L’école ferme les yeux sur les tendances

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

J’ai assisté hier matin à la présentation de Duncan Stewart de chez Deloitte qui portait sur les grandes tendances 2016 du secteur des Technologies, Médias et Télécommunications (TMT). Ça m’a sauté aux yeux : le milieu scolaire semble complètement imperméable aux mouvements qui se dessinent.

Le directeur de la recherche dans le secteur TMT pour Deloitte Canada est un conférencier populaire. Les gens qui se déplacent pour écouter Duncan Stewart savent qu’ils auront droit à un peu d’humour et surtout, à une présentation forte en images pour décrire le comportement des gens observé par les recherches et les analyses de l’équipe de Deloitte.

Les Prédictions TMT 2016 ne concernent pas directement l’éducation et les apprentissages, il faut l’admettre. Dans le communiqué où on retrouve un bon résumé de l’ensemble, il est très peu question de ces sujets.

Reste que les usages des jeunes concernant les technologies, les médias et la communication constituent de puissants révélateurs dont il faut tenir compte pour demeurer signifiant à l’école.

Si le milieu de l’éducation ne doit pas se trouver à la remorque des modes passagères et éphémères, il me semble tout de même qu’il n’a pas avantage à maintenir une fracture aussi ouverte entre le rapport aux savoirs dans la classe et celui observé dans la société.

Duncan Stewart a bien démontré l’influence des appareils mobiles dans le trousseau des outils de communication et d’affirmation des jeunes. Les chiffres sont spectaculaires et démontrent que les 18 à 24 ans ne sont pas que « la génération du téléphone intelligent », ils sont aussi « les plus enclins à utiliser l’ordinateur portatif parmi tous les groupes d’âges en 2016 ».

Je préfère parler de téléphone multifonctions d’autant que « l’intelligence » vient davantage avec l’utilisation qui en est faite que de la machine elle-même. Mais bon…

Les jeunes sont de très grands utilisateurs des téléphones de nouvelle génération pour communiquer (ils textent beaucoup et ils utilisent abondemment les courriels et les médias sociaux), mais chose surprenante ils sont plus nombreux « que dans n’importe quel autre groupe d’âges, et même dans l’ensemble de la population canadienne, à posséder un ordinateur, à vouloir en acheter un et à l’utiliser ».

Quand on constate que le milieu scolaire carbure encore « au crayon », on commence à voir la facture dont je parlais tout à l’heure.

L’émergence du commerce tactile mobile, la montée incessante de l’utilisation des jeux et celle encore plus puissante des technologies cognitives devraient préoccuper les éducateurs, en particulier ceux du post secondaire. On fait allusion dans ce dernier secteur à l’apprentissage automatique, à tout ce qui tourne autour du traitement du langage et à la reconnaissance de la parole. Stewart affirme que ce sont « les technologies cognitives les plus importantes sur le marché des logiciels d’entreprise dans l’année qui vient ».

Ne pas tenir compte de ces facteurs, c’est refuser de croire qu’ils auront de l’impact sur les emplois et donc, sur l’adéquation entre la formation et le marché de l’emploi.

Deux autres enjeux encore plus importants devraient mobiliser l’attention des intervenants scolaires sur les données en amont des prédictions TMT : la façon dont les jeunes s’informent et la présence des femmes dans les emplois du secteur des technologies de l’information (TI).

On pourra consulter le rapport complet (en anglais seulement) au besoin, mais le fait est que « les jeunes réduisent le nombre de minutes passé devant la télé par jour » et s’informent de plus en plus par Internet. Cette tendance est aussi remarquée et documentée ailleurs (1, 2).

Pour ce qui est de la faible présence des femmes dans le secteur TI, ça devient de plus en plus inquiétant. Non seulement le taux ne bouge pas (autour de 24%), mais celles qui y sont présentes quittent plus rapidement le domaine que les hommes.

Duncan Stewart avait raison de mentionner que « le manque de diversité dans l’industrie des TI coûte très cher ». Et c’est l’éducation qui peut le plus contribuer à changer la donne.

On comprendra qu’il existe des institutions d’enseignement, des cadres et des enseignants qui ouvrent leurs yeux et tiennent compte de ces tendances, mais ils sont encore si peu nombreux que je me permets d’entretenir un jugement très sévère contre le peu de perméabilité du domaine de l’éducation au changement et le maintient d’une culture de la résistance, en général.

On imagine facilement que j’étais le seul intervenant en éducation présent à la conférence de Deloitte. Pourtant, il y avait beaucoup à apprendre…

Le milieu des affaires comprend l’importance de la prospective, mais l’éducation semble pris dans la tourmente de l’immédiat.

J’aurai l’occasion d’y revenir puisque certains projets en éducation émergent tout de même pour tenter d’anticiper le futur de la formation et des apprentissages.

L’expression «Netflix and chill» ne veut peut-être rien dire pour bon nombre de gens en enseignement, mais on pourrait être surpris en cette période où on souhaite ramener les cours d’éducation à la sexualité de tout ce que le numérique apporte comme nouveau vocabulaire fournissant autant de contextes pour mieux saisir les occasions d’éduquer !

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