Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».
Le ministre de l’Éducation a profité de la dernière journée de travail à l’Assemblée nationale pour déposer le projet de Loi 86 : « Loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires… ». Si au moins on a quelque chose de concret pour discuter, il faut oublier à court terme l’idée d’écoles publiques plus autonomes.
Une première lecture rapide du projet de Loi nous permet de voir que le seul véritable changement dans la gouvernance scolaire qui y est proposée concerne la fin des élections scolaires au suffrage universel.
Par le biais d’un mécanisme décrit à l’article 147 néanmoins, un conseil scolaire pourrait réintroduire des élections scolaires. À ce moment, seuls des parents d’élèves pourraient voter. Plusieurs seront tentés de poser la question du respect du principe «no taxation without représentation» selon la formule retenue.
L’autre changement notable concerne l’appellation du palier mitoyen entre le ministère de l’Éducation et les écoles : les commissions scolaires deviennent des conseils scolaires. D’ailleurs pour lire le nouveau projet de Loi, il faut avoir en mains la Loi sur l’instruction publique. Le cadre de cette loi reste le même.
Bien entendu, la composition des futurs conseils scolaires est profondément modifiée, au profit des parents. Ces derniers (six membres sur 16) comme d’autres catégories de membres (dont un enseignant, un professionnel non enseignant et deux directions d’école) seront élus par leurs pairs. Six personnes issues de la communauté seront « co-optées », dont deux proviendront de personnes déjà élues dans d’autres instances.
Il faudra analyser le texte de loi plus profondément, mais à court terme je déduis du projet de Loi que le ministère de l’Éducation aura plus de mains mises que jamais sur les nouveaux conseils scolaires. Les écoles y gagnent peu de pouvoirs et surtout, la bataille pour les ressources se poursuivra, cette fois, avec «un comité de répartition» (article 197.1).
Le contexte du dépôt aujourd’hui de cette importante pièce de législature qui saura intéresser les observateurs du domaine scolaire laisse songeur. On sait qu’il y a des tensions au caucus des députés du Parti libéral, mais au-delà du volet politique, on se demande pourquoi présenter ces propositions au moment où tout le monde se préparent pour le congé des Fêtes ?
Des débats sur les structures scolaires se poursuivront et la Fédération des commissions scolaires continuera probablement à défendre le statut quo actuel. Peut-être même finiront-ils par l’obtenir tellement ce projet de Loi fait accoucher d’une souris les nécessaires réformes dans la gouvernance scolaire.
Même si le projet de Loi était adopté rapidement cet hiver ou ce printemps, il ne règle rien quant à l’obligation de prévoir plus de ressources pour les établissements, là où sont les besoins. On peut donc questionner l’utilité de tous ces débats, la seule à première vue étant l’abolition des élections scolaires au suffrage universel.
Il est dommage que tout ce temps passé à modifier la Loi sur l’instruction publique ne serve pas à instaurer des écoles publiques autonomes. Là, on y aurait trouvé notre compte…
Au moment où le Journal identifie qu’il reste « encore du gras » à couper dans l’administration des commissions scolaires, on peut sérieusement se demander si le projet de Loi 86 apporte une réponse satisfaisante à toute cette problématique de la saine gestion scolaire au Québec ?
Ce n’est pas l’introduction dans le nouveau projet de Loi de l’expression « plans d’engagement vers la réussite » qui va me convaincre que les besoins des élèves seront mieux servis par ce travail législatif.
On aura sûrement l’occasion d’y revenir en 2016 !
Mise à jour du 31 janvier: Un billet de Daniel Trottier qui évoque ce sujet…
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