseillers pédagogiques au moment où nous étions engagés dans la démarche des écoles ciblées au primaire au début des années 2000. « Un « bon prof » est celui qui choisit ses approches pédagogiques, son matériel, etc. selon sa lecture du profil, des difficultés et des forces des élèves de sa classe et cela peut varier d’une année ou d’une cohorte à l’autre », avait affirmé M. Larose…
De la douce musique à mes oreilles…
Dans d’autres oreilles, la tangente qu’avait prise la discussion sonnait plutôt comme du « novlangue ». Cette expression me semblait remplie de charge affective et mes recherches m’ont révélé la teneur de cette charge. Les réactions qui ont suivi sur la liste témoignent de l’intensité des accusations. Wikipédia rapporte que « l’idée fondamentale du novlangue est de supprimer toutes les nuances d’une langue afin de ne conserver que des dichotomies qui renforcent l’influence de l’État. » Chez Antidote, « novlangue » signifie « Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité. » Bref, le message est clair, les gens qui tiennent un discours empreint d’ouverture pour les stratégies « centrées sur les apprentissages » sont de dangereux manipulateurs qui dénature la réalité. « Cette théorie » du grand complot, est caractérisée par la suspicion : « Malgré le discours d’ouverture (…) qui appelle à des valeurs de liberté et d’égalité ainsi qu’au professionnalisme des enseignants, il semble clair que les intentions de ce type de discours sont clairement de faire valoir certaines pratiques et de décourager d’autres types de pratiques. »
Comment nous sortir de cette foire d’empoigne qui a ses conséquences dans le moral de bon nombre d’intervenants (sur la liste et dans les milieux scolaires)? Est-il pensable de pouvoir discourir sur d’autres façons de faire apprendre sans prêter flanc au rejet des stratégies pédagogiques centrées sur l’enseignement?
La teneur de certains propos laisse croire que seuls la révolte devant les affreux « pédagogues progressistes » ou l’arrêt immédiat de tout ce qui tourne autour du renouveau pourraient restaurer le dialogue. Si ce sont les seuls outils restant dans le carquois de ceux qui tiennent aux bienfaits des approches directes utilisés de manière exclusive, je vais limiter au minimum mes échanges avec ceux-ci. Je considérerai de plus en plus les interventions à la « novlangue » comme de vulgaires trolls.
Pour le reste, comme je le mentionnais dans ma dernière intervention sur la liste, je respecte les PERSONNES qui tiennent ce discours, je leur reconnais le droit de maintenir leur propos et je vais continuer de débattre avec eux quand je constaterai qu’il y a du constructif à sortir de ces échanges; dans le doute, j’essaierai de m’abstenir…
N.B. Au moins deux rendez-vous nous attendent cette semaine dans la sphère médiatique au sujet du renouveau pédagogique. L’émission Enjeux de Radio-Canada nous propose de vérifier si certains « enfants de la réforme seront mieux préparés pour entamer le secondaire? » et la revue L’Actualité sortira en kiosque jeudi ou vendredi et contiendra un dossier complet sur la réforme préparé par une journaliste (Isabelle Grégoire) qui m’a semblé prendre très au sérieux son affectation…
Monsieur Asselin,
On voit bien que la réforme anime les coeurs et les claviers! Je vais donc me faire un plaisir d’aller lire cette saga intellecto-universitaire et je vous reviendrai avec quelques commentaires bien sentis sur cet art du vide qui consiste à parler du renouveau pédagogique tout en sachant qu’aucun décideur ne veut se remettre en question…
Puisqu’on parle de vide, permettez-moi de vous souligner que la constatation de M. Larose que vous citez est un exemple éloquent que le nombre de mots d’une phrase peut être inversement proportionnel à sa profondeur. Résumons-la de façon imagée et caricaturale: tout objet peut servir de maillet selon comment on s’en sert et l’endroit ou l’on frappe. J’exagère à peine…
Cependant, je ne peux qu’être d’accord avec vous : un bon prof choisit ses moyens d’enseigner. Mais on devrait lui laisser aussi les moyens d’évaluer, ce qui n’est pas le cas avec l’actuelle réforme.
L’évaluation, c’est le nerf de la guerre en éducation, si l’on peut dire, et il n’est pas innocent que ce soit celle-ci qui suscite le plus de débats. Il est d’ailleurs incroyable de voir que nous allons de l’avant avec des programmes alors que nous savons à peine comment évaluer les élèves! Même la sacro-sainte table de pilotage, ou le ministre parle de large concensus malgré l’opposition des enseignants, se questionne à ce sujet!
Je ne reviendrai pas sur les dérapages de ceux qui ont voulu imposer la pédagogie par projet et les précisions que le MELS a apportées par la suite. Je parlerai plutôt d’évaluation. En voulez-vous, des dérapages? Une centaine d’élèves qui passe deux jours de classe dans un gymnase à faire un examen-projet en équipe, vous en pensez quoi? Le non-redoublement, vraiment bénéfique?
En terminant, j’écouterai ou lirai avec attention les deux suggestions que vous nous faites, mais j’en ajouterai également deux:
– Pamphlet pour les décrocheurs (de Jean Forest)
– Le grand mensonge de l’éducation (Là, je me plogue, de Luc Germain, Benoit Séguin et votre humble serviteur.)
Sur ce, bonne soirée.
Juste un mot M. Papineau. Les questionnements sur l’évaluation me semblent à-propos. La dérape des bulletins « bonhomme sourire » n’a pas de bon sang. Mais admettez qu’avant de changer ses pratiques en évaluation, il faudrait commencer par questionner ses pratiques en classe, diversifier ses stratégies et ensuite, modifier ses façons d’évaluer et de donner l’information aux parents (bulletins, portfolios, feuille de suivie, etc.). Aussi, il me semble que l’évaluation devrait servir les apprentissages (aider les élèves dans leur cheminement d’apprenant), davantage que de servir le tri social, vous ne pensez pas? Pourquoi ne pas continuer d’évaluer les connaissances en plus des compétences?
Pour continuer, je suggère la lecture de cet autre billet, « Raccourcir le banc. »
Le problème, M. Asselin, c’est qu’on ne peut pas changer ses pratiques d’enseignement et, une fois cela fait en classe, tout à coup, se demander comment il faut évaluer les élèves. L’un ne va pas sans l’autre. Or, c’est précisément ce qu’on fait au Québec. On a changé tout le système et ensuite on s’est interrogé là-dessus.Est-ce normal que mes collègues de deuxième secondaire ne savent toujours pas comment évaluer leurs élèves? Même Perrenoud a écrit un billet à ce sujet pour constater qu’on est toujours prompt à changer les curriculum sans régler en même temps la question de l’évaluation.
De plus, le débat sur l’évaluation n’est pas qu’une phobie de comptable. C’est toute une philosophie. Quant à moi, l’ancien système me permettait d’évaluer et des compétences et des connaissances. On perd un temps fou en éducation à réinventer la roue alors que nos élèves, décrocheurs et autres, ont des problèmes de détresse psychologique, de pauvreté ou de consommation de drogue. Tout l’argent que nous investissons dans ces réformes oiseuses auraient mieux servi autrement dans nos classes, croyez-moi. le réseau est en sous-financment constant, mais on se paie des réformettes à tous les dix ans. Que comprendre?
Un dernier mot à propos de l’évaluation qui servirait à effectuer du tri social. Oui, pis après?
L’éducation est un droit reconnu au Québec. Cependant, la démocratisation de l’accès au savoir ne doit pas entraîner obligatoirement celle de la «réussite à tout prix». On n’est pas tous fait pour être joueur de hockey dans la LNH ou médecin.
L’école a une responsabilité dans la réussite des jeunes, mais pas toute la responsabilité. Les jeunes, les parents, les employeurs ont leur bout de chemin à faire, mais ils se contentent généralement d’une réussite fictive des élèves sortant de notre beau réseau d’éducation.
Dans le bouquin auquel j’ai collaboré, on voit très bien que cette volonté de réussite à tout prix mène inévitablement à un nivellement par le bas des connaissances. Réforme ou pas réforme.
« On n’est pas tous fait pour être joueur de hockey dans la LNH ou médecin. »
Et pourquoi serait-ce aux enseignants du primaire ou du secondaire d’en décider???
Monsieur Papineau, Après plusieurs visites dans les librairies à Montréal, j’ai pu enfin mettre la main aujourd’hui sur le livre « Le grand mensonge de l’éducation » auquel vous avez participé. Je tenais simplement à vous féliciter pour cet ouvrage à la fois courageux et très éclairant à bien des égards sur la situation vécue par les enseignants.
J’ajouterai que je partage votre malaise face aux propos de monsieur Larose (intervention #1). Mes interventions récentes sur Édu-ressources était justifiées en partie par cette intervention. Cependant, mon accusation de « novlangue » s’adressait plus directement à l’intervention de monsieur Asselin sur cette même liste de discussion, alors qu’il s’attribuait le mérite d’avoir des pratiques centrées sur les apprentissages et sur les élèves. Paradoxalement, les adeptes de ces pédagogies « centrées sur l’élève », qui prétendent relever d’un « paradigme d’apprentissage » plutôt que d’un « paradigme d’enseignement », ont démontré un certain mépris pour le sort des élèves et pour la mesure des apprentissages (on l’a vu avec les réactions au rapport d’évaluation de la table de pilotage). D’ailleurs, j’ai été en mesure de le constater très clairement en examinant le contenu des études publiées par ces « pédagogues progressistes » où une très grande majorité des sujets à l’étude étaient les enseignants. Inversement, une très faible proportion des études sur les pédagogies centrées sur l’enfant s’étaient préoccupées de mesurer les effets sur les enfants.Bizarrement, ce sont les études des pédagogies que l’on accuse d’être « centrés sur l’enseignement » qui ont le plus mesuré les effets des pratiques en classe sur les apprentissages des élèves. Quiconque est un peu familier avec le roman 1984 de George Orwell aura fait le rapprochement avec cette notion de novlangue et cette idée de confondre les esprits en désignant une chose par son contraire, comme en nommant « ministère de la vérité » l’organisme responsable de la censure et de la propagande. Nous n’avons pas au Québec de « Ministère de la Vérité », mais dans ce même esprit, nous disposons néanmoins d’un « Ministère de l’Éducation » qui semble travailler, comme votre ouvrage le souligne fort bien, à faire la promotion de l’ignorance.
Ça y est: le débat est reparti avec ses remarques vides et oiseuses. Je suis désolé de l’écrire.
M. Jobin, êtes-vous enseignant actuellement?
Si oui, prenez-vous les présences de vos élèves en classe? Ceux qui agissent ainsi ne sont-ils pas des gens qui briment la spontanéité et la liberté des jeunes? Ne devrait-on pas les laisser libre de choisir leur mode d’apprentissage? Vidons les écoles et laissons les jeunes choisir d’apprendre par eux-mêmes?
Dans la même veine, et le raisonnement n’est pas du cabotinage, croyez-moi, pourquoi s’en prendre aux écoles hassidiques illégales? Après tout, les élèves qui y sont inscrits ne bénéficient-ils pas, aux dires d’une représentant de cette communauté, d’une forme d’éducation?
« Ça y est: le débat est reparti avec ses remarques vides et oiseuses. Je suis désolé de l’écrire. »
Hum… c’était pourtant une véritable question que je posais.
J’ai enseigné les mathématiques pendant 20 ans à l’éducation des adultes. J’ai reçu plusieurs centaines d’élèves extrêmement « maganés » par le système. J’estime à 90% le nombre d’élèves qui m’ont lancé des phrases du genre « Tu sais Gilles, j’ai jamais été bon en maths » ou encore « J’ai pas l’esprit mathématique » ou encore « on m’a toujours dit que j’étais poche ». Ces élèves, on les avait catégorisés comme des incapables d’apprendre des maths. Mon travail consistait à leur prouver le contraire. Oh ! je n’en ai pas fait des mathématiciens, il est vrai, mais la plupart ont réussi à modifier l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. Je fais partie de ces gens qui croient très très très fort qu’on peut apprendre à peu près n’importe quoi si on a
1) un bon coatch ou une certaine autodidaxie
2) du temps (et encore plus de temps pour ceux que vous catégoriseriez sans doute comme des « trop lents pour réussir un sec. V »).
Que ces personnes peuvent/veulent devenir des médecins, des astronautes ou des joueurs de hockey, franchement, j’en ai rien à foutre. Mon boulot était de leur montrer des maths, et, surtout de leur prouver que SI ELLES LE DÉSIRAIENT, elles pourraient peut-être en faire toute leur vie et réinvestir ces connaissances dans leur environnement.
Que vous associez tout ça avec la prise de présence en classe montre, à mon avis, que vous ne comprenez pas mon intervention : si on prend les présences, c’est pour assurer la sécurité des enfants qui sont sous notre garde et responsabilité. Cela n’a absolument aucun rapport avec la catégorisation des enfants.
Ceci dit, vous pouvez toujours considérer que mes remarques sont vides ou oiseuses, là encore, j’en ai rien à foutre, et je ne suis pas désolé de l’écrire.
M. Papineau, Gilles et vous seraient probablement sur la même longueur d’onde sur votre constat en matière de sous financement chronique… Il y a d’autres points sur lesquels vous vous entendriez peut-être aussi. Je crois que votre intervention #7 était malheureuse et pouvait contribuer à éloigner du débat. Celle de M. Péladeau avait le mérite de vous féliciter pour votre livre que je n’ai pas lu; j’espère que ce n’était pas parce qu’il incite à la révolte contre le MELS.
Le ministère a ses torts et les politiciens ont les leurs; mais là n’est pas la question. D’ailleurs, je connais assez Gilles pour savoir que sur ce point, il en aurait beaucoup à dire également 😉
Disons que je voudrais calmer le jeu un peu les amis…
Je tiens à ce que nous soyons capables d’échanger des points de vue divergents sans s’accuser de tous les maux pour autant. Il n’y avait rien d’oiseux et de vide dans le commentaire de Gilles. De l’autre côté, nous n’avons peut-être pas répondu à votre question M. Papineau…
Vous avez le droit de ne pas croire dans les idées fortes de la réforme. Vous pouvez penser que le MELS y met trop de ressources au détriment de secteurs où ces ressources serviraient mieux. Moi aussi, je trouve que les ressources manquent. Mais ce que Gilles rapporte concernant des jeunes que le système « a brisé » existe aussi. Le nivellement par le bas n’est pas la solution. Le coach ne peut être l’arbitre quand vient le temps de la course… C’est juste ça peut-être qu’on veut dire!
M. Asselin,
Vous me permettrez de préciser, et ce n’est pas méchant, que, dans plusieurs billets, M.Jobin a clairement manifesté qu’il ne voulait pas d’arbitre à l’école, qu’il ne veut pas être un arbitre dans ce lieu ou encore qu’il ne sait pas le genre d’arbitre qu’il faudrait y retrouver, s’il en faut un, bien sûr. Pour lui, et il l’a écrit à de nombreuses reprises, l’école n’a pas à effectuer un tri social.
Or, le rôle de l’école en est de normalisation. C’est triste, mais c’est une réalité. La prise de présence, l’enseignement dans une classe sont des normes et des contraintes. Je crois que M. Jobin n’a pas compris que je voulais indiquer, par ces propos, que ces modes de fonctionnement trie systématiquement les élèves et rejetent de façon insidieuse les jeunes qui n’adhèrent pas à ceux-ci.
Si j’apprécie les utopistes pour leurs vues stimulantes en général, j’ai cependant appris qu’en éducation, certains d’entre eux pavent allégrement le chemin vers l’enfer.
Pour ma part, j’assume très bien mon rôle d’enseignant et d’évaluateur normatif, si l’on peut dire. L’un n’empêche pas l’autre et l’autre n’empêche pas l’un. L’évaluation est le plus souvent possible au service des élèves et de leurs apprentisages et je ne me gêne pas pour les amener à réfléchir sur leurs pratiques et leur façon d’utiliser (ou non) leurs aptitudes, leur potentiel, leurs compétences sans pour autant avoir besoin de mesurer celles-ci.
À cet égard, la réforme actuelle a ceci d’insultant pour les enseignants que je suis qu’elle insinue que la façon dont j’enseigne est dépassée, archaïque, bref mauvaise. Mais qui peut s’ériger en arbitre pour établir un tel constat, je me le demande?
Je remarque enfin que le commentaire de M. Jobin n’est demeuré qu’au stade réactif et ne concerne qu’une seule phrase banale dans deux commentaires qui soulevaient différentes problématiques éducatives: incohérences, dérapages et improvisation de la réforme actuelle en évaluation, questionnements quant aux compétences transversales, constats inquiétants de la table de pilotage, mis à l’écart des enseignants sur celle-ci, rôle et pertinence de l’évaluation (comme vous l’avez souligné), désarroi et détresse des élèves …
Voilà bien des aspects qui méritent réflexion, vous en conviendrez. Pourtant, M. Jobin n’en a retenu qu’un seul en posant une question dont la réponse ne fait aucun doute pour lui. Dans un tel cas, il est plutôt difficile de discuter avec un croisé.
Quant au bouquin auquel j’ai collaboré, il dénonce allégrement l’hypocrisie de notre système d’éducation et, s’il incite à la révolte, ce n’est pas contre le MELS, mais contre la bêtise et le mensonge qu’on y retrouve souvent.
Pour ma part, j’enseigne le français au secondaire depuis 14 ans. J’accueille dans mes classes des élèves qui peinent à écrire leur propre langue maternelle alors qu’on leur a permis de passer d’une année à l’autre sans réellement tenir compte de leur véritable maîtrise de la langue. Certains, et je ne parlent pas d’exceptions, ne savent pas écrire les mots «Québécois» ou «professeur». Après dix années sur les bancs à leur faire croire qu’ils ont réussi, le constat est brutal. Ils sont prisonniers de leur manque de vocabulaire, ils ont une faible estime d’eux-mêmes alors qu’ils ont supposément réussi leur cours et ils savent bien qu’ils ont été dupés par un sytème qui vise la réussite à tout prix, au détriment d’apprentissages durables et véritables.
J’ai à coeur le bien-être des jeunes qui me sont confiés et mon engagement en enseignement dépasse largement celui d,un enseignant syndiqué. Seulement, après 14 années dans cet univers de mensonge, je ne peux me contenir devant certains raisonnements. Si M. Jobin a le mérite de travailler fort avec des jeunes que le système scolaire n’a pas eu la souplesse d’accueillir, il ne devrait pas pour autant rejeter ce dernier en bloc. La réalité du secteur jeunes est peut-être bien différente de l’aperçu qu’il en a eu du secteur adultes. Les enseignants qui y oeuvrent ne méprisent pas les jeunes et il faut avouer que certains d’entre eux blâment souvent l’école pour leur insuccès.
Sur ce, il est tard et je vous salue bien humblement.
Une petite question… à combien de répliques sur les répliques des répliques du présent billet atteindra-on le point Goldwin? 😉
J’imagine André que tu parles du « point Godwin », expression issue de la non moins fameuse « loi de Godwin ». Je crois que cette discussion a atteint ce niveau où « il est temps de clore le débat, dont il ne sortira plus rien de pertinent, pour repartir sur des bases saines. »
Merci d’attirer notre attention sur cette loi un peu farfelue qui semble se vérifier presque toujours dans les discussions qui s’éternisent ou qui dérape dans l’affectif.
En français, le point Godwin porte un nom encore plus amusant… le point Dieu gaga 🙂
Permettez-moi de relativiser: je ne parlerais pas du point de Goldwin dans le présent cas. Il conviendrait plutôt parler du point de Arcand. C’est un tout nouveau concept ou quelqu’un préfère se taire parce qu’on pose les vraies questions. : )
Sans rancune, mais j’estimais que des questionnements sur l’évaluation et d’autres aspects fondamentaux en éducation méritaient la peine d’en débattre. Seulement, certains donnent l’impression de «s’en foutre», de bros mots que j’évite soigneusement dans un débat civilisé d’idées.
Puisque la discussion reprend, permettez-moi de relativiser également l’expression « les vraies questions ».
Toutes les questions peuvent être soulevées et celles qui sont vraies le sont du point de vue de ceux qui les soulèvent. Sur le sujet de l’évaluation, je n’ai pas senti que les gens sur ce billet « s’en foutaient ». Nous n’avons pas « vidé » la question, soit, mais les intervenants ont avancé quelques points de vue, vous ne trouvez pas?
En passant M. Papineau, vous avez laissé entendre au commentaire #3 qu’une trop grosse somme d’argent avait été investie dans la réforme (« Tout l’argent que nous investissons dans ces réformes oiseuses auraient mieux servi autrement dans nos classes, croyez-moi. le réseau est en sous-financment constant, mais on se paie des réformettes à tous les dix ans. »)
Pourtant, dans un commentaire que vous venez juste de poster sur un autre blogue, vous écrivez « quand on fait une réforme aussi ambitieuse en n’y consacrant que si peu d’argent, pas étonnant qu’elle connaisse des ratés. »
Vous pourriez m’expliquer votre point de vue? Le MELS n’en met pas assez de sous ou il en a trop mis?
Monsieur Asselin, bien le bonsoir,
Puisque nous repartons le débat en espérant que quelqu’un de mal intentionné ne viendra pas parler de nazisme pour le clore (oups…), je répondrai à votre question, mais rappelerai tout d’abord mes aspects de réflexion. La politesse veut qu’on ne réponde pas à une question par une question, il me semble, et la meilleure façon de ne pas atteindre le point de Goldwin est bien sûr de recentrer le débat lorsqu’il s’éloigne de son propos. Nous parlions donc d’enseignement et d’évaluation, je crois. Pour ma part, j’aimerais bien dépasser le stade d’énoncer des points de vue… Nous ne sommes pas à TQS, que dianble!
– peut-on enseigner et évaluer (ou être le maudit arbitre) sans que l’un empêche l’un?
– tout école n’impose-t-elle pas des contraintes et n’effectue-t-elle pas un tri social quelle qu’elle soit?
– faut-il s’étonner des constats de la table de pilotage quant à l’évaluation notamment des compétences transversales, l’enseignement du français, etc.
– le désarroi et la détresse des élèves comme principal facteur de décrochage au Québec…
Maintenant, puisque vous semblez vouloir indiquer que certains de mes propos semblent contradictoires, je préciserai ceux-ci.
Pour ma part, la façon dont sont implantées les réformes en enseignement déstabilise le sytème et l’affaiblisse au lieu de le fortifier. On y consacre des sommes qui seraient bien plus utiles si elles étaient investies autrement. De plus, on sous-finance ces réformes qui constituent en quelque sorte une forme de gaspillage. Quand on investit pas suffisamment dans un projet dans lequel on croit, c’est de l’argent mal dépensé et gaspillé. D’ou le raisonnement pas assez pour les objectifs du projet visé et trop parce que ce dernier n’aura jamais le potentiel de se réaliser avec si peu. Bref, tant qu’à faire une réforme, mets-y de l’argent pour de vrai, sinon c’est purement du gaspillage.
Peux-tu reparler d’évaluation et de tri social maintenant?
J’ai blogué un brin sur le sujet de l’évaluation des apprentissages. Assez pour en avoir fait une catégorie de billets. J’ai aussi vécu beaucoup de discussions dans les écoles que j’ai fréquentées sur cet épineux sujet. Je crois qu’on peut enseigner et évaluer sans que l’un empêche l’autre à condition de choisir son camp. Ou on est « aide à l’apprentissage » par nos évaluations ou on favorise le tri. Je ne crois pas qu’on puisse faire les deux en même temps. J’ai un passé de coach sportif derrière la cravate et l’évaluation (pour aider à améliorer les performances) faisait partie de « mes dadas ». Je devais faire de la sélection aussi et j’ai vite appris qu’après m’être astreint à cette tâche (de sélectionner) en début d’année, il me fallait choisir mon camp pour rester signifiant. Par la suite, le tri se faisait par la compétition; l’autre équipe et l’arbitre étaient là pour trier et ça favorisait mes jeunes et mon rôle de coach… C’est ce que je pense. L’allégorie de Violaine Lemay (le perroquet et le pingouin) est probablement le document qui m’a le plus éclairé sur ce sujet de l’importance de choisir son camp.
Pour le reste, je dirais « oui, en quelque sorte » et « je ne comprends pas vos deux autres questions » au reste de votre intervention. Il est tard, je viens d’écrire un billet qui a été difficile à faire accoucher et je suis repu par la semaine que je viens de terminer… alors, vous aller me permettre de continuer cela un autre tantôt!
N.B. Merci pour l’explication donnée à ce que je percevais comme une contradiction. Je crois que vos explications se tiennent, même si j’aurais à redire de votre raisonnement… 😉
Malheureusement, le tri social existe à l’école et rattrapera tôt ou tard le jeune dans son cheminement scolaire ou au travail. La promotion automatique par le refus de l’évaluation sommative n’est qu’une façon de se cacher la tête dans le sable, de se déresponsabiliser en pelletant les problèmes vers l’avant. L’enseignant doit tout faire en son pouvoir lors de l’année scolaire pour permettre à tous les élèves d’apprendre, ce qui implique selon moi de faire travailler plus fort celui qui éprouve le plus de difficultés. À cet égard, les examens « traditionnels » sont de très bons outils pour faire un diagnostic précoce et pour identifier les élèves qui demanderont plus d’attention.
Cependant, une fois l’année scolaire ou la session terminée, il a la responsabilité de décider du cheminement de chacun de ses élèves. Il pourra envoyer certains élèves en récupération au cours de l’été, les faire admettre dans des programmes allégés, avoir recours au redoublement (ou à la « poursuite du cycle ») s’il est au primaire ou attribuer un échec dans son cours au secondaire et obliger l’élève à reprendre ce cours. En refusant de le faire, il nuit non seulement à cet élève, mais aux enseignants des niveaux supérieurs et à tous les autres élèves qui partageront les bancs de classe de ces élèves qui n’ont pas fait les apprentissages requis. Il est peut être dommage qu’il en soit ainsi, mais le refus d’un professeur d’exercer son devoir de tri entraîne nécessairement une détérioration du système d’enseignement en aval.
M. Asselin,
Puisque nous sommes dans le domaine de l’analogie, prenons l’exemple récent de Guy Carbonneau, du Canadien de Montréal. Au hockey, l’entraîneur accompagne les joueurs, mais il les évalue en leur attribuant un temps de glace. Il peut les clouer au banc comme les muter au sein du mythique premier trio… Si l’on pousse plus loin, c’est même ce pouvoir de déterminer le temps de glace qui confère à l’entraîneur son autorité devant des joueurs qui reçoivent un salaire parfois dix fois plus élevé que le sien. Bref, au hockey, l’entraîneur accompagne et évalue, sélectionne.
Le problème avec votre commentaire, c’est qu’au primaire, l’enseignant aide à l’évaluation mais est aussi celui qui évalue alors qu’il continue à aider. Peut-on parler d’évaluation juste et équitable si un enseignant aide ses élèves ou pratique la différenciation pédagogique? Ou est l’équipe adverse dans l’école primaire quand celui qui évalue accompagne et aide? Ou est l’autre équipe quand il n’y a que l’accompagnateur qui évalue et détermine?
À cet égard, je vous invite à lire la première partie de l’essai Le grand mensonge de l’éducation écrit par Luc Germain.
« Il pourra envoyer certains élèves en récupération au cours de l’été, les faire admettre dans des programmes allégés, avoir recours au redoublement (ou à la « poursuite du cycle ») s’il est au primaire ou attribuer un échec dans son cours au secondaire et obliger l’élève à reprendre ce cours. »
Je n’ai pas de problème avec cette responsabilité, au contraire. Je ne suis pas de ceux qui croient qu’il faut laisser les jeunes aller de l’avant coûte que coûte quand ils n’ont pas atteint les seuils de passage. Je crois que le directeur d’école doit s’impliquer dans ce genre de décision, mais là n’est pas la question, on s’entend.
Aussi, je n’ai pas de problème non plus avec le fait que du tri, il doit y en avoir. On n’aime jamais être celui qui n’est pas sélectionné ou celle qui ne fait pas l’équipe, mais se préparer à la vie implique de s’éduquer à la réalité de gagnant et de perdant.
Mon problème est qu’on demande à l’évaluation de faire les deux en même temps. On demande à un enseignant d’être le coach et l’arbitre. Ce n’est pas Guy Carbonneau qui donne les punitions que je sache…
L’enseignant doit évaluer, ça fait partie de son travail. Mais je crois qu’il doit le faire dans la perspective de favoriser les apprentissages. Comme quand il cloue sur le banc, comme quand il donne la tape dans le dos. Ce n’est pas ça trier.
Trier, c’est quand on force l’école à classer les jeunes par ordre décroissant en vue d’offrir les bons programmes qui mènent aux meilleurs avantages sociaux « aux meilleurs ». Trier, c’est ériger en système qui a le droit aux privilèges et qui n’y a pas droit.
Je crois qu’on doit choisir; ou faire un ou faire l’autre. Surtout pas de faire les deux en même temps. Il me semble en tant qu’enseignant que la position de celui qui tri devrait être occupée par l’arbitre et non le coach. Ce qui ne veut pas dire que pour aider, l’enseignant ne doivent pas recommander de reprendre, de récupérer, bref, d’exiger que le seuil soit atteint avant de faire passer à l’autre pallier.
En tant qu’enseignant et directeur, nous devons mettre nos culottes et appeler un chat un chat. Mais nous devons aussi éviter d’asseoir pour la vie un enfant dans une catégorie ou une autre. Il doit pouvoir y avoir du jeu, de la marge… surtout au primaire et au secondaire, au moment où se bâtit l’identité de chacun. Un bon coach est toujours exigeant, demande de l’effort et prend les mesures appropriées pour que son message passe. Mais il ne dépasse pas la limite qui crée le rejet et entraîne l’abandon et le décrochage.
Un des problèmes de l’analyse de Mme Lemay est qu’il repose sur certains postulats peu réalistes. La fonction pédagogique favorisant la réussite pour tous et la fonction de tri social ne s’opposent que dans la mesure ou l’enseignant réussi à faire acquérir à tous ses élèves les apprentissages nécessaires à la poursuite de leurs cheminements (ce qui est rarement le cas). La vraie pédagogie différenciée implique des démarches autant qualitativement que quantitativement différentes à l’intérieur de la classe (pour répondre aux différents besoins des élèves). Cependant, si les élèves n’arrivent pas à la fin de l’année au même niveau (ce qui est très majoritairement toujours le cas), alors la logique exige que le cheminement ultérieur soit également différencié pour tenir compte de ces différences qui subsistent. Autrement dit, pour reprendre l’argumentation de Mme Lemay, si la logique en cours d’année est régie en fonction de la règle des besoins de chacun, il devient contradictoire de permettre la promotion des élèves selon une autre règle, celle de l’égalité de traitement pour tous. Autrement dit, la pédagogie différenciée doit non seulement s’appliquer dans le microcosme de la classe, mais dans le cheminement des élèves dans l’ensemble du système scolaire. Ce que l’on a désigné jusqu’à présent comme une fonction de tri social pourrait en fait être désigné comme une fonction de différenciation pédagogique s’appliquant au cheminement entre cycles et niveaux d’enseignement.
Le malheureux tri social s’effectue de lui-même à cause de l’échec pédagogique faisant en sorte que beaucoup d’élèves cheminent d’année en année en accumulant des retards. Le ministère ou l’employeur n’a qu’à quantifier ces écarts entre élèves pour effectuer ce tri. Le refus par un enseignant d’évaluer les élèves et d’appliquer un principe de promotion différenciée facilite en fait le travail de tri social qui se fera plus tard. En faisant la promotion de tous ses élèves vers le niveau supérieur, l’enseignant achemine, souvent sans s’en rendre compte, ses élèves les plus faibles vers une exclusion certaine alors qu’il aurait été préférable de trouver une alternative pour que ces élèves arrivent en secondaire 5 avec une maîtrise plus importante des apprentissages de base qu’ils auraient dû faire. Un bel exemple d’effet pervers. En cherchant à éviter de faire du mal, on contribue à augmenter le problème que l’on tentait d’éviter au départ.
Pourrait-il en être autrement? Tout à fait. Un rare exemple de pédagogie réellement différenciée est le PSI de Keller (« personalised system of instruction »), une pédagogie de la maîtrise qui offre l’opportunité à chaque élève d’atteindre les objectifs d’un cours ou d’un programme (et d’obtenir un A), même si cette atteinte se fait à une vitesse différente pour chacun ou au prix d’efforts différents pour chacun. J’ai eu la chance d’avoir un professeur à l’université de Sherbrooke qui appliquait cette méthode et j’ai connu plusieurs personnes qui ont pratiqué cette approche. La pédagogie de la maîtrise de Bloom est un autre exemple de ce type d’approche. Ceux qui l’on appliqué ont souvent eu à constater cette opposition entre la fonction de tri social et d’apprentissage puisque l’administration scolaire s’opposait souvent à leur pratique qui aboutissait à l’attribution de A à toute une classe (bien mérité par ailleurs). Dans ce cas précis, il y a clairement une opposition entre les fonctions d’enseignement et de tri social. L’enseignant se trouve réellement devant la nécessité de faire un choix entre la fonction qui vise à favoriser les apprentissages et celle de tri social et il doit choisir son camp.
Malheureusement, tant que la pédagogie appliquée dans nos classes ne réussira pas à favoriser l’apprentissage pour tous, l’enseignant se verra obligé de pratiquer une « promotion différenciée » faut de quoi, il participera malgré lui à un tri social encore plus sévère et plus injuste.
Désolé d’être en verve ce matin…
Je comprends votre propos à l’effet qu’il faille éviter de catégoriser les enfants de façon permanente (j’évite le mot «stigmatiser» qui verse dans l’hyperbole) mais comment éviter alors qu’un élève, réforme ou pas, se retrouve en 5eme année du secondaire et ne sache pas distinguer un nom d’un verbe? ne sache pas écrire le mot «professeur» ou «québécois»? Et croyez bien ici qu’il ne s’agit pas d’exception?
Au fait, voici certains liens pour une description de ce qu’est le PSI de Keller (également connu sous le nom de Keller Plan).
http://www.nwlink.com/~donclark/hrd/history/psi.html
http://www.behavior.org/education/index.cfm?page=http%3A//www.behavior.org/education/education_personalized_instruction_psi_home.cfm
Voici un bel exemple à l’université du Manitoba d’application du PSI à partir d’applications Web:
http://home.cc.umanitoba.ca/~capsi/index.html
L’application du PSI serait-elle possible dans le cadre de la réforme de l’éducation au Québec. Même s’il s,agit d’une pédagogie différenciée, je répondrais: Impossible, à moins de remettre en questions plusieurs des postulats et principes de cette réforme.
Messieurs, mesdames,
Permettez-moi de m’immiscer quelques minutes dans vos débats passionnés pour vous faire part de mes réflexions, moi qui vous lit depuis des mois sur des listes de discussions comme edu-ressources, des lettres d’opinions dans les journaux, des émissions de télé, des dossiers comme celui de l’Actualité, et aussi, sur des blogues comme celui de Mario.
Disclaimer : je connais Mario Asselin, j’apprécie échanger avec lui et nous sommes même allé voir quelques spectacles ensemble. Cependant, il arrive que nous ne partageons pas le même avis sur un ou plusieurs sujets. Cela ne m’empêche pas pour autant de conserver mon sens critique face à ses propos et à l’individu lui-même.
Cela étant dit, je prends la parole ici en tant que citoyen et parent. Depuis toujours, j’ai un respect infini pour l’éducation et surtout, ceux qui y oeuvrent. J’ai toujours dit à mes enfants, « sauf événement exceptionnel (comme le lancer de la chaise derrière la tête), ne me demandez pas de prendre parti contre votre enseignant. » Oui, j’ai une admiration profonde pour ceux qui répondent encore à l’appel de la « vocation », surtout lorsque je constate que bien des parents (pas tous, heureusement) « placent » leurs enfants à l’école en demandant à l’enseignant de tout lui montrer en trois mois, de bien le préparer pour qu’à huit ans, il puisse faire son entrée dans une école secondaire de surdoués (concentration théâtre car c’est un artisse en plus mon chérubin), qu’il ne pète ni ne rote à table, qu’il soit poli en visite, bref, qu’il soit un panthéon de vertu et de savoir.
Messieurs, mesdames, je ne me considère pas comme un imbécile, toutefois, à vous lire, j’ai l’impression d’atterrir sur une autre planète où, Ô désespoir, on ne parle pas ma langue. Depuis que la réforme est réforme, qui, et je cherche encore, a tenté d’expliquer aux parents DANS UNE LANGUE CLAIRE quels étaient les enjeux de la réforme?
Jusqu’au jour où, dans un commentaire publié sur ce blogue, Mario m’a pris au mot et a lancé (avec avec plusieurs autres personnes)le site « Jasons réforme », je déplore que personne n’ait prit la peine de m’expliquer, moi monsieur Joe Parent, la réforme. Ni le MEQ, ni les professeurs, ni les penseurs, ni les syndicats, ni même les enculeurs de mouche et les titilleurs de la virgule mal placée, personne n’a pu (ou n’a voulu) m’expliquer la réforme. Et les amis-parents avec qui j’en discute me répondent tous la même chose : « la réforme, mais c’est de kossé? On ne comprend rien, et nous avons l’impression qu’on ne veut pas que l’on comprenne. »
Jasons réforme existe, soit. Mais, au risque de choquer Mario et ceux qui y ont travaillé, et malgré toute la bonne volonté qu’ils ont mis à vouloir publier une information neutre, il demeure que ce site a été conçu par des partisans de la réforme.
C’est pourquoi ici, en tant que parent, aussi comme citoyen, je vous lance un défi, messieurs et mesdames les spécialistes : les anti-réformes, pourriez-vous nous expliquer dans une langue claire, pourquoi il faut l’enterrer, cette réforme? Pourquoi pas un Jason réforme 2? De même, ceux qui sont pour la réforme, continuez de nous expliquer dans une langue claire pourquoi il faut persister à aller de l’avant.
J’irais même plus loin : que les deux clans réfléchissent avec une certaine objectivité (pas facile, je sais) aux arguments de l’autre. Tout est-il vraiment noir ET blanc? Vraiment? Car à vous lire, j’ai quelquefois l’impression d’entendre les arguments d’un certain président (Or you’re with us, or you’re against us).
À moins que les deux clans aient tout avantage (économique, politique) à se cantonner dans leur camp, au détriment des enfants. Car voyez-vous, dans tous ces débats, j’ai peu entendu ou lu ce mot : enfant. Oh si, il est bien présent, mais comme on parle d’un animal de laboratoire, un cobaye. Mais l’enfant humain qui n’attend que nous lui transmettions notre savoir, nos valeurs, nos espoirs en eux, il est ou dans ce débat? Je cherche, je cherche…
Il est ou l’enfant, dans vos propos?
Et aussi, qui donne des cours de novlangue aux parents?
Excellente question monsieur Dumais.
Je répondrais à cette question par une réponse fort simple comportant deux volets. Je crois refléter l’opinion de plusieurs anti-réforme en affirmant que:
1) Les principes mis de l’avant par la réforme ont été mis en place en espérant aider les élèves à mieux réussir, mais sans jamais que les promoteurs aient fait la démonstration de l’efficacité de ces mesures. Aucune étude, aucun projet pilote n’a démontré que les mesures amélioraient l’apprentissage chez les élèves. Autrement dit, nos enfants ont été les cobayes d’une expérimentation pédagogique.
2) Les études antérieures sur des mesures semblables et les effets que l’on a mesurés suite à l’implantation de cette réforme indiquent tous que les effets sur l’apprentissage des élèves sont négatifs. Autrement dit, les élèves se détériorent.
P.S. Je n’ai pas du tout abordé dans ma réponse la question de savoir « pourquoi la réforme fonctionne ou ne fonctionnement pas? » Je n’ai pas abordé non plus la question importante de savoir ce que l’on devrait faire à la place. C’est que cette question de l’efficacité des mesures mises en place m’apparaît comme nettement plus fondamentale et prioritaire.
Messieurs,
Puisque nous parlons d’évaluation, allons-y d’un exemple concret et vécu par des collègues afin d’illustrer mon propos aux yeux de nos nombreux lecteurs (monsieur Dumais, bienvenue parmi nous!)
Paul entre en première année du primaire. Avec la réforme, il travaille par projet, il travaille en équipe et il reçoit aussi de l’enseignement magistral. Quand vient le temps de l’évaluer, le prof peut lui donner des examens traditionnels, observer son comportment quand il travaille en classe et apprécier s’il utilise de bonnes stratégies, s’il s’y prend bien, s’il développe des compétences pour exécuter certaines tâches, etc.
Si Paul a de la difficulté, le prof peut lui accorder davantage d’aide, il peut aussi l’accompagner davantage dans les travaux ou examens ou encore modifier ceux-ci afin de les ajuster à son potentiel (il fait alors ce qu’on appelle de la différenciation pédagogique – bref, l’enseignant tient compte individuellement des 24 différents élèves de sa classe, si ce mot a encore un sens…).
Lors de bulletins en cours d’année, l’enseignant évalue (apprécie) l’élève Paul en se basant sur des critères précis et en utilisant des cotes (1,2,3 ou 4, par exemple). Il n’y a pas de comparaison avec les élèves du groupe, pas de moyenne, pas de notes formelles. Si Paul a des examens d’écriture, par exemple, certains critères de correction ne relèvent pas de calcul d’erreurs mais d’une appréciation professionnelle qui peut être variable selon l’enseignant (ex: l’élève emploie un vocabulaire peu varié – qu’est-ce que peu varié?)
Après une année de classe, Paul va automatiquement en deux année du primaire. Il poursuite son cycle. On veut lui donner la chance de continuer ses apprentissages avant de porter un jugement sur lui.
En deuxième année du primiare, Paul poursuit son parcours d’élève dans un environnemnt éducatif similaire à sa première. Seulement, à la fin de celle-ci, on établit un bilan de fin de cycle. Est-il prêt à aller en troisième année? On recourt donc une évaluation similaire à celle qu’il a connue pour y parvenir (travail par projet, par équipe, pédagogie différenciée, appréciation professionnelle, etc).
Si l’enseignant estime que Paul n’a pas les acquis nécessaires, l’enfant peut faire une année supplémentaire au premier cycle. Pour ce faire, l’enseignant doit démontrer à la direction que ce jeune ne peut aller en troisième année. S’il y arrive, l’élève passera une année supplémentaire en deuxième année, sinon il ira tout de go en troisième.
Voilà donc le parcours de petit Paul.
Au premier regard, tout cela semble beau et merveilleux. Le problème réside cependant dans l’évaluation et son application concrète sur le terrain, mais aussi dans qui évalue et comment. Bref, qui arbitre et avec quel livre de règlements?
Pour la part, le livre de règlement du MELS (les grilles de correction que nous devons appliquer pour évaluer un texte, par exemple) manque carrément de rigueur et d’exigence, réforme ou pas réforme. Un élève peut donc écrire un texte de 200 mots avec 200 fautes d’orthographe et réussir. Je n’exagère pas. C’est un fait.
Ensuite, l’aide qu’apporte l’enseignant alors qu’il doit évaluer l’évaluer l’élève pose problème. Dans les grilles au primaire, on tient compte de l’aide qu’apporte l’enseignant en disant: l’élève réussit avec quelques fois, parfois, à l’occasion ou peu d’aide. C’est clair?
Enfin, l’enseignant qui veut qu’un élève ne monte pas en troisième année doit affronter sa direction. Et le mot affronter est juste. On m’a raconté plusieurs cas ou, de guerre lasse, des enseignants ont promu en troisième année des élèves que la direction ne voulait pas voir doubler. Comme s’il y avait des quotas de réussite à respecter.
Le problème, c’est qu’un tel système (celui de la réforme) amène jusqu’en sixième année des élèves ayant des problèmes importants quant aux connaissances et aux compétences qu’ils devraient posséder.
Plusieurs signes semblent corroborer ce que plusieurs enseignants m’ont affirmé avoir constaté. Une étude du MELS a démontré qu’en français, les élèves maîtrisent moins bien leur langue maternelle à l’écrit. On ne peut donc pas parler d’hystérie collective de la part d’enseignants fêlés qui regrettent le bon vieux temps…
Mes collègues du secondaire m’ont également fait part de leurs impressions à l’effet que les jeunes arrivent du primaire avec moins de connaissances générales ou précises quant aux matières de base. Il s’agit d’une impression, pour l’instant. Toujours au secondaire, ils ont aussi remarqué que la culture de l’effort chez les élèves avait également diminué. À la fin de l’année dernière, j’ai discuté avec quelques élèves de première secondaire qui m’ont avoué se la couler douce parce qu’ils savaient qu’ils passeraient automatiquement en deuxième avec la réforme actuelle. Ils m’ont dit qu’ils se forceraient seulement quand ça compterait et, dans leur tête comme dans celle de bien des élèves, ça compte seulement quand il y a un vrai bulletin avec de vrais examens et de vrais notes. Je ne partage pas leur avis, je le rapporte.
Bref, pour ma part, M. Dumais et messieurs-dames qui lisez ceci, quand j’écris sur ce blogue ou que je me farcis un livre à même mon temps personnel (pour un cachet de 333$), ce n’est pas pour autre chose que de parler des élèves et de l’éducation qu’on leur donne. Je n’ai aucun avantage personnel dans ce débat (ni économique, ni politique, ni syndical) autre que de vouloir donner à mes élèves un enseignement de qualité. Mais pour ce faire, faut-il encore que le système me le permettre, ce qui est de moins en moins le cas.
J’ai vu des élèves pleurer en cinquième secondaire parce qu’ils ne savaient pas distinguer un nom d’un verbe, des élèves qui avaient pourtant réussir à se rendre jusque-là sans aucun problème. J’ai vu des anciens élèves pleurer parce qu’ils n’avaient pas l’emploi qu’ils désiraient parce que la qualité de leur français les empêchaient d’obtenir l’emploi dont ils rêvaient, des élèves avec des DES et des DEC… J’en ai vu pleurer assez, je crois, et leurs larmes me font encore rager parce que j’ai compris qu’on avait abusé d’eux et de leur intelligence.
Finalement, si certaines parties de ce texte ne semblent pas claires, je pourrai les préciser ou même vous inviter à me contacter personnellement. Mais j’aimerais bien qu’on comprenne que je suis un enseignant professionnel qui a à coeur les élèves, leur réussite et leur développement. Le reste, je n’en ai rien, mais «rien à foutre», comme dirait l’autre. La réforme, je m’en moquerais si l’évaluation qui l’accompagne n’était pas aussi bancale. Je ne dis pas qu’avant, c’était mieux. Mais tant qu’à réformer, j’aurais apprécié qu’on s’améliore côté rigueur et exigences.
Je terminerai en soulignant qu nous sommes rendus au 26e billets et que personne n’a employé le mot «nazi». Oups… : )
Nous touchons ici avec l’intervention de monsieur Papineau au « Pourquoi la réforme est inefficace? » Corrigez-moi si je me trompe, mais son intervention (et la thèse principale du livre dont il est co-auteur) porte essentiellement sur les nouvelles formes d’évaluation des apprentissages des élèves mises en place avec la réforme (évaluation en projet, porte-folios, compétences floues, évaluation subjective, etc.) qui constituent une véritable passoire.
Outre l’évaluation des élèves, l’autre problème majeur de la réforme touche les méthodes utilisées pour enseigner. Les promoteurs de la réforme on fait la promotion d’une utilisation plus grande de différentes stratégies, dont la pédagogie par projet, l’apprentissage par problème, les mises en situations complexes et les situations naturelles d’apprentissage. Comme le rôle de l’enseignant n’est plus d’enseigner ou de transmettre des connaissances, mais de guider les élèves dans leurs apprentissages, à travers différentes mises en situation, , ils ont également découragé l’utilisation ou diminué l’importance des exercices de mémorisation, de l’enseignement magistral, de l’enseignement explicite, de la pratique ciblée (en dehors d’une situation naturelle ou complexe).
Un enseignement structuré et gradué en niveaux de difficulté est aussi une approche incompatible avec la philosophie socioconstructiviste de la réforme. Le problème, c’est que ces méthodes que l’on dénonce et tente de remplacer sont, à l’exception des cours strictement magistraux, des méthodes efficaces, particulièrement pour les élèves qui éprouvent des difficultés. Par ailleurs, les méthodes dont on fait la promotion depuis plusieurs années sont des méthodes qui sont beaucoup moins efficaces, surtout pour les élèves les plus faibles. Seuls les meilleurs élèves réussissent à s’en sortir e à cheminer à travers ce type de méthode sans trop de difficultés.
Mais que sait-on au juste à propos de l’efficacité de ces méthodes?
1) L’examen exhaustif des résultats des recherches en psychologie et en éducation confirme l’inefficacité de ces nouvelles méthodes et l’efficacité supérieure de méthodes dénigrées par les promoteurs de la réforme.
2) Les réformes semblables faisant la promotion de ce type de méthodes en Suisse, en Belgique, en Norvège et aux États-Unis ont entraîné des baisses de rendement des élèves. Parmi ces études, le projet Follow-Through, la plus grande étude comparative des méthodes pédagogiques jamais réalisée (coût total de plus d’un demi-MILLIARD de dollars US, et ce, au début des années ’70). On y retrouve également l’évaluation de la réforme entreprise au Canton de Genève qui a directement inspirée les auteurs de la réforme au Québec et qui confirme l’inefficacité de cette approche pédagogique.
3) Au Québec, l’évaluation fait par la table de pilotage et dont le rapport a été publié à la fin du mois d’Aout, conclue en une baisse importante de la performance des élèves en Français écrit, en Sciences et en Maths (i.e. tous les tests comparatifs effectués). Plusieurs études au Québec confirment les difficultés plus grandes des élèves.
J’aime assez le ton des deux dernières interventions. Je ne dis pas que les autres sont de mauvais goût, mais elles me paraissent plus constructives bien qu’exprimant une opinion contraire à la mienne.
Dans sa description d’un cheminement « réforme », M. Papineau a fait la preuve qu’il ne parle pas des idées fortes du renouveau à travers son chapeau puisque le « parcours de petit Paul » est plausible. Merci de cette ouverture M. Papineau…
Si j’ai bien compris, c’est quand on regarde le volet de l’évaluation des apprentissages que le « beau et merveilleux » devient très ombragé. Les repères utilisés par les enseignants seraient trop flous pour pouvoir constituer une source empreinte de rigueur. C’est un commentaire critique et acceptable à mes yeux.
Je ne dis pas que c’est ce que je pense, mais je dois confirmer que plusieurs enseignants sont rendus là dans l’expression de leurs doléances actuelles. Après avoir cessé d’enseigner, pensant que c’était ce qu’il fallait faire (ou parce qu’on leur avait dit que c’était ce qu’il fallait faire?), ils semblent maintenant avoir compris que les nouvelles stratégies ajoutent à celles qu’ils avaient. Après avoir pensé que l’approche par compétence excluait le transfert de connaissances, la plupart des intervenants ont bougé sur ce point vers de meilleurs sentiments…
Reste l’évaluation. Les jeunes qu’a vu pleurer M. Papineau ne proviennent pas de cohortes qui ont vécu l’approche par compétence. Si on a abusé d’eux en amont, ça ne peut être « les affres » de la réforme qui soit en cause. D’autres problèmes, probablement plus sérieux expliquent ce phénomène et ce n’est pas d’hier que la qualité de l’enseignement du français au primaire et au secondaire est mise en cause.
« Ils m’ont dit qu’ils se forceraient seulement quand ça compterait ».
Je trouve dans cette phrase beaucoup de réconfort parce qu’avec les situations d’apprentissage et d’évaluation plus authentiques, les jeunes réalisent justement que « ça compte tout le temps ». Quand on travaille pour des notes, on ne « se force que quand ça compte ». Quand on apprend dans de vrais contextes, on voit immédiatement que la motivation des jeunes augmente et ils « se forcent » davantage parce que le travail fait du sens pour eux.
Reste à préciser les critères pour les rendre moins floues, prenant pour acquis que c’est le cas. Reste à confectionner les situations d’évaluation pour le bilan de fin de cycle rigoureuses et qui ne permettent pas qu’on puisse « écrire un texte de 200 mots avec 200 fautes d’orthographe et réussir. » Aucune réforme ne peut permettre qu’une telle chose existe.
Je reviendrai sur l’intervention de M. Péladeau, mais je tenais à dire que je ne doute pas du professionnalisme des enseignants qui, comme M. Papineau, entretiennent des doutes sur la pertinence de s’approprier les principes actuels du renouveau. Les gens professionnels s’investissent pour défendre leurs convictions. Prendre le temps de s’expliquer, saisir les occasions pour exprimer ses points de vue (fussent-ils diamétralement opposés des miens) ne me porte pas à penser que le professionnalisme soit en cause.
J’ai beaucoup plus de misère avec les gens qui font comme si ces débats n’avaient aucune importance. La majorité silencieuse m’inquiète bien plus que ceux qui acceptent de prendre du temps pour tenter de convaincre les autres de l’à propos de leurs idées.
Je reviens à l’intervention de Michel Dumais (en effleurant celle de M. Péladeau)…
J’imagine bien que les parents qui passent par ici puissent se sentir dépassés par notre jargon. Surtout par « ce cantonnage » qui ne révèle rien de bien positif pour les ENFANTS. En éducation, c’est bien connu, le temps qu’on prend pour s’obstiner, c’est du temps en moins pour s’occuper des ENFANTS. Mais disons que nous sommes comme de vieux couples ici… Nous sommes sur l’oreiller… Les ENFANTS dorment et nous essayons de profiter du peu de temps que nous avons pour régler nos différends, pour essayer de voir clair. Oui, le ton monte parfois. Oui, on a l’air de deux groupes en guerre au détriment de ceux qu’on veut servir. Mais papa et maman se sentent responsables, ce qui fait que personne ne veut céder de terrain à l’autre avant d’être convaincu…
Mais puisque les ENFANTS se sont réveillés à cause de nos cris, on va faire un peu plus attention!
En terminant, trois ou quatre idées autour des arguments qui motivent les craintes de plusieurs :
Les ENFANTS sont cobayes de gens qui ne savent pas où ils s’en vont. L’idée que des ENFANTS soient l’objet d’expériences est affreuse pour des parents. Le « spin » médiatique prête flanc à ce que cette période de grands changements soit néfaste à plusieurs jeunes. Autrement dit, parce qu’on vit une période où on doit prendre du temps pour s’informer, se former et remettre en question certaines de nos pratiques, on passe dans les écoles pour des gens qui « jouent » avec le succès scolaire des ENFANTS. Je crois que d’autres réalités sont bien plus dangereuses pour les ENFANTS que nos efforts d’appropriation d’une réforme scolaire. La pauvreté, avoir faim, les conflits syndicaux/patronaux, la violence, les gangs de rue, le divorce de ses parents, la maladie et toutes les formes de dépendances des gens avec qui ont vit (drogues, alcool, jeux, etc.) me semblent des facteurs à considérer. Nos expériences peuvent troubler certains jeunes, mais les gens doivent se rassurer; les enseignants du Québec sont des gens responsables qui continuent de bien enseigner, qui continuent de le faire dans le respect de leurs convictions, même s’ils doivent les remettre en question un peu plus ces temps-ci.
Les nouvelles méthodes proposées aux ENFANTS pour apprendre sont basées sur le jeu, demandent peu d’effort, ne font pas apprendre de connaissance et ne vont produire rien de bon. En plus, des chercheurs n’arrêtent pas de dire que les théories en arrière de ces méthodes (dont le socio macin-machin) sont dépassées. Ce n’est pas parce qu’on veut que les jeunes soient plus actifs pendant qu’ils apprennent, qu’ils soient plus motivés qu’on ne leur demande pas de gros efforts et qu’on fait leurs quatre volontés dans la classe. Bien sûr, certains efforts passent plus inaperçus des jeunes parce que le temps passe vite en classe quand on est actif. Aussi, vouloir faire aimer l’école dans la période qu’on traverse, il me semble que ça peut se concilier avec la rigueur et le bon sens. Quant aux chercheurs, il faut lire ce qu’ils écrivent, il faut chercher à tenir compte de leurs recherches, mais il y a aussi d’autres recherches qui font moins de bruit dans les médias et qui valident le socio « machin-machin ». Aussi, de grands noms comme Piaget, Meirieu et Freinet (pour ne nommer que ceux-là) passent pour des « deux de pique » aux yeux de ces mêmes chercheurs ce qui me laisse voir un biais énorme dans le regard porté sur le travail de recherche. Les universitaires sont des gens responsables, mais les facultés d’éducation d’une université à l’autre, ne s’entendent pas sur ce qui est prouvé scientifiquement et ce qui reste à prouver. Ces guerres de chapelle causent beaucoup de bruit et il est important de faire des efforts pour suivre ces débats; néanmoins, l’observation en classe par les enseignants et les directions d’école n’est pas à sous-estimer non plus. Enfin, les nouvelles méthodes ne remplacent pas les anciennes. Elles s’additionnent aux anciennes qui continuent d’être utilisées. Il est positif de voir que les chercheurs-détracteurs de la réforme commencent à l’admettre. Pourquoi ont-ils pris autant de temps à le dire et souvent du bout des lèvres? Pourquoi ont-ils peine à reconnaître que les méthodes qui ont fait leurs preuves avec CERTAINS ENFANTS ne rejoignent pas l’ensemble des ENFANTS et pas à 100% du temps. Quelle est leur réponse devant l’ENFANT qui ne comprend pas ? Trop souvent c’est « de plus fortes doses de la même affaire ». Des gens cherchent des réponses ailleurs; est-ce qu’on peut permettre qu’ils fassent l’objet d’autant de sarcasmes parce qu’ils suivent d’autres pistes, surtout que bien de ces nouvelles méthodes ne soient pas si nouvelles que cela…
Les bulletins à « bonhomme sourire » et les évaluations qui ne nous disent pas ce que nos ENFANTS ont appris sont la preuve que la réforme est toute croche. Pendant longtemps, on a été habitué à un système qui « parlait » aux parents. C’était injuste pour tous ceux qui étaient en bas de la moyenne, mais comme ça faisait l’affaire de beaucoup de monde et que c’était l’ordre établi, on rencontre de la difficulté à avancer. En plus, il faut admettre qu’un manque d’information épouvantable, une vision « pas claire du tout » d’où on s’en va et un manque de leadership politique (aucun ministre depuis Mme Marois s’est investi à parler de la réforme et M. Fournier commence à peine à le faire) explique que la question de l’évaluation soit devenue le talon d’Achille apparent du renouveau. Même si on ne peut qu’être d’accord avec le principe d’une évaluation des apprentissages rigoureuse qui ne soit pas une passoire, on doit questionner nos pratiques actuelles qui ont semé beaucoup de décrochage et brisé énormément de cheminement scolaire et de vie.
Monsieur Asselin avait annoncé qu’il reviendrait répondre à mes objections. Je vois qu’il évite d’aborder directement mes objections.
Nos enfants sont-ils des cobayes? Ma réponse. Oui, les changements proposés n’ont jamais été testés par ces gens et ils ne sont pas non plus en mesure d’identifier des études démontrant l’efficacité de ces changements. La réponse de monsieur Asselin ne réfute nullement cette proposition. Il se contente de nous dire: faisons confiance aux enseignants. Existe-t-il des études qui démontrent l’efficacité des mesures mises en place Monsieur Asselin?
Dans le but d’éviter de répondre directement à cette question, Monsieur Asselin évoque par la suite une certaine confusion dans le discours des experts et des universitaires sur ce qui est prouvé scientifiquement ou non. Il faut cependant savoir que dans les facultés d’éducation, on y retrouve non seulement des chercheurs, mais également des praticiens, des théoriciens et idéologues peu familiers avec la méthodologie de la recherche et qui s’intéressent très peu aux résultats des études scientifiques de leur domaine. On peut dire que les principes de la recherche scientifique sont acceptés part la grande majorité des chercheurs dans les domaines de la biologie, de la physique, de la chimie, de l’ingénierie, mais ce n’est pas du tout le cas dans plusieurs sciences sociales et humaines. Les gens des « sciences » de l’éducation sont particulièrement rébarbatifs à la démarche scientifique et lorsqu’on regarde les affrontements, on constatera qu’il y a souvent d’un côté des gens qui évoquent des études scientifiques et de l’autre, des gens qui n’évoquent jamais de telles études, mais s’appuient plutôt sur des raisonnements logiques, des croyances ou des idées à la mode. Cela caractérise d’ailleurs tout à fait le débat entourant la réforme. Nous avons apporté en preuve une quantité considérable d’études scientifiques, recensions et méta-analyses démontrant le caractère néfaste des approches mises de l’avant par la réforme. Nous avons invité à de nombreuses reprises les experts favorables à cette réforme d’identifier des études supportant leurs propositions de changement ou en mesure de contredire les études que nos avons identifiées. Ils ont toujours refusé ou été dans l’impossibilité de le faire. Nous ne sommes donc pas devant deux grandes piles d’études dont les conclusions se contredisent. Nous avons plutôt d’un côté, des milliers d’études qui concordent pour appuyer la thèse que la réforme devrait entraîner des effets négatifs chez les élèves et de l’autre côté, absolument aucune étude comparable. Pire, depuis le début de la réforme, toutes les études entreprises par les gens favorables celle-ci ont documenté ces effets négatifs et j’inclus bien sur l’étude commandée par le gouvernement et réalisée par la table de pilotage du renouveau pédagogique.
J’exagère, vous croyez? Même le conseil supérieur de l’éducation admet le fait que cette réforme est sans fondement scientifique. Comme on pouvait le lire dans le rapport publié en 2002 « L’implantation du cycle d’apprentissage dans une école de milieu à faible revenu: conditions et promesses »:
« En somme, c’est beaucoup plus une philosophie qu’une démonstration scientifique rigoureuse accompagnant ce modèle scolaire et plaçant l’enfant au centre des apprentissages, qui nous permet de comprendre l’engouement dont il fait l’objet » (p.9)
Non seulement le Conseil Supérieur de l’Éducation admet-il l’absence de démonstration scientifique, mais évoque également, au moyen d’un incroyable euphémisme, le fait que les données des recherches scientifiques sont défavorables aux approches centrées sur l’enfant mis de l’avant par la réforme. On peut lire à la page 36 de ce document:
« Dans l’état actuel des connaissances, tous les modèles de classes autres que la classe traditionnelle […] ont un rapport fragile avec l’efficacité des apprentissages »
Hum! « … un rapport fragile avec l’efficacité des apprentissages ».
Non mais avouez qu’il s’agit d’une jolie formule pour nous dire que les effets observés sur les élèves sont essentiellement négatifs.
Malheureusement, ni monsieur Asselin, ni le ministre Forget, ni les membres de la table de pilotage ne sont en mesure de répondre à l’objection principale soulevée par plusieurs opposants selon laquelle « La réforme est dénuée de tout fondement scientifique ». Ils ne peuvent pas non plus réfuter les nombreuses sources de données qui confirment que ce type de changement a des effets négatifs.
À 15 h 05, dimanche P.M. (au commentaire #28) je déclare « Je reviendrai sur l’intervention de M. Péladeau ». Depuis vendredi soir, il y eu trente-cinq commentaires sur mon blogue et je considère avoir assez bien suivi la discussion.
À 16 h 11, j’ai terminé la rédaction du commentaire #29 dans lequel je déclare « Je reviens à l’intervention de Michel Dumais (en effleurant celle de M. Péladeau) ». J’ai bien écrit « effleuré ». Bon… on peut toujours penser que cet effleurement constitue le « retour » que j’annonçais, mais bon… je constate que ma marge de manoeuvre est très petite.
À 19 h 03, M. Péladeau poste son intervention (le commentaire #28); j’imagine qu’il a dû commencer à écrire vers 18 h 45. Je viens de terminer le repas du dimanche soir, en famille, et je prends connaissance de la litanie de reproches du chercheur à 19 15… Ouf!
Il est 19 h 20 et je débute une courte réponse. J’avais pensé revenir au commentaire #27 après avoir répondu au commentaire #23 (celui de Michel que je ne voulais pas laisser sans réponse de ma part); je me suis dit que je méritais de manger en famille 😉
Bref, vous avez la mèche courte mon cher Monsieur Péladeau…
Existe-t-il des études…? Vous êtes un spécialiste de ce domaine M. Péladeau. Vous savez mieux que moi ce qui existe en terme d’étude, votre champ d’expertise est à ce niveau. Sur la liste Édu-ressource, M. Larose a pris le temps de citer les résultats d’une étude du Centre de recherche sur l’intervention éducative dont le lien figure dans le corps principal ce billet et vous êtes intervenu à plusieurs reprises pour en dénaturer l’interprétation comme vous le faites souvent avec les recherches qui ne donnent pas les résultats que vous escomptez. Serge Pouts-Lajus a pris le temps d’analyser vos conclusions sur Follow Through et est arrivé à la conclusion que vos preuves étaient de « fausses preuves sur la supposée supériorité de « l’enseignement explicite ». Mais ce monsieur est un fumiste, bien entendu.
Je ne suis pas de votre niveau sur ce point M. Péladeau, car votre expertise en recherche contredira toujours la mienne de praticien. Pourtant, vous avez fait soixante-dix-huit commentaires sur ce blogue depuis mars 2004. Vous avez tout l’espace souhaité ici pour faire valoir vos arguments et en même temps, vous ne trouvez jamais rien de positif dans le discours que je tiens. Si mes propos sont aussi insignifiants que vous le laisser entendre, pourquoi accordez-vous autant d’importance à mon travail?
Vous dites que l’objection principale soulevée par plusieurs opposants est que « la réforme est dénuée de tout fondement scientifique ». Vous faites preuve de tellement de bonne foi quand vous dites cela. Vous revenez aux arguments de 2004 à l’effet que la seule pédagogie du projet était tolérée dans la réforme. Votre position réside seulement dans le fait vous êtes allergique à tout moyen de faire apprendre autre que l’enseignement explicite M.Peladeau. Vous n’en avez rien à foutre de la réforme. Vos attaques contre le socio-constructivisme équivalent à dire que Piaget n’a jamais rien fait de scientifiquement valable. Il suffit que je m’absente de mon blogue quelques minutes et vous criez à l’injustice : « Il ne m’a pas répondu à moi m’sieur ».
Le ministre Forget vous fait dire d’aller prendre une pause M. Péladeau…
N.B. Je poste. Il est 19 h 49.
Je propose que nous allions tous prendre un pause, le temps de laisser nos claviers en paix avant que quelqu’un écrive le mot «nazi» et qu’il faille clore ce débat parfois viril…
Il est 22h10. Juste au cas… : )
Je suis bien d’accord pour dire que la discussion a fortement dérapé. J’aimerais bien cependant, que monsieur Assellin justifie ses accusations à mon endroit lorsqu’il affirme à propos de l’étude de Monsieur Larose:
« vous êtes intervenu à plusieurs reprises pour en dénaturer l’interprétation comme vous le faites souvent avec les recherches qui ne donnent pas les résultats que vous escomptez. »
Pouvez-vous me me dire exactement ce qui dans l’étude de monsieur Larose aurait pu me déplaire et quel élément de cette étude j’ai tenté de dénaturer?
Vous dites même « comme vous le faites souvent ». Pouvez-vous identifier parmi mes soixante-dix-huit interventions sur votre blogue (vraisembablement trop nombreuses à votre goût) ou sur edu-ressources une seule intervention de ma part où j’ai agi de la sorte? Pouvez-vous me nommer une seule étude mentionnée sur ces forums qui n’aurait pas donné les résultats que j’escomptais?
Relisez cette intervention dans laquelle vous tentez d’induire que M. Larose n’a rien prouvé finalement, alors que sur celle-ci, M. Larose est obligé de recadrer les interprétations de membres de votre confrèrie pour finalement écrire : « Mes conclusions actuelles c’est que tout dispositif pédagogique, comme les dispositifs instrumentaux d’ailleurs, utilisé à bon escient et de façon complémentaire plutôt qu’exclusive, peut produire de bons résultats au plan du soutien à l’apprentissage. »
La question n’était pas de se demander si vous interveniez trop souvent, elle était de savoir pourquoi vous accordez autant d’importance à mon travail, dans les circonstances. Si vous venez commenter autant, c’est qu’il doit bien y avoir un motif?
Mais ces deux interventions que vous mentionnez ne se rapportent aucunement à l’étude de monsieur Larose, mais à une prise de position qu’il a fait sur Edu-Ressources. Steve Bissonnette avait évoqué une étude faite au Québec qui démontrait que la pédagogie par projet était inefficace. Ce à quoi monsieur Larose répondait en disant que, selon lui, il y avait du bon dans tout. (voir à ce sujet le premier commentaire de Monsieur Papineau). J’ai critiqué cette position, qui était, et qui demeure selon moi sans fondement. Mais je n’ai jamais remis en cause les résultats de son étude ou les conclusions de celle-ci qui ne permettent pas d’appuyer ou d’infirmer une telle affirmation. Je n’ai pas critiqué l’étude, j’ai critiqué une opinion exprimée par son auteur au cours d’un échange sur Edu-ressources . Ce n’est tout de même pas la même chose, non?
En quoi ai-je dénaturé les conclusions de son étude? Parce ce que c’est précisément l’accusation que vous faites. Avez-vous une autre preuve à fournir pour appuyer cette accusation selon laquelle j’aurais fait une telle chose par le passé?
Je ne poursuivrai pas cette conversation dans les prochaines minutes M. Péladeau. J’y reviendrai peut-être dans les prochains jours.
Je vais apporter une autre preuve, vous allez dire que ça n’a rien à voir et je vais passer la journée à répondre alors que j’ai beaucoup mieux à faire pour occuper mon temps. Je retiens de notre échange que vous vous vous percevez comme quelqu’un qui accepte les conclusions d’études qui ne vont pas dans le sens de dire qu’en dehors de l’enseignement explicite il n’y a rien de valable… C’est correct. On ne passera pas notre temps à s’accuser mutuellement de choses et d’autres. Vous avez mieux à faire moi aussi. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous tenez à tapisser mon blogue de vos propos si ce que je dis fait aussi peu de sens à vos yeux. Vous dites que je fais de la novlangue; je dis que vous êtes de mauvaise foi. Ça fait quelques répliques qu’on se dit que cette conversation devrait se terminer. Voilà ce qui devrait être mon dernier mot pour un petit bout.
Nous participons tous deux à un débat sur la place publique. J’interviens dans les journaux, sur les listes publiques, sur les blogues pour des raisons sans doute très semblables aux raisons qui motivent vos propres interventions sur votre blogue, sur la liste edu-ressources et dans les médias. Nous agissons tous deux avec la certitude de défendre les intérêts des enfants. Cependant, nous sommes tous les deux dans des camps diamétralement opposés. Ni vous ni moi n’avons à nous justifier pour le faire. Votre blogue est devenu, par la force des choses, un espace public de discussion sur cette réforme. J’interviens lorsque je sens le devoir de rectifier certains propos ou lorsque l’on m’interpelle directement ou indirectement comme dans le cas bien précis de cet échange. Le titre au haut de la page ne fait-il pas référence à des propos que j’ai moi-même tenus? Ceci dit, je me sentais également justifié de répondre à monsieur Dumais qui désirait savoir ce que les gens avaient à reprocher à cette réforme.
M. Péladeau, TLM
Vous affirmez dans le billet #30 :
« Nous avons plutôt d’un côté, des milliers d’études qui concordent pour appuyer la thèse que la réforme devrait entraîner des effets négatifs chez les élèves et de l’autre côté, absolument aucune étude comparable. »
Où sont (donc) ces MILLIERS d’études ?
Noms, auteurs, dates de publication ?
Vous pourriez (socio-)construire
un joli site Web pour nous les répertorier
et ainsi mettre en oeuvre quelques compétences transversales !?
Quel ch@rmant projet !
Par ailleurs, s’il existe, existait, des milliers de ces études concordantes qui cherchent à démontrer que quelque chose DEVRAIT arriver, donc dans le futur, est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi on s’acharneait à démontrer encore et encore, voire des milliers de fois, que quelque chose POURRAIT X se passer ?
@ +
Et non, je n’exagère pas du tout! J’ai bien dit des milliers. Vous vous doutez bien cependant qu’il serait très fastidieux pour moi de compiler la liste de chacune de ces études. Ce serait tout à fait possible, mais fort long. Cependant, toutes ces études sont répertoriées dans un nombre plus limité d’articles ou d’ouvrages où les auteurs ont faire soit une méta-analyse, soit une recension systématique des études sur un sujet précis. Je pourrais vous fournir une liste de certaines de ces méta-analyses si vous le désirez (Par exemple, les méta-analyses de Giacomia et Hedges (1983) portant sur 153 études mesurant l’efficacité du Open Classsroom ou celle de Peterson (1980) comportant 45 études sur cette même question, les centaines d’études répertoriées par Chall ou par le National Reading Panel qui ont porté sur l’évaluation de l’efficacité du Whole Language). Désirez-vous plutôt une méta-analyse sur les effets de la pédagogie de la découverte? Je pourrais sans doute assez facilement vous fournir la liste d’une cinquantaine de ces méta-analyses rapportant des données démontrant soit l’inefficacité de pédagogies « dites centrées sur l’élève » soit l’efficacité de pédagogies « centrés sur l’enseignement ». Vous n’aurez alors qu’à regarder la liste des études mentionnées à la fin de ces ouvrages. D’ailleurs, une de ces méta-analyses se trouve mentionnée dans le rapport de la table de pilotage (Borman et al., 2003) et porte sur l’évaluation de réformes importantes de l’éducation avec plus de 232 réformes répertoriées. Le ministère de l’Éducation aurait eu grandement intérêt à lire attentivement cette méta-analyse des réformes scolaires puisque les réformes les plus efficaces semblent bien loin de ce que l’on a entrepris ici au Québec.
Pour le deuxième volet de votre question, la réponse est fort simple. Premièrement parce qu’en éducation, les données de recherches ont une influence très faible sur les gens qui prennent les décisions, les ministres de l’Éducation, les administrateurs scolaires, les directeurs d’école. Par ailleurs, ces données n’ont pas toutes porté sur exactement les mêmes aspects. Certaines ont étudié les effets du whole language, d’autres ont porté sur le discovery learning, sur le problem-based learning, le situated learning, la pédagogie par projet, le open-education, et ainsi de suite. Jeanne Chall, dans son livre « The Academic Achivement Challenge: What really works in the classroom » publié en 2000 résume fort bien l’ensemble de cette littérature.
Messieurs,
Bon, maintenant que le débat s’est quelque peu calmé, revenons au quotidien de l’enseignant quelques instants.
M. Asselin, vous souvenez-vous de mon exemple de petit Paul? On parlait d’évaluation terre-à-terre
Avez-vous déjà regardé et analysé une grille de correction de production écrite au primaire ou au secondaire? Déjà, avant la réforme, celles-ci étaient laxistes. On a maintenant l’impression que les choses ont légèrement empiré, si l’on peut dire. De même, pour les bulletins et le non-redoublement. Voilà des éléments qui tuent la réforme.
Qu,en pensez-vous?
Nous avons discuté sur le sujet dans de nombreuses réparties ci-haut et je vais essayer de ne pas me répéter et surtout, d’être bref. Les grilles de correction ne sont que des outils et, à ce stade-ci, elles sont perfectibles, bien entendu. Au primaire, lorsque les premières grilles sont apparues, les profs ont eu beaucoup à faire pour les améliorer dans la perspective de pouvoir situer les élèves dans les échelles de niveau de compétences. Pour la question du bulletin, je me suis exprimé là-dessus. L’outil de transmission des résultats doit faire du sens pour les parents, c’est tout. Je ne crois pas au non-redoublement systématique; ça aussi je l’ai dit plus haut.
La question de l’évaluation canalise une bonne partie de la grogne certes, mais ce sujet a toujours été névralgique. Je souhaite que les prochains mois permettent de trouver des solutions constructives. Dans l’école que je dirigeais, nous avons continué d’évaluer les connaissances et notre cheminement sur la question de l’évaluation des compétences (en tant que communauté) était source de nombreuses discussions entre les parents et les enseignants. Beaucoup de décisions venaient des équipes-cycle et en ce sens, il faut d’abord regrouper les profs, avant de pouvoir arriver à une position solidaire. Souvent, on doit partir de là et ce n’est pas une mince tâche de faire en sorte que tous les enseignants soient sur la même longueur d’onde. C’est plus facile attendre que les directives viennent d’en haut parce qu’on peut blâmer ceux qui les ont prises de leur inconvenance. Le renouveau a le mérite (me semble-t-il) de donner plus de pouvoir aux gens près de l’action et ce nouveau rapport avec le travail en équipe de profs demande que les gens se donnent du temps de qualité (autre que le soir après l’école ou le samedi matin) pour travailler ensemble. Au secondaire, ce sera plus lent et plus difficile, parce que plusieurs travaillent ailleurs qu’à l’école entre les cours. Au primaire, les profs entrent à l’école le matin et sortent en fin de P.M. On va devoir se donner beaucoup de temps et chercher des solutions originales et efficaces pour se donner des pratiques d’évaluation intégrées et collectives et le moins possible morcelées.
Il y a loin de la coupe aux lèvres, j’en conviens. Mais construire ça avec les enseignants est un beau défi. Pendant ce temps-là, il n’y a rien qui nous empêche de faire comme avant pendant un petit bout de temps et introduire petit à petit, quelques évaluations de compétences. Nous n’avons pas tout chambardé nos pratiques en évaluation dans les deux premières années d’école ciblée et ça nous a bien servi. Mais bon, je peux imaginer d’autres modèles que celui que nous avons privilégié.
M. Asselin,
je vais faire une petite recherche de quelques jours et je reviendrai avec des exemples très concrets d’évaluation en français.
Je souligne que la revue Virage parle d’évaluation en indiquant que le tout devrait être fini au secondaire, je crois n 2012… je reviendrai là-dessus aussi.
Monsieur Asselin, bon matin!
Tiens, allons-y tout d’abord avec le dernier numéro de Virage (que mes collègues surnomment «Dérapage», mais bon…).
Dans ce numéro, on parle de l’importance de la communication. Je mets ce thème en paralèlle pour bien montrer le double langage du MELS. Les bulletins ne sont pas clairs, les informations sur le renouveau descendent dans les écoles au compte-gouttes, mais le MESL parle de l’importance de bien communiquer. Cherchez l’erreur et demandez-vous pourquoi plusieurs profs sont devenus si cyniques quant à la réforme.
Enfin, venons-en au propos principal de ce billet, M. Asselin, soit l’évaluation.
Mme Roux-Dolan, directrice de la formation des jeunes, indique que «les travaux visant à élaborer des prototypes d’épreuves et des situations d’évaluation pour le primaire et le secondaire sont toujours en cours. Des productions devraient être rendues accessibles jusqu’en 2012, au fur et à mesure de leur élaboration.» 2012? Je sens que je vais me faire «rusher» comme d’habitude en cinquième secondaire avec le MELS qui va m’arrive avec son évaluation de fin d’année en milieu d’année. La routine habituelle, quoi! Après tout, mes collègues de deuxième secondaire attendent encore de voir à quoi va ressembler le bulletin de deuxième…
Le plus ironique, c’est que, quelques pages plus loin, on parle de l’expérience d’une école ciblées ou l’on a tenté d’appliquer la réforme. Dans ce texte, je lis: «…du temps doit être accordé aux enseignats afin qu’ils puissent se rencontrer et bâtir des situations d’apprentissage. Il est aussi plus facile d’implanter le Programme quand les groupes ne sont pas trop nombreux.» Là, je m’étouffe. Du temps? Des groupes moins nombreux? Mais dans quel monde vis-je? Il me semble que je connais actuellement le contraire dans ma pratique quotidienne. J’ai des groupes remplis au maximum et un horaire débilement rempli et contrôlé à la minute par ma CS.
Sans connaître l’avenir, je crois savoir déjà ce qui va m’arriver: en milieu d’année 2009-2010, le renouveau va vraiment arriver dans mes classes et je vais devoir tout faire et tout ajuster en catastrophe. Mes groupes vont être encore rempli à 32 élèves et on va me dire: «La réforme a été pensée et conçue. C’est bon. C’est planifiée. On sait clairment ou l’on va, même si on l’a reportée de deux ans et que tout a l’air d’être garroché.» Et surtout, on va me demander de faire de l’évaluation de compétences, de poser un jugement sur des élèves dans un tel contexte. Professionnel comme démarche, dites-vous? Pour ma part, je ne crois pas que cette façon de procéder et d’évaluer sera très juste et pertinente. Mais il ne faut pas s’en faire: mes élèves de 2009 auront été habitués à être «barouettés».
Dans un prochain commentaire, je reviendrai cette fois sur les évaluations en français et de façon très pointue. Vous verrez qu’on peut savoir ne pas écrire le mot «professeur» en cinquième secondaire et obtenir un DES sans problème.
Monsieur Papineau,
Ne connaissant pas votre courriel et ne sachant pas si vous étiez abonné à Edu-ressources, j’ose utilise ce blog pour vous envoyer un message personnel. Je pensais que vous seriez intéressé à lire ma dernière analyse de la section 4.2 de la table de pilotage, que j’ai soumise à Edu-ressources.
http://rtsq.qc.ca/listes/archives.php?f=5377&liste=edu-ressources
En fait, alors que pour les « pro-réformes » nous sommes sans doute considérés comme étant tous deux du même côté de la tranchée, j’en suis arrivé à la conclusion que la thèse de votre livre pourrait bien constituer la plus sérieuse menace à ma propre position. Je suis prêt à admettre aujourd’hui l’existence d’une hypothèse alternative sérieuse à mes propres hypothèses. Il est cependant ironique de penser qu’aucun de nos adversaires communs n’osera profiter de cette faille dans mon argumentation puisque les deux thèses qui s’affrontent soutiennent que la réforme est néfaste, mais pour des raisons différente. Votre thèse souligne les failles dans l’évaluation des apprentissages alors que je m’en prends personnellement beaucoup plus directement aux méthodes d’enseignement (l’évaluation est également une de mes préoccupations, mais il s’agissait, jusqu’à maintenant pour moi, d’un facteur plus secondaire).
Mais il est peut-être trop idéaliste pour moi de penser qu’un tel aveu public de faiblesse ne sera pas utilisé contre moi par des gens en manque d’arguments solides. L’avenir le dira.