Québec redonne des missionnaires

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

Le cardinal Lacroix (archevêque métropolitain de Québec) entreprend une nouvelle mission suite à son passage au Vatican où il était ces derniers jours pour célébrer une messe d’Action de grâces au Saint-Siège en l’honneur de Marie de l’Incarnation et François de Laval, déclarés saints le 3 avril dernier.

Sa mission – qu’il semble bien avoir acceptée : « Que le Québec redevienne cette source de bons et saints missionnaires» (source).

Il faut dire que le Québec (et la Ville de Québec en particulier) a fourni de nombreux missionnaires au temps où dans chaque famille québécoise composée de nombreux enfants dans les années d’après-guerre, il «se devait d’y avoir» au moins un prêtre ou une soeur. Plusieurs d’entre eux ont choisi d’entrer dans une des nombreuses congrégations de missionnaires. En canonisant deux éducateurs convaincus venus au Québec au 17e siècle pour participer à la fondation de la Nouvelle-France, le Pape François espère peut-être simplement un «juste retour» des choses pour son Église…

«Prions le Seigneur pour que le Québec revienne sur cette route de la fécondité, de donner au monde tant de missionnaires. Et ces deux-là qui ont – pour ainsi dire – fondé l’Eglise du Québec, qu’ils nous aident comme intercesseurs, que la graine qu’ils ont semée pousse et donne du fruit avec de nouveaux hommes et femmes courageuses, clairvoyants, avec le cœur ouvert à l’appel du Seigneur. Aujourd’hui on doit demander cela pour votre patrie ! Et eux, depuis le ciel, seront nos intercesseurs.» (source)

François de Laval a fondé le Petit et le Grand Séminaire de Québec. Marie de l’Incarnation est la fondatrice des Ursulines. À eux deux, ils sont «vraiment» parmi les fondateurs de l’Église du Québec. Bravo, nous leur devons beaucoup.

Énormément, même…

Je suis de ceux qui sont extrêmement reconnaissants envers les missionnaires religieux. Autant ceux qui sont venus jadis en Nouvelle-France (ou ceux venus par après) que ceux du Québec qui ont été ou sont en mission, partout dans le monde. Ils et elles ont bâti le Québec et plusieurs ont contribué à redonner au monde. En santé et en éducation, ils ont longtemps tenus le fort au Québec et encore aujourd’hui, on oublie qu’ils sont encore plusieurs à s’occuper des pauvres, des malades (des sidéens en particulier) ou à être encore très engagés dans de nombreuses autres bonnes oeuvres.

Je ne passerai pas sous silence les cas d’abus et de pédophilie. Ils sont trop nombreux parmi certaines communautés missionnaires pour qu’on ose parler de cas isolés. Chose certaine, des communautés n’ont pas agit de manière responsable avec les victimes.

Il est malheureux que ça porte ombrage à le reconnaissance que nous devrions éprouver pour la grande majorité des missionnaires religieux.

N’empêche, les communautés de missionnaires vont passer à l’histoire pour avoir construit le Québec.

Le Pape François sait bien que les religieux missionnaires sont en voie de disparition, ici au Québec. Son appel à mission à l’Archevêque de Québec n’y changera rien : les probabilités que la vocation religieuse redevienne celle qu’elle a déjà été sont très très faibles.

Pour un Christian Blouin (né à Saint-Sébastien en Beauce et évêque actuel de Lae, en Papouasie Nouvelle Guinée), il y a des dizaines de Joanne Liu (née à Québec et Présidente internationale de Médecins sans frontières). Les missionnaires du Québec d’aujourd’hui parcourent bel et bien le monde, mais ils ne sont plus membres de communautés religieuses. Leur travail et leur mission n’ont pas moins de valeur…

Le Pape François et le cardinal Lacroix seraient bien avisés de reconnaître que le Québec «redonne aux suivants» par la multitude de missionnaires qu’il a formée et qu’il forme encore.

S’ils – ou elles – ne sont pas redevables à l’Église, leur foi en l’humanité (et peut-être en Dieu, sait-on) n’est pas moins ardente et, en ce sens, la mission de notre cher évêque aurait avantage à tenir compte de tout ceux et celles qui honorent les missionnaires de la Nouvelle-France par leur vocation toute aussi extraordinaire et prolifique.

L’obédience de nos missionnaires d’aujourd’hui reste noble, généreuse et gigantesque, malgré qu’elle ne vienne pas spécifiquement du clergé.

En ce grand jour de messe d’Action de grâce au Vatican, j’aurais bien aimé que soit précisé que le Québec est encore aujourd’hui une société qui redonne plus que sa part de missionnaires.

Faut-il que ces Québécois soient religieux pour que ça compte aux yeux du Pape ?

J’ose croire que revenu à Québec, le cardinal Lacroix reconnaîtra que si sa mission est noble, elle gagnerait à être plus inclusive.

Le Pape François, j’en suis certain, aimera savoir que saint François de Laval et sainte Marie de l’Incarnation produisent encore de nombreuses vocations missionnaires au Québec, dont tous les Québécois, religieux ou pas, sont très fiers !

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