Interdire est une pratique commune en éducation. Normalement, lorsqu’il y a un interdit, la personne a quand même la possibilité de choisir de qui est défendu. Si elle transgresse l’interdit, il y a des conséquences (réprimandes) et dans certains milieux on travaille sur une façon de réparer quand on a causé un tort. Par exemple, on n’interdira pas à un enfant de toucher un rond de poêle rouge. Un parent responsable va s’arranger pour que ce ne soit pas possible de toucher au rond de poêle brûlant.
Par ce billet de Carl-Frédéric De Celles, j’apprends que le rond de poêle des adolescents de plusieurs écoles de la C.S. de la Riveraine, c’est Tête à claques et YouTube. Depuis décembre, c’est la même chose au Conseil des écoles catholiques de langue française du centre-est, en Ontario. Cet article de Cyberpresse nous précise la position des deux organismes scolaires. Je me souviens qu’en septembre 2004, nous avions eu une belle discussion sur l’à-propos de censurer Google dans les écoles. Je crois que ma réaction sera la même :
«C’est plus dangereux de ne pas éduquer devant la présence de dangers potentiels que de mettre à l’Index et de risquer que les jeunes soient confrontés aux mêmes dangers (hors de l’école) sans les moyens d’y faire face ?»
Je ne suis pas en train de dire que tout ce qui traîne sur YouTube a une valeur éducative. Loin de moi l’idée de croire que les clips des Tête à claques sont les «Passes-Partout» d’aujourd’hui, mais je ne crois pas que l’éducation est bien servie par cette pratique d’empêcher techniquement l’accès aux sites à partir des écoles. Exiger que l’on n’utilise pas l’ordinateur portable pendant une séquence d’enseignement parce qu’on a besoin de l’attention à 100% de chacun se fait tous les jours dans les écoles où de tels outils sont disponibles aux élèves. Demander aux élèves de ne pas aller à tel ou tel endroit à partir des ordinateurs de l’école est pratique courante dans le milieu scolaire. Leur apprendre à réagir convenablement aux «pop-up» incompatibles avec les valeurs d’une école est le lot quotidien de bon nombre d’éducateurs. Je connais une école (il y en a d’autres) qui utilise YouTube avec beaucoup de succès et qui a fait le pari de l’éducation aux nouvelles technologies et je ne suis pas inquiet pour les capacités de discernements des jeunes fréquentant cette école!
Je crois que cette question mérite le débat parce qu’en censurant, on expose les jeunes à bien plus de dangers qu’en éduquant. Qu’est-ce que se montrer responsable dans une école aujourd’hui face à ces sites à la fois populaire et comportant un contenu parfois plus que douteux? CFD va-t-il trop loin en évoquant le parallèle à faire avec le temps de l’Index Librorum Prohibitorum?
Mise à jour du 3 février: La Commission scolaire de la Capitale imite sa petite soeur Riveraine…
Mise à jour du 6 février: Au tour du Nouveau-Brunswick de banir «Tête à claques», mais YouTube reste accessible… pour le moment! Extrait d’un article de l’Acadie Nouvelle (c’est un parent qui s’exprime ainsi):
Tags: "Administration scolaire" Pédagogie et nouvelles technologies«Même si elle comprend pourquoi les conseils scolaires ont interdit l’entrée des Têtes à claques dans les établissements, elle n’est pas particulièrement en faveur de la censure. Elle mise plus sur le dialogue. « Quand mes enfants les regardent, j’aime pouvoir leur expliquer ce que c’est, ce qu’il en est, ce qu’il y a de drôle là-dedans. Je ne pense pas que la meilleure façon est de bloquer l’accès. L’internet est partout. Mais je comprends que dans les écoles, il y a tellement de choses à gérer que c’est la mesure qui a été choisie. Mais je ne suis pas certaine que ce soit la solution de bloquer tous les sites parce qu’ils n’ont pas fini d’en bloquer », dit Danielle Gilbert.»
Oulala que je suis d’accord avec cela! En Suisse, on vient d’assister à l’interdiction pure et simple des téléphones mobiles dans certaines écoles (sous prétexte d’éviter que les mômes ne filment des viols et autres violences organisées, images qui se retrouvent ensuite sur le net); dans d’autres écoles, toujours en Suisse, on annonçait il y a quelques semaines que la direction allait inciter les jeunes à utiliser leur mobile pour s’informer sur les cours, leur lieu, modifications d’horaires etc… Qui des deux fait tout faux…
Fondamentalement, les écoles sont libres de faire du blocage ou de la censure, mais honnêtement, c’est lancer de l’huile sur le feu, et à mon humble avis passer à côté du véritable rôle de l’école. Bloquer YouTube, c’est la porte ouverte à bloquer WikiPedia ou même à bloquer tout l’Internet. Ça ne démontre que le peu de compréhension des nouvelles technologies dans certaines de nos institutions, et c’est fort dommage pour un peuple qui aspire à jouer un rôle solide dans la nouvelle économie mondiale. « Les écoles bloquent TVA? », naaa…
En guise d’opinion, je citerai le MELS lui-même en personne…
Le Programme de formation comporte neuf compétences transversales, regroupées en quatre ordres :
– ordre intellectuel : exploiter l’information; résoudre
des problèmes; exercer son jugement critique; mettre
en œuvre sa pensée créatrice;
Vous avez remarqué? On dit : exercer son jugement critique. Alors… pour l’exercer, ce jugement, lorsqu’on exploite l’information, il faut de tout…non?
Ici au Nouveau-Brunswick, je retiens deux passages de notre cadre théorique commun, qui accompagne tous les programmes d’études de la maternelle à la 12e année. Ce sont deux résultats d’apprentissage généraux, l’un sur l’utilisation des TIC et l’autre sur l’analyse critique…
1. Utiliser judicieusement les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans des situations variées.
-En particulier : naviguer, communiquer et rechercher des informations pertinentes, de façon autonome et efficace, à l’aide de support électronique)
2. Manifester des capacités d’analyse critique et de pensée créative dans la résolution de problèmes et la prise de décision individuelles et collectives.
– En particulier : discerner entre ce qu’est une opinion, un fait, une inférence, des biais, des stéréotypes et des forces persuasives. Fonder ses arguments à partir de renseignements recueillis provenant de multiples sources.
Faut être conséquents avec ce qu’on avance et comme le souligne Mario, il faut avoir ce débat. L’occasion d’éduquer, véritablement, est trop belle ici.
Je suis aussi d’accord avec toi qu’il faut éduquer nos jeunes et non mettre des barrières devant chaque rond rouge du poêle. Nos jeunes se servent de YouTube pour présenter leur vidéocarnet et ceux-ci sont pédagogiques. Nous avons confiance en nos jeunes et c’est en éduquant et en développant l’analyse critique chez eux que nous pouvons faire des expériences du genre. Je peux même dire que depuis le début de l’aventure avec les vidéocarnets, nous n’avons rencontré aucun problème avec les élèves face à ce site. Les élèves regardent les vidéocarnets et retournent à la tâche scolaire. Leur avoir interdit ce site aurait pu être différent.
Bloquer des sites donne parfois lieu à des aberrations éducationnelles. Je m’informais à l’école à l’aide de Google sur Mae West qui a joué dans une pièce intitulée Sex dont l’action se déroulait à Montréal. Devinez ce qu’a fait le serveur de la commission scolaire?
Merci pour la culture! Il me semble que développer le sens critique serait plus utile, mais certains ont peut-être renoncé à être des éducateurs pour être des gestionnaires.
Un cas typique de FUD, il me semble.
L’argument de poids est celui exprimé par Mario et que tu as fait ressortir : « en censurant, on expose les jeunes à bien plus de dangers qu’en éduquant. »
Il est déjà discutable que l’on censure des sites inoffensifs, mais que l’on bloque l’accès à des ressources internet aux professeurs est absolument aberrant. Même les Têtes à claques peuvent avoir une utilité pédagogique dans un contexte d’éducation à la moralité ou à la citoyenneté, pour ne nommer que ces deux-là.
Dans le pire des cas, advenant la mise en place de filtres, il y a certainement moyen de doter les éducateurs de mots de passe pour les contourner.
Je devine que la commission scolaire en question a réagi avec trop de zèle à quelques plaintes. C’est fou le poids que peut prendre une plainte dans une balance, une masse démesurée.
Bonsoir MM Guité et Asselin,
Dans les faits, ma requête a été bloquée uniquement parce qu’elle comprenait le mot «sex». Une fois que j’ai enlevé celui-ci et que j’ai cherché un peu, j’ai trouvé le site que je désirais… et il comprenait le mot «sex»!
Salut Mario, j’ai commencé à t’écrire un commentaire mais je trouvais que cela ferait peut-être un meilleur billet… Je t’invite à aller le lire ; http://carnets.opossum.ca/roberto/2007/01/bloquer_ou_eduquer.html
LE MALHEUR DES UNS FAIT LE BONHEUR DES AUTRES
La NewsLetter hebdomadaire de Kenneth Beare, s’intitule : Using Technology to Improve English. Un des thèmes abordés aujourd’hui, dans ce courriel est : YouTube in the Classroom!
Kenneth Beare @nime son blog sur l’apprentissage de l’anglais langue seconde depuis plusieurs années : YouTube in the Classroom présente donc un scénario d’apprentissage bien ficelé, probablement motivant pour de (jeunes) étudiants.
Bien sûr que dans ce scénario, l’enseignant doit prévisionner et choisir les vidéos, préparer un quiz, etc. Par ailleurs, à une étape subséquente du scénario, Kenneth suggère aussi que les étudiants, en équipes, localisent, sur YouTube !!, un vidéo qu’ils présenteront à la classe.
Voilà donc un indice qu’il y a toujours deux cotés à une médaille et qu’alors que certains diabolisent X, d’autres en font un élément éducatif…
Bon mardi TLM ! !
L’esprit de clocher a aussi gagné Québec. Nous habitons vraiment un petit village.
NUANCES
Hier, 2007fev06, aux nouvelles, on précisait que la CS de la Capitale avait bloqué l’@ccès aux Têtes à claques, principalement à cause de la bande passante et moins à cause du contenu…
Il paraît qu’il serait arrivé que les serveurs de la CS soient paralysés, parce que trop d’élèves avaient @ccédé au site en même temps…
C’est un fait que les @nimations des Têtes à claques sont plutôt lourdes en KO, à l’image de l’humour qu’elles contiennent, à mon opinion…
Roberto récidive dans cet autre billet consécutif à la décision du Nouveau-Brunswick de banir Têtes à claques des écoles (En). Évidemment, la position de Roberto n’est pas de plaider pour le site, mais de s’interroger sur la portée éducative de reléguer à l’extérieur de l’école la responsabilité d’encadrer et d’éduquer… À lire.
En fait, les têtes à claques ne sont pas un mauvais enseignement mais plutôt, le reflet de la société d’aujourd’hui. Comme on dit, ça prend toujours un peu d’humour pour ouvrir les yeux de ceux qui dorment alors, mieux vaut en rire, ça peut peut-être nous amener de quoi de bon pour le futur. Merci.