Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Des tas de personnes mènent une vie palpitante dans la même ville que vous sans que vous le sachiez. J’ai fait la rencontre d’une d’entre elles, ce mardi 2 décembre dernier. Je vous présente Rose Dufour, une femme dont Québec ne pourrait se passer !
J’avais été invité par une des Femmes alpha à un 5 à 7 philanthropique, au Cercle, ce mardi 2 décembre dernier. Le thème, l’impact de la communauté, y était présenté de quatre manières différentes par autant de femmes engagées dans notre collectivité. La soirée s’est avérée parfaite, une jeune millionnaire s’étant complètement fait éclipser par une dame à la voix un peu éraillée, dont l’oeuvre est gigantesque : répondre au besoin des femmes qui veulent sortir définitivement de la prostitution en les aidant pour le faire.
Ce soir-là, en même temps que je découvre La Maison de Marthe, je suis impressionné par la force et l’assurance d’une infirmière-anthropologue qui nous fait part de ses recherches pour apprendre à connaître les femmes qui se prostituent et les hommes qui les recrutent. Son témoignage est sincère et comporte un message clair : « J’ai découvert avec les prostituées la plus belle des valeurs : la dignité ! »
Pourtant, ce ne sont pas les occasions de découvrir Rose Dufour qui manquent. Elle donnent de nombreuses conférences à qui veut l’entendre, elle a écrit un livre très connu et a fait l’objet de nombreux reportages sur ce qui l’anime. J’imagine que je suis comme tout le monde, un peu aveugle quand il s’agit de la prostitution…
Ce qui m’a frappé le plus de ce que j’ai entendu de sa bouche le 2 décembre au soir et de ce que j’ai lu depuis est du côté du coeur, évidemment. Pourtant, certaines de ses prises de position sont dures. Ce qu’elle raconte sur l’État proxénète où sur les hommes types-consommateurs-de-prostitution (qui ont beaucoup à dire, selon elle) n’est pas du tout facile à entendre. Rose Dufour a écouté le récit de plusieurs, sans juger, et ce qu’elle retient est stupéfiant. Sur scène, elle a d’ailleurs mentionné que les hommes consommateurs-de-prostitution ne veulent assumer aucune responsabilité fuient «les jeux de séduction» et croient fermement que le sexe leur est dû. Allez comprendre. Certains extraits parcouru au fil de mes recherches sur le travail exigeant et rigoureux de madame Dufour que je garde en tête m’habitent encore…
«Puis les clients, eux-autres, c’est juste quand y sont clients qu’y sont dégueulasses? Autrement c’est des bons pères de famille, des travailleurs? […] Si y’a une affaire qui m’écoeure, c’est que les gars, y sont clients seulement pendant qu’y sont avec une pute mais une pute, c’est une pute tout le temps!»1
Nous avons amassé 3 000 dollars ce soir du 2 décembre 2014, mais je suis sorti de cette soirée tellement plus riche du coup de coeur que je venais d’avoir. Découvrir une femme comme Rose dans sa propre cour et anticiper tout ce qu’on pourra apprendre d’elle pour les prochaines années est fascinant.
Il me tarde de trouver la façon de la revoir et de la réentendre en 2015.
Dans une de ses interventions, en juin 2011, elle affirmait à la Malbaie «qu’on ne rêve pas de devenir prostituée». Je suggère à tous ceux qui croient que le Québec ou le Canada pourraient progresser en légalisant la prostitution de lire Rose Dufour pour se convaincre que l’objectif est d’en sortir, pas de pouvoir «profiter» de meilleures conditions d’exercice.
«Au 19e siècle on a assisté à l’abolition de l’esclavage, au 20e siècle à celle de la peine de mort. Le 21e siècle doit devenir celui de l’abolition de l’exploitation sexuelle. Je souhaite que le Québec abolisse la prostitution.» (source)
En attendant, il y a des femmes extraordinaires comme Rose Dufour. Après avoir passé sa vie à s’intéresser au comportement des humains, elle passe sa retraite à aider des femmes à quitter le milieu de la prostitution.
Il y a dans les recoins de cette ville beaucoup de gens à qui on devrait s’intéresser davantage.
Rose Dufour est mon coup de coeur de l’année 2014 !
1 Cet extrait tiré du livre de Rose Dufour est issu du roman autobiographique de Roxane Nadeau, Pute de rue, Montréal, Les Intouchables, 2002, 104 p.
Tags: "...à ce qui me fait plaisir" "La vie la vie en société"
[…] Je suis récemment allé voir le film de Ève Lamont Le commerce du sexe en compagnie de celle qui a été l’an dernier un de mes gros coups de coeur, Rose Dufour. […]