La rigueur de Djemila Benhabib

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Les échanges entre Djemila Benhabib et le Conseil du presse du Québec se font à coup de «blâme sévère», ces jours-ci. L’une et l’autre ne semblent pas se comprendre. Le jugement du public est ainsi appelé à trancher…

J’avoue ne pas avoir suivi de très près les évènements entourant un conflit larvé qui existerait entre la journaliste indépendante Odile Jouanneau et l’essayiste Djemila Benhabib. Cette dernière attire notre attention sur cette mésentente pour justifier sa réaction dans le dossier de la plainte retenue contre elle et Sympatico.ca par le Conseil du presse du Québec pour plagiat et inexactitude.

Dans sa réaction à la décision du Conseil de presse, elle affirme que le jugement est « le résultat d’une vulgaire, sinon grossière « job de bras » », venant de la plaignante Odile Jouanneau, qui serait « à la fois juge et partie puisqu’elle est fortement marquée politiquement ».

Compte tenu de mon préjugé favorable envers l’idée de ne pas traiter à la légère l’intégrisme religieux et de se doter d’une charte de la laïcité (pas celle défendue par Mme Benhabib et le Parti québécois, par contre), je ne fais pas partie d’un des deux clans qui s’escriment sur la place publique.

Si je veux bien admettre la possibilité que le présent litige entre Odile Jouanneau et Djemila Benhabib puisse fournir un certain contexte expliquant la plainte devant le Conseil du presse du Québec, je ne vois pas pourquoi une fois la décision rendue, il faudrait croire que ce conflit teinte la posture des membres du comité des plaintes à l’occasion de sa prise de décision.

La longue lettre adressée au Conseil de Presse du Québec dans laquelle Djemila Benhabib blâme sévèrement le « tribunal d’honneur des médias québécois » est franchement revancharde et constitue une escalade inusitée dans cette affaire.

Du moment où Radio-Canada a rendu publique la décision du Conseil de presse, je me suis employé à vérifier si les faits tendent à prouver qu’il y a bel et bien eu plagiat. Ça semble évident…

Le plaidoyer de Mme Benhabib qualifiant « d’accusations mal fondées » et de « grossièrement exagérées » les propos du Conseil du presse ne me convainc pas du tout.

Son argumentaire est à l’effet que les « attaques personnelles » de Mme Jouanneau auraient dû être prises en considération, que le Conseil de presse « manque de rigueur professionnelle », a « des accointances inavouables » avec Radio-Canada / La Presse et que de toute façon, elle a écrit ce qui a été publié sur un blogue.

L’argument qu’il y aurait lieu d’excuser sa conduite parce qu’il s’agit de billets de blogue publiés sur Internet me renverse…

« Le blogue est connu pour être une plate-forme flexible où l’on peut, sur un ton libre, rendre compte de l’actualité, la commenter, dans un domaine qui nous intéresse. Rarement nous y retrouvons une structure de recherche journalistique, des références; c’est plutôt d’y rapporter sur le vif du moment des analyses, des récits, des paroles d’autrui. »
Depuis quand un blogueur sérieux devrait faire fi des règles élémentaires entourant le respect de l’exactitude des faits ?

Où est écrit qu’il est possible dans des blogues de « repiquer ou de reformuler des passages d’un texte » sans citer ses sources, ce qui constitue un forme de plagiat ?

Mme Benhabib ne peut pas écrire dans un même texte qu’elle attache « la plus grande importance à l’éthique journalistique » et fournir comme excuse qu’écrire dans un blogue l’exempte de devoir afficher la même rigueur.

À mes yeux, ça discrédite complètement sa thèse.

Le fameux « jugement du public » (dont je suis partie prenante) invoqué à la fin de sa lettre ne devrait pas privilégier la position de Djemila Benhabib contre celle du Conseil de presse du Québec.

Cela dit en ne partageant pas du tout la hargne affirmée de Mme Jouanneau contre Djemila Benhabib.

S’il y a quelqu’un qui erre « lamentablement » dans les règles d’écriture à privilégier sur les blogues quand on veut être pris au sérieux, c’est bien celle qui est blâmée sévèrement par le Conseil de presse du Québec.

Ajout: La réponse aux critiques de Mme Benhabib envers le Conseil de presse par Paule Beaugrand-Champagne, présidente.

Mise à jour du 3 mars: « Djemila Benhabib a affirmé que le blâme pour plagiat dont elle fait l’objet est exagéré compte tenu des fautes qu’elle reconnaît avoir commises. »

Mise à jour du 5 mars: Le chroniqueur Jean-Marc Beaudoin du Nouvelliste affirme que « Mme Benhabib a été mal avisée de s’attaquer au Conseil de presse ».

Tags:
0 Commentaires

Laisser une réponse

Contactez-moi

Je tenterai de vous répondre le plus rapidement possible...

En cours d’envoi

Si les propos, opinions et prises de position de ce site peuvent coïncider avec ce que privilégie le parti pour lequel je milite, je certifie en être le seul éditeur. - ©2022 Thème KLEO

Vous connecter avec vos identifiants

ou    

Vous avez oublié vos informations ?

Create Account

Aller à la barre d’outils