Hausse du ratio maître-élèves : de nouvelles études contredisent les ministres Yves Bolduc et Martin Coiteux

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Le sujet du nombre d’élèves par classe a souvent fait l’actualité ces dernières années. Privilégiant une réduction à la suite des négociations avec les syndicats de l’enseignement en 2010, le gouvernement vient de présenter en décembre 2014 des « demandes sectorielles » qui vont dans le sens inverse en prévision du renouvellement des conventions collectives qui viennent à échéance le 31 mars prochain. Une mauvaise nouvelle vient de tomber pour le Comité patronal de négociation des commissions scolaires francophones : une étude publiée par le National Education Policy Center de l’Université du Colorado affirme que les économies réalisées par l’augmentation de la taille moyenne des classes américaines de 5% seront ruineuses pour l’avenir.

Martin Coiteux et Yves Bolduc ont formulé des demandes bien précises auprès des syndicats d’enseignants qui visent, entre autres, à modifier le ratio maître-élèves :

  • Augmenter le nombre d’élèves par classe de la 3e année du primaire à la 2e secondaire;
  • Ne plus tenir compte du nombre d’élèves en difficulté dans le calcul du ratio maître-élève.
  • Allonger la liste des motifs qui permettent de dépasser le nombre maximal d’élèves par classe.

Affirmant que ces propositions ne touchent pas aux services, les baisses de ratios maîtres-élèves accordées dans le passé n’auraient pas «donné les résultats escomptés en terme de réussite scolaire», selon les deux ministres (source).

On se souvient qu’en 2010, on vantait ainsi les mérites de cette 5e mesure visant à lutter contre le décrochage scolaire :

«La réduction de la taille des groupes d’élèves est une initiative qui permet d’offrir de meilleures conditions d’apprentissage, d’améliorer les relations entre les enseignants et les élèves et d’intervenir rapidement dès les premières manifestations de difficultés.»

Les ministres Yves Bolduc et Martin Coiteux se seraient appuyés sur le Rapport Champoux-Lesage pour justifier ce virage. Ça ne semble pas passer l’épreuve des faits. Dans le document qui s’appuie principalement sur une étude de l’Université Laval datant de 2008, on ne fait qu’évoquer que «la réduction généralisée» du nombre d’élèves par groupe a été «une mesure dont l’efficience dépend de conditions particulières». À la suite du dépôt des offres, plusieurs intervenants ont mentionné qu’augmenter le nombre d’élèves par classe serait risqué dont des directeurs d’école.

C’est par le biais d’un collectif en France – Le Café pédagogique – qu’on apprend ce matin l’existence d’une nouvelle étude – la troisième en un an – qui «vient à nouveau démontrer l’efficacité de la réduction du nombre d’élèves par classe». L’étude du Colorado menée par Diane Whitmore Schanzenbach va dans le même sens que deux autres, une suédoise et une autre réalisée en Ontario, suite à une expérience du même genre que celle réalisée au Québec.

L’article du café pédagogique est explicite sur le fait que «dans les classes à effectifs réduits, l’enseignant consacre moins de temps à gérer la classe. Il y a moins de temps perdu à faire de la discipline et plus de temps pour le travail scolaire.»

«L’étude montre que les enseignants accordent plus d’attention à chaque élève, suit davantage leur progression et finalement adopte des stratégies plus variées que dans une classe à effectif élevé.»

Si plusieurs nuances méritent d’être faites sur ce sujet du nombre d’élèves dans les classes, entre autres dans des milieux où les jeunes réussissent très bien, force est d’admettre que la baisse des ratios maître-élèves risque de demeurer un élément de controverse bien plus qu’une piste intéressante de solution pour qui est davantage préoccupé par la réussite scolaire que par les économies budgétaires.

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3 Commentaires
  1. Photo du profil de Audrey
    Audrey 8 années Il y a

    Je crois tout comme vous que l’augmentation du ratio maître-élèves serait une grande erreur. Il est impensable de croire que l’enseignant déjà débordé par son enseignement de base, la gestion de classe et la gestion de cas plus difficile puisse offrir la même qualité d’enseignement, de soutien et de rétroaction s’il a 35 élèves dans sa classe plutôt que 25.
    Considérant que chaque apprenant est différent, il s’agit déjà d’un défi colossal que de prendre en compte les particularité de chacun afin que chaque apprenant puisse évoluer rapidement autant du côté académique que du côté social. Prendre en compte les différences de chacun équivaut à donner une plus grande chance de réussite, mais ce n’est pas facile à mettre en pratique. Qu’en serait-il si on augmentait encore la charge.
    Une augmentation des ratios pour économiser? J’en doute fort…Pour que les enseignants acceptent cela sans changer leurs méthodes de travail il faudrait augmenter leur salaire, leur donner plus de temps, payer plus d’aide pédagogique, d’orthophoniste, d’orthopédagogue, de psychologue, etc… Est-ce que le compte est positif?? L’enseignant qui a du temps à consacrer à chaque apprenant de son groupe peut plus ou moins remplir tout ces rôles en étant un support et un guide inestimable pour ses élèves. Il est sur place, en présence des apprenants et peut ainsi détecter rapidement les retards d’apprentissage, individualiser davantage son enseignement et donc intervenir de près et rapidement.
    J’ai un fils de 7 ans qui a eu la chance depuis la maternelle d’être dans des classes avec de petits effectifs. ( un agrandissement de l’école, vu la croissance démographique de la ville fût nécessaire et avant que les classes soient à pleine capacité cela prendra encore 2 ou 3 ans). J’ai aussi pu discuter avec ses trois enseignantes de la maternelle à la deuxième année et ce qui est revenue à chaque fois est le fait qu’elles ont le temps de réellement connaître chacun de leurs élèves, que c’est le groupe classe le plus facile à gérer qu’elles aient jamais eu et que certain défi d’enseignement comme la lecture s’est fait beaucoup plus facilement que part les années précédente. Par exemple, en première année, l’enseignante disait aux parents en début d’année que la majorité des élèves sauraient lire avant les vacances des fêtes, mais que pour certains, ça n’irait qu’à la fin de l’année. Avant les fêtes, ils savaient tous lire, à la fin de l’année, ils lisaient tous bien. Est-ce un miracle? Non! Il s’agit simplement du temps que l’on accorde à chacun.
    Bref, plus on a de temps à consacrer à chaque apprenant, plus les chances de réussite sont grandes. Plus on augmente le nombre d’élèves par maître, plus on diminue le temps alloué à chacun donc…plus on diminue les chances de réussites scolaires.

  2. […] me suis déjà exprimé sur certains aspects des propositions gouvernementales qui touchent les enseignants et bien que je […]

  3. […] Le RCL a aussi fait l’objet d’une utilisation douteuse par le gouvernement Couillard puisqu’il a supposément inspiré Martin Coiteux dans sa demande d’augmenter le nombre d’élèves par classe aux tables de négociation avec les enseignants. Depuis, le président du Conseil du trésor a été contredit par au moins une autre étude… […]

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