Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
Au sortir du référendum grec remporté par le gouvernement Tsipras par un résultat au-delà des attentes, la question n’était pas de savoir si la population en Grèce veut ou non sortir de l’Europe. Ce qui ne veut pas dire que lundi matin, les conditions d’appartenance de la Grèce à l’Europe ne se posent pas.
Le Non grec a été à la hauteur de 61%.
Le taux de participation s’est établit à 62,5%.
Dès l’annonce des résultats, ma réaction a été de penser que les citoyens Grecs ont cru que l’Europe a davantage besoin d’eux que les Grecs ont besoin de l’Europe.
C’est tout un pari.
Dans le camp de ceux qui semblaient très heureux du dénouement, il y avait Marine Le Pen et le chef du parti Podemos espagnol, Pablo Iglesias. Ce dernier s’est empressé de publier sur son canal Twitter «qu’aujourd’hui en Grèce la démocratie l’avait emportée».
J’ai d’ailleurs lu à plusieurs endroits ce soir que les Grecs étaient en quelques sortes « les inventeurs » de la démocratie et qu’on ne pouvait pas les blâmer de s’en être servie pour se donner un meilleur rapport de force avec leurs créanciers.
Difficile de ne pas avoir un sourire en coin.
Parlant de Twitter, le mot-clic #Grexit était plutôt actif à 22 h 30 heure du Québec, signe que l’agitation est palpable.
Le président des États-Unis sera probablement de ceux qui réagiront plutôt favorablement au « non » des Grecs.
« Le président américain estime que les réformes, si elles sont nécessaires, sont intolérables pour une population qui a vu chuter son niveau de vie de 25 %. » (source: AFP)
Il faut croire que Barack Obama est de l’école de Joseph Stiglitz.
Un allié de plus pour le premier ministre Grec dans la nouvelle ronde de négociations qui doivent avoir déjà débutées.
Parmi tout ce que j’ai lu aujourd’hui sur le sujet, deux textes m’ont particulièrement intéressé.
Le premier de l’ancien directeur de la rédaction du Journal Le Monde parle d’une victoire paradoxale pour Alexis Tsipras qui «a reçu un nouveau mandat contre l’austérité imposée par l’Europe mais il a besoin de recevoir plusieurs milliards des créanciers qu’il dénonce». Pas évident…
Le second découle d’une entrevue avec l’économiste français Thomas Piketty qui est un de ceux qui croient que «François Hollande doit mettre son veto à une sortie de la Grèce de la zone euro». Dans cette entrevue au Die Zeit, il prétend que l’Allemagne n’a jamais vraiment remboursé sa propre dette et que donc, elle n’a aucune leçon à donner à la Grèce. (Ajout: référence en français à la même entrevue)
Dans sa déclaration (discours traduit en français) diffusée après le dévoilement des résultats, Alexis Tsipras a beaucoup insisté pour dire que la consultation n’avait pas permis de répondre à la question « à l’intérieur » ou « à l’extérieur » de la zone Europe et qu’il fallait maintenir le dialogue…
Tout le monde n’interprétera pas ainsi le vote des citoyens Grecs.
Michel Hébert du Journal pense que «le Non ne veut pas dire grand chose». Mon collègue de ce blogue des «spin doctors» croit que «les Grecs ont refusé le chantage des tenants du Oui».
La Russie quant à elle semble penser que la Grèce a ainsi fait «un pas vers la sortie de la zone euro» (déclaration d’un vice-ministre russe de l’Économie, Alexeï Likhatchev) – source.
Pendant que des milliers de personnes ont fêté le Non ce soir à la place Syntagma à Athènes, l’Europe était inquiète.
Moi qui ne suis pas un spécialiste de ces questions, j’ai été captivé toute la journée par les évènements.
Le plongeon dans l’inconnu qui résulte du résultat sommes toutes assez clair du référendum dont la campagne n’a duré que quelques jours n’a pas fini de donner le vertige à bien des gens.
On devrait savoir assez rapidement jusqu’à quel point l’Europe tient à garder la Grèce en son sein.
Mise à jour du lendemain : « Tsipras sacrifie son ministre des Finances pour se rapprocher des créanciers ». Pour plus d’informations sur le quotidien de la vie en Grèce, je conseille la lecture du blogue Virée familiale en Grèce.
Mise à jour du 13 juillet 2015 : Un 3e programme d’aide vient d’être conclut par les pays de la zone euro, mais à quel prix pour les Grecs? Les conditions semblent refléter les résultats d’un référendum qui aurait donné l’avantage au «oui», pourtant c’est l’inverse qui s’est passé. La suite nous en dira davantage, mais à ce stade-ci on ne comprend plus rien à la stratégie Tsipras. À moins qu’il n’y ait aucune stratégie dans le fait d’avoir accepté pire que ce qui avait été présenté au peuple et que le gouvernement savait en consultant le peuple qu’il «bluffait» ? Si c’est la triste conclusion à laquelle il faut arriver, la Grèce a beaucoup perdue…
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