Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Depuis l’annonce de la vente de six quotidiens régionaux gravitant autour de La Presse au Groupe Capitales Médias, on ne peut pas dire que Martin Cauchon est resté longtemps à l’avant-plan de l’actualité. Le magazine Trente (média spécialisé en journalisme de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec – FPJQ) l’a récemment rencontré pour mieux connaître sa vision de l’information et en savoir un peu plus sur la transaction avec Gesca.
C’est le directeur du contenu du Trente Alain Saulnier qui a conduit l’entrevue de vingt-cinq minutes. On peut prendre connaissance du résumé de l’entretien par l’entremise de la version papier du magazine maintenant en kiosque ou en regardant l’intégrale diffusée sur YouTube.
Député d’Outremont de 1997 à 2004 au parlement fédéral et ministre sous Jean Chrétien, l’avocat de 52 ans du cabinet Gowlings souhaite maintenir la qualité de l’information régionale. Il s’est montré rassurant envers la FPJQ en affirmant que son groupe souhaite mettre la barre le plus haut possible sur l’intégrité journalistique…
L’information de proximité devient le leitmotiv de celui qui veut maintenir dans les régions un quotidien dont les gens seront fiers.
Lorsqu’on lui répète qu’il a causé une grande surprise en «débarquant» dans le monde des médias, il feint de ne pas comprendre. À la question sur comment il lui a été possible d’acheter un groupe de médias, financièrement parlant, il ne souhaite pas réellement fournir d’explications. Il condamne cependant ceux qui sont allés jusqu’à fouiller dans ses hypothèques. «Il y eu de la malhonnête intellectuelle», explique-t-il.
Le passage le plus intriguant de l’entrevue concerne les inquiétudes des journalistes, soulevées par Alain Saulnier. Ne souhaitant pas se retirer des conseils d’administration auxquels il participe, il va même jusqu’à dire qu’il demeurera en poste, disponible pour du conseil dans la firme d’avocats qui l’emploie. Néanmoins, il dit croire à l’indépendance de la salle des nouvelles; il se sait surveillé. Pour ce qui est de la ligne éditoriale qui pourrait être imposée, compte tenu de ses allégeances politiques, il semble qu’il n’est question d’aucune direction particulière.
Je serais surpris d’une ligue éditoriale très nationaliste, mais il faudra voir, avec le temps.
Quant aux rumeurs qu’il serait celui qui ferait le travail que la famille Desmarais ne voulait pas faire avec les six journaux qui semblaient constituer une sorte de boulet pour La Presse, il faudra le croire sur parole qu’il n’en est rien.
Bien au contraire, selon ses propres dires…
Pour ce qui est des projets d’avenir qui passent par trouver un chemin vers la rentabilité, on sent que Martin Cauchon compte énormément sur la grande fierté des gens des régions pour leur journal. Le très fort sentiment d’appartenance des communautés locales à leurs informations de proximité et aux marques régionales représentent le fonds de commerce de la nouvelle entreprise.
En ce sens, le modèle d’affaires de La Presse+ qui mise tout sur le virage tablette ne sera pas celui du Groupe Capitales Médias. L’intérêt des gens en dehors de chaque région à lire ce qui vient de Québec, Sherbrooke, Granby, Trois-Rivières, Gatineau ou Saguenay risque de limiter la présence numérique du contenu de chaque journal… si on en croit la vision de Martin Cauchon.
«Il faudra bouger rapidement», néanmoins. D’ici la fin de l’année pour ce qui est de certains signaux annonçant la déclinaison Internet. Mais la transition va s’échelonner sur cinq ans, selon le nouveau propriétaire : «Dans cinq ans, si j’ai maintenu une information de qualité, des belles salles de nouvelles dans l’ensemble des «capitales» [régionales] desservies, une information de proximité et que j’ai réinventé le modèle et nos façons de travailler, je regarderai le groupe… et on aura des quotidiens qui sont là pour rester, parce que c’est mon but. J’aurai énormément de fierté. Je regarde ce défi devant moi et je n’ai pas l’ombre d’un doute aujourd’hui qu’on va y arriver.»
On l’entend souvent parler tout au long de l’entrevue de Claude Gagnon, le PDG du nouveau groupe de presse. Des sources m’indiquent que Louise Boisvert, la présidente et éditrice de La Tribune et de La Voix de l’Est pourrait aussi devenir très influente. Elle qui semblait à couteaux tirés avec les dirigeants de Gesca pourrait tout à coup avoir les coudées franches dans la haute direction de ce nouveau groupe. Ses déclarations publiques vont en ce sens…