« J’ai hésité, l’éducation physique étant loin d’être dans mes cordes. Il était 16 h et elle n’avait personne pour le lendemain matin. J’ai accepté afin de la dépanner. Je me suis donc retrouvée à l’aréna pour quatre heures de cours de hockey, sifflet au cou, essayant tant bien que mal de faire respecter les règles minimales de sécurité à mes groupes survoltés. Je mesure 1,52 m (5 pi), je ne pèse pas 55 kilos (100 lb) et je ne connais rien au hockey. C’était l’an dernier, ma deuxième journée de suppléance de toute ma vie. »
Ça vient de cette section de L’actualité du 15 octobre 2006 et ça traduit un profond malaise sur la question de la suppléance dans les écoles du Québec. Ça ne correspond pas du tout à ce que je connais des réseaux, mais je veux bien considérer que ça doit exister « des directions d’école qui laissent enseigner n’importe quoi par n’importe qui ». Quand je lis ça, j’ai le goût de partir un autre Perronisme :« À suppléant donné, on doit regarder la bride ».
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M. Asselin,
Des histoires d’horreur de ce genre, je peux vous en raconter. On ne peut pas devenir prof comme ça. Et c’est tant mieux pour la profession! Imaginez que n’importe quel quidam sur la rue puisse faire notre travail. Ce serait le signe évident qu’on n’a besoin ni de compétences ni de formation pour devenir prof.
J’ai souvenance d’un prof avec une tolérance d’engagement. On lui donnait trois semaines. il a fait un mois. Les élèves en ont souffert, les collègues qui tentaient de l’aider aussi. Mais en ces périodes de pénurie d’enseignants et de suppléants, on embauche n’importe qui.
Je questionne le jugement de la personne qui a affecté ce suppléant-là à cette tâche-là. Je questionne aussi le jugement du suppléant qui a accepté d’aller se mettre là-dedans. C’est comme envoyer quelqu’un qui fume s’installer sur une bombonne de propane ouverte en lui disant qu’il n’y a pas de danger parce qu’il vente…et que le fumeur le croit…
Pour le reste, il y a bien des choses à considérer. Oui, il y actuellement une pénurie d’enseignants dans certaines disciplines et c’est encore plus vrai en dehors des grands centres. C’est dû à quoi ? La profession attire moins, pour toutes sortes de raisons. Mais je dirais qu’elle attire beaucoup moins, par exemple, ceux et celles qui auraient pu avoir un intérêt pour l’enseignement des maths et des sciences, parce que quand on a ce qu’il faut pour étudier là-dedans, on a aussi les moyens de choisir des domaines plus payants et plus socialement valorisés que l’enseignement. Pour attirer les meilleurs en éducation, l’appel des vocations fait difficilement le poids.
Il y aussi un fait dont on parle peu pour expliquer une certaine pénurie: les congés sans traitement, à traitement différé, à temps plein ou partiel, à temps partagé, les congés parentaux et tous les autres. Actuellement, pour parler de la région d’où je viens, on doit prévoir l’embauche de 1,4 enseignant pour chaque poste d’enseignant réellement disponible. En bref, si j’ai suffisamment d’élèves pour générer l’embauche de 10 profs, j’aurai besoin d’en engager 14 pour être capable d’offrir le service à tous ces élèves. Ça, ça met de la pression sur le recrutement.
Pour favoriser l’entrée dans la profession d’un plus grand nombre d’enseignants, je crois qu’il faudrait rogner le monopole des universités en reconnaissant et en créditant la formation que nous donnons nous-mêmes dans nos établissements. Soyons réalistes: dans les départements d’éducation des universités, la formation au premier cycle est surtout donnée par des chargés de cours. Et qui sont ces chargés de cours ? Bien souvent nos propres enseignants ou conseillers pédagogiques, en fonction, en prêt de service ou retraités. Ce ne serait que reconnaître la réalité. Or, de la formation créditée, en cours d’emploi, c’est un facteur attractif important, surtout pour ceux et celles qui ont une formation disciplinaire, sans formation en pédagogie ou en didactique.
On pourrait aussi penser à des bonis de signature ou s’entendre avec les municipalités pour des rabais de taxes, trouver un emploi au conjoint, etc. Il existe des moyens.
Je termine.
Moi, M. Papineau, j’ai souvenance de quelques stagiaires de 4e année que des maîtres associés n’ont pas eu le courage d’évaluer correctement. Ils se sont retrouvés chez nous,légalement qualifiés, et on leur a aussi donné trois semaines… Même chose pour ceux et celles qui tombent dans la craque et qui se retrouvent avec des permanences parce que personne n’a fait le travail qu’il aurait dû faire. À plusieurs de ceux-là aussi on donnerait trois semaines, mais il y en a qui durent 15 ans, de congé d’invalidité, en congé d’invalidité, entre deux « traitement différé », d’une école à l’autre, ceux qu’on appelle les patates chaudes.
Et tous ceux et celles pour lesquels l’enseignement serait une maudite belle job, si ce n’était des élèves, de leurs parents, des pauvres, de la drogue, de l’internet, de la vie, de l’univers et du reste….
Et dire qu’il y a encore des gens pour dire qu’on n’a ni besoin de code de déontologie ni de ce qui pourrait ressembler à un ordre professionnel…