J’ai été directeur d’école pendant près d’une quinzaine d’années. Je sais combien le passage qui conduit à ne plus l’être demande une certaine préparation. Une de mes ex-confrère va vivre cette transition à la fin de l’année scolaire. En fin d’après-midi, je participe à une petite réception qui rendra hommage à quelques pionniers qui prennent une retraite bien méritée. On m’a demandé de livrer un témoignage pour souligner le départ de Régean Normandeau en juillet prochain de l’école secondaire François-Bourrin. Voici donc sous l’hyperlien plus bas un texte que j’ai composé de la perspective d’un de ses petits-fils. J’ai pensé que cette façon de souligner les traits de caractère de Régean convenait davantage à sa nature profonde d’éducateur. Je remercie Nicole, sa conjointe et Serge, un collègue directeur, de leur collaboration.
Hommage à Régean Normandeau
«Imaginons Jean-Raphaël, neuf ans, écrire à son grand-papa»
Mon grand-père est directeur d’école. Ça ne veut pas dire qu’il est sévère. Avec moi en tout cas, je ne trouve pas. J’ai demandé à grand-maman depuis quand il était directeur et elle m’a dit que ça faisait deux écoles. Une à Shawinigan et une autre à Québec. C’est loin Québec… Nous on habite à Trois-Rivières. En tout cas, c’est ici que moi, ma mère, mes oncles et mes tantes nous sommes nés. Lui mon grand papa, il vient du Saguenay. Quand on l’écoute comme il faut, ça paraît un peu… Le plus drôle, c’est qu’avant de travailler dans la région de la Mauricie, il avait commencé dans une école à Montréal, au Mont-Saint-Antoine. Il était éducateur spécialisé; ça, ça veut dire que c’était et c’est encore un éducateur spécial. Gentil, il écoute beaucoup et il ne se choque pas pour des riens. Quand il se fâche, c’est parce que vraiment, on a été trop tannant… Même là, ça ne dure pas longtemps… Il est généreux, travaillant et compréhensif; avec le temps, il est donc devenu un genre de directeur spécialisé. C’est d’ailleurs lui qui a organisé le programme «d’éducation spécial» au Collège Laflèche avant d’être directeur à Shawinigan…
Grand-Papa a quand même des petits défauts. Deux en fait. Il n’a pas fini sa maîtrise en psycho-éducation pour laisser ma grand-mère finir la sienne en théologie. Ça montre sa générosité, mais je suis sûr qu’il aurait aimé ça finir son diplôme parce qu’il aime ça étudier. En tout cas, il aime ça nous étudier moi, mon frère de sept ans et ma soeur de cinq ans. Nous sommes ses trois seuls petits enfants. Il nous pose souvent plein de questions et ça, c’est bizarre parce qu’il ne donne pas beaucoup de réponse quand c’est nous qui posons les questions. C’est son deuxième défaut. Par exemple, il lui est arrivé d’être un peu malade dans les dernières années et il ne voulait pas nous en parler. Autre exemple, depuis qu’il est directeur à Québec, moi je m’ennuie beaucoup et lui on le sait qu’il s’ennuie, mais il ne le dit pas. C’est un directeur spécialisé secret…
Il paraît qu’il est fin avec les professeurs. Je suis sûr qu’il est fin avec les professeurs parce qu’il est gentil avec tout le monde mon grand-papa. J’ai entendu dire par ma grand-maman que même la madame qui est présidente de son conseil de garçons [d’administration], elle trouvait qu’il était fin. Il fallait qu’il aime ça dans son école à Québec parce qu’il restait là même si nous, on était à Trois-Rivières… Ma mère m’a dit qu’il était content d’avoir travaillé là pour ses dernières années de directeur spécialisé parce qu’il a permis à cette école de retrouver la santé. Ça pour une école, ça veut dire que le nombre d’élèves augmente et que les jeunes professeurs, il veulent rester même s’ils gagnent moins de sous($) que dans d’autre écoles. Il faut qu’il l’aime leur directeur, les élèves et les professeurs… En plus de son conseil de garçons, ça fait beaucoup de monde qui trouvaient que son travail était bon.
Mon grand-papa va revenir travailler même s’il dit qu’il prend sa retraite, je le connais. Si vous ne me croyez pas, je vous dirai qu’avant d’être directeur spécialisé à Québec, il était à Parcours d’enfant. C’était un travail sur mesure pour lui qui aime tant les grands et les petits enfants . Il revient avec nous donc, dans notre parcours d’enfants… Quand vous repenserez à lui, vous l’imaginerez heureux en train de continuer à nous étudier et à continuer de s’ennuyer un peu, sans pouvoir le dire. Il va penser à vous, je veux dire. Mon grand-papa est content de prendre sa retraite, je suis sûr, mais c’est impossible qu’il ait travaillé autant avec des gens et qu’il ne s’ennuie pas un peu d’eux… Quand il me parlera de vous, je lui dirai que maintenant, il faut qu’il soit un papa, un amoureux et un grand-papa… spécialisé!