Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Le 30e Gala Artis et le spectacle Les Voix du 75e commémorant les 75 ans du droit de vote des femmes au Québec ont été l’occasion de discours partisans par deux personnes qui possèdent beaucoup de notoriété dans l’opinion publique. Le message de Claude Legault et de Lise Payette a-t-il pour autant bien passé ?
Il n’est pas rare que de grands rassemblements festifs attirent de façon particulière l’attention des journalistes et du grand public par l’entremise d’une prise de parole qui sème la controverse. On se souvient tous du plaidoyer de Luc Plamondon pour le respect des droits d’auteurs dans un Gala de l’ADISQ en octobre 1983 ou de celui d’Émile Proulx-Cloutier en 2004 au Gala des Prix Gémeaux en solidarité avec les étudiants qui s’opposaient aux hausses des droits de scolarité. À ces deux moments, le message a porté.
Nous avons eu l’occasion cette dernière fin de semaine de revivre ce genre d’évènement avec l’intervention de deux voix fortes du Québec. Il est encore tôt pour jauger l’influence réelle dans le temps qu’aura ces deux tirades, mais il est quand même possible de se livrer à une petite analyse.
L’austérité et les coupures sauvages
Au moins trois textes parus récemment au Journal expriment des réserves sur le «cri du coeur» de Claude Legault. Celui rapportant la réaction du député libéral de Dubuc qui affirme que la personnalité masculine de l’année a «manqué d’amour envers son public» était prévisible, puisqu’il vient d’un membre de la députation du parti au pouvoir. Il est d’ailleurs étonnant que ce dernier ait pris le temps d’un message sur Facebook pour partager sa désolation puisque ce faisant, il garde «le message» dans l’actualité.
Pas étonnant que sur 3 694 personnes qui se sont prononcées sur le sujet via l’article citée précédemment, 57% des lecteurs pensent que «les artistes ont le devoir de se prononcer sur les questions sociales et d’intérêt public».
De son côté, le chroniqueur Richard Martineau en a profité hier pour argumenter contre la position exprimée par l’artiste parmi les plus populaires du petit écran, mais il n’a pas dénoncé son privilège de s’être exprimé comme il l’a fait.
Lise Ravary résume bien la situation…
Je n’embaucherais jamais Claude Legault comme analyste politique, mais les artistes, les étudiants et tous les Québécois jouissent du droit de parole. Ne l’oublions jamais.
Personnellement, je crois que cette fois-ci, ni le Gala Artis, ni Claude Legault ne subiront de préjudice de sa déclaration. J’écris «cette fois-ci» parce qu’en 2012, le même Claude Legault dans une autre édition du même gala avait dû «se rétracter et admettre que ses paroles avaient dépassé sa pensée» après avoir dit «des énormités» sur la crise étudiante qui sévissait à l’époque.
Les femmes libérales ne servent qu’à jouer les potiches
Mme Payette est intervenue dans un spectacle vendredi soir dernier au Capitole de Québec. Plusieurs sources affirment que son message détonnait par rapport aux autres, beaucoup plus rassembleurs.
C’est sur Facebook qu’on trouve les commentaires les plus cinglants sur la prestation de celle qui a jadis beaucoup fait pour la cause des femmes du Québec. «Attitude négative», «ton partisan à outrance», Mme Payette aurait raté l’occasion de fêter un évènement important en refusant de reconnaitre les gains obtenus, s’efforçant plutôt d’insister sur le «rôle de figurantes» que les femmes du gouvernement libéral actuel tiennent, selon elle.
Plusieurs se sont senties mal à l’aise selon ce que j’en comprends, mais on ne retrouve pas beaucoup de traces de cela dans les grands médias.
Il faut dire que le parcours de vie publique de Lise Payette commande le respect. C’est possiblement ce qui explique que très peu d’échos du malaise ait pu se retrouver dans l’espace public.
Il faut pourtant poser la question : était-ce l’endroit de régler des comptes avec le gouvernement en place, le soir où tant de gens de différents horizons venaient célébrer un évènement important et historique ?
Même Nathalie Petrowski en parlant du documentaire 75e: elles se souviennent évoquait qu’un nouveau genre venait peut-être de naître… «l’infopub féministe». On peut facilement déduire qu’il ne s’agit pas d’un compliment : « un ton publicitaire, tonitruant, fabriqué, plaqué et bien trop volontariste pour susciter la moindre réflexion ».
Judith Lussier n’est pas beaucoup plus enthousiaste avec le documentaire de la petite-fille de Lise Payette, produit par les Productions J : « Le documentaire qu’on nous présentait comme l’histoire de l’obtention par les femmes du droit au suffrage (…) ne consacre que trois minutes à ce sujet spécifique ».
Voici le genre de critique qui pourrait laisser des traces.
Le moment de cet important 75e anniversaire devait être solennel et rassembleur.
Selon plusieurs femmes, la fête a quelque peu été gâchée par l’intervention mal avisée de Mme Payette qui s’est aussi manifestée par une chronique au Devoir toute aussi amère et revancharde.
Il se trouve des féministes dans toutes les sphères de la société, dont plusieurs qui s’identifient au Parti libéral, et elles avaient elles-aussi l’envie et le droit de fêter.
Avant de profiter d’une tribune qu’on nous offre pour régler ses comptes personnels, il convient de se demander si le message qu’on souhaite passer va porter ombrage à ce qui réunit tout le monde !
Mme Payette semble avoir raté une belle occasion de fêter une évènement qui méritait le plus d’unanimité possible.
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