«Le rapport de M. Berger incarne la philosophie qui anime le Ministère depuis des décennies.»
Rarement aura-t-on vu un document émanant du MELS portant un aussi grand préjudice (dans l’opinion publique) aux fonctionnaires du ministère. La citation du haut vient du blogue de Cyberpresse, «Les amoureux du Français». Elle reflète bien l’opinion publique rapportée, entre autres, par la ligne ouverte de Pierre Maisonneuve.
J’ai parcouru ce soir la version abrégée du fameux rapport de Richard Berger, le responsable de la révision et de la mise à jour des épreuves uniformes de langue et littérature (source) au MELS. M. Berger est cette même personne qui a reçu en 1999 un Prix du Ministre. Ce qui est rapporté dans les médias est écrit «noir sur blanc» à la page 43 du rapport (recommandation #7):
«Finalement, nous proposons l’abandon de l’approche quantitative dans l’évaluation du troisième critère (maîtrise de la langue écrite) pour lui substituer une approche qualitative, dite holistique, c’est-à-dire globale, comme celle qui est appliquée depuis les débuts de l’épreuve uniforme d’anglais et comme le prévoient la plupart des épreuves comparables dans le monde. L’épreuve étant une évaluation certificative, ce ne sont pas les faiblesses de l’élève qui devraient intéresser l’évaluateur, mais plutôt ses forces: on devrait valoriser ce qui est réussi et non mesurer ce qui est raté afin de déterminer si la valeur de ce qui est réussi est suffisante, donc si la compétence minimale est atteinte.»
Que dire de plus que «quel beau gâchis»…
Je ne suis pas un spécialiste en évaluation des apprentissages en français langue maternelle au collégial. J’aime bien défendre une cause juste même quand une majorité de gens tend à se ranger derrière l’injuste, mais dans ce dossier, il me semble bien que le rapport (du moins cette section) soit bel et bien à jeter aux poubelles.
On ne me fera pas avaler qu’on constate la maîtrise d’une compétence en évacuant les erreurs dans l’agir. Quant à savoir si ce rapport «incarne la philosophie qui anime le Ministère»… c’est une autre chose. Bien que la déclaration de Mme Courchesne laisse entendre qu’il y ait trop d’écoles de pensée au MELS, je crois que Paul Roux se permet de porter un jugement gratuit (celui du haut de ce billet) dans son blogue. À la Direction de l’enseignement collégial, je ne sais pas, mais au Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire que je connais, ce n’est pas la philosophie [holistique] qui anime les officiers de la DGFJ. Mais bon… faudra quand même que certaines personnes mettent leurs pieds à terre!
Je seconde ton opinion, Mario.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça brasse en éducation. Je crois que l’on assiste actuellement à un retour de balancier. Mis à part quelques correctifs nécessaires, comme dans ce cas-ci, j’ai bien peur que le balancier ne se transforme en boulet de démolition.
Effectivement François, le balancier est reparti dans l’autre sens et c’était à prévoir. Je ne crois pas qu’il nous portera vers la démolition de ce qui a été entrepris. Je me souviens des premières années de réunion des écoles ciblées… 1999-2000. On se disait «j’ai hâte de voir comment tout ça va atterrir au secondaire». On y est. On a franchi des points de non-retour dans plusieurs domaines: la maternelle à temps plein, l’avènement des conseils d’établissement, la diversité dans les stratégies des profs, l’approche compétence, l’élève plus actif dans ses apprentissages, etc. Il y aura d’autres ajustements, c’est à prévoir. Le temps n’est plus aux expériences. Il y a eu une fenêtre d’ouverture pour des théories frivoles, mais il est bien qu’on recentre les vrais changements à opérer sur des valeurs sûres.
Vraiment, je ne vois pas de démolition à l’horizon. Que des ajustements qui ne compromettent en rien l’essentiel des changements souhaités par les réformateurs…
Continuons de construire. C’est sans doute la meilleure façon de remédier à la démolition 🙂
Deux points pour vous contredire, M. Asselin, mais attendez de les lire: vous serez surpris.
Le premier est à l’effet que je ne suis pas convaincu que la réforme passera l’épreuve du secondaire sans connaître de changements majeurs en ce qui a trait à l’évaluation et les apprentissages. Plus que des ajustements, on assistera, je crois, à ce que vous appellerez «un retour en arrière». Mais bon, on verra.
Le second est à l’effet, et j’en fais mon mea culpa, que le rapport Berger n’est pas si ésotérique que bien des médias l’ont laissé entendre. Les quatre ou cinq points qu’on a relevés sont les seuls de la version abrégée qui donnent lieu à la controverse. Les médias – avec raison parfois – ont la dent dure avec tout ce qui est pédagogie non traditionnelle ces temps-ci et, ironiquement, comme je vous l’écrivais, il est incroyable de voir des pédagogues si mal vendre et expliquer leurs approches. Cordonnier mal chaussés…
Le reste du rapport Berger est plutôt solidement étayé et donne plutôt place à la discussion. Une collègue expérimenté et en qui j’ai très confiance me dit que ce professeur n’est pas un «pédagogue fou». La correction globale aurait fait ses preuves dans d’autres pays et ne serait pas plus laxiste que celle employée actuellement (et je vous prie de me croire qu’elle l’est!).
Les dangers du rapport Berger résident finalement plutôt dans son utilisation et son application. Pour corriger globalement, les profs du cégep devraient être formés correctement et le MELS a prouvé son inefficacité en ce domaine. De plus, certains risquent de mal comprendre ce mode de correction et de ne pas prendre en compte les fautes du tout. Bref, on pourrait verser dans une certaine subjectivité. Enfin, et ce n’est pas méchant, les profs de cégep ont une formation en littérature, pas en grammaire. Corriger la langue n’est pas nécessairement une de leurs forces.
En passant, je traiterai de ce sujet à Martineau au 98,5 FM samedi matin. Pas obligé de m’écouter. Vous connaissez un peu mon discours et maintenant mon point de vue sur le rapport Berger, qui, ne l’oublions pas, n’était qu’une étude exploratoire, pas une position ministérielle cachée.
Je vous imaginais assez bien en «défenseur» du rapport Berger M. Papineau après avoir lu la version abrégée. Je ne sais trop pourquoi, mais je soupçonnais que vous ne seriez pas prêt à être aussi tranchant que je ne l’ai été.
Pour ce qui est de votre position à l’effet que «la réforme [ne] passera [pas] l’épreuve du secondaire», je suis convaincu que plusieurs aspects «passeront» l’épreuve du temps; on a déjà franchi un point de non-retour sur plusieurs aspects, mais bon… je conviens avec vous que ça reste à voir. N’oubliez pas que les jeunes qui vous arrivent sont différents de ceux qui étaient assis dans vos classes jusqu’à maintenant 😉
Enfin, je suis convaincu moi aussi que Richard Berger «n’est pas un « pédagogue fou »». Le timing de son rapport ne lui donne pas bonne presse, mais le libellé de sa recommandation #7 aurait eu avantage à contenir un peu plus de sens commun. L’idée de cesser de «mesurer ce qui est raté» pour évaluer le niveau de maîtrise de la compétence a toutes les chances d’occulter n’importe quelle bonne idée de son rapport.
De Québec, je vais essayer de vous écouter… Bonnes chances à vous!
Honnêtement, je ne partage pas nécessairement les vues de M. Berger, mais, là, je trouvais qu’on le crucifiait un peu trop rapidement, moi inclus. Puis, on parle d’un homme, pas d’une machine, et ça prend des allures trop personnelles. Il y a aussi un «timing» qui m’amène à me poser des questions…
Quoi qu’il en soit, le rythme de notre société nous oblige à toujours aller rapidement, à donner notre avis sans réfléchir. Prendre le temps de penser avant d’ouvrir la bouche est devenu un luxe.
Ne me souhaiter pas bonne chance pour demain. Vous n’aimerez sûrement pas mes positions et mes propos. Mais une chose nous unit, malgré toutes nos différences, et je la résumerai par ces propos de Jacques Brel, je crois: «On n’a pas pris le même chemin, mais on cherchait le même port.»
M. Berger a passé une rude semaine et la lecture de sa réplique au Devoir est sans équivoque sur son sentiment : «Autrement dit, comme personne au MELS n’est capable de rectifier certains faits et d’expliquer certaines choses (ou ne veut le faire), je me dois de le faire moi-même.»
À lire. C’est le moins qu’on puisse faire!
Je peux vous confirmer que M. Berger a été mal défendu et est devenu l’espace d’un temps «un pelé, un galeux…» pour citer Lafontaine. Il se défend ce matin et j’en suis étonné parce qu’on s’est bien chargé, au MELS, de lui expliquer son devoir de réserve.
J’ai eu le grand plaisir, la journée même du début de cette polémique, d’assister à un atelier donner par M. Berger dans le cadre de l’AQPC. Je puis vous garantir qu’il n’y avait rien d’ésotérique dans ce qu’il avait à nous présenter, bien au contraire. Son travail démontrait une rigueur impressionnante et nous permettait de croire à la validité de son approche. Il importe de même de souligner que pour M. Berger (et comment être en désaccord?) la maîtrise de la langue ne peut se limiter au plate calcul du nombre de erreurs grammaticales commises par un étudiant. On doit exiger plus et la méthode que proposait M. Berger le permettait. Je trouve réellement dommage que son rapport ait été si rapidement balayé du revers de la main. L’épreuve uniforme de français doit être revue (une petite étude historique de cette épreuve pourrait aussi être éclairante). Je présentai brièvement mes notes de l’AQPC sur le site des TIC au Cégep de l’Outaouais ici : http://tic-cegep.freezee.org/tic-cegep/index.php/2007/06/20/85
Il est par ailleurs à noter que M. Berger nous a présenté de nombreux exemples où l’évaluation qualitative (à 4 critères) se révélait de loin le meilleur outil pour bien juger de la maîtrise de la langue d’un étudiant.