Nathalie Normandeau, Roche et l’UPAC

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Toute personne qui s’intéresse un tant soit peu à la politique ce matin s’est levée en se disant que c’était jour de budget à Québec. Avant-même d’avoir pu prendre son café, l’annonce de l’arrestation de Nathalie Normandeau par l’UPAC est venue complètement changer la donne : la journée sera consacrée à commenter de graves accusations de complot, de fraude et d’abus de confiance contre des personnes qui disposaient de grandes responsabilités dans le service public québécois.

Treize chefs d’accusation ont été déposés contre sept personnes, mais le nom qui fera le plus réagir est celui de Nathalie Normandeau. Il semble bien qu’entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012, Mme Normandeau aura à se défendre de certains gestes posés qui seraient de nature criminelle. De très lourdes accusations pèsent contre elle et les six autres personnes.

Le nom de Mme Normandeau sera maintenant associé à celui de Marc-Yvan Côté (Patrick Lagacé a déjà écrit sur le sujet), quoi qu’il advienne puisqu’il fait lui aussi partie des personnes accusées et arrêtées. Je rappelle que celui qui a occupé plusieurs postes de ministre et d’organisateur politique au Parti libéral du Québec a été banni à vie du Parti libéral du Canada à la suite des évènements entourant la tenue de la commission Gomery, en 2005 (source).

À court terme, plusieurs angles d’analyse peuvent être envisagées…

On a beaucoup entendu parler de corruption et d’abus de confiance pendant la tenue de la Commission Charbonneau et on désespérait que la classe politique s’en tire indemne puisqu’aucune suite n’avait été donnée par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) qui semblait disposer de dossiers incriminants contre certains politiciens. Ce matin, plusieurs personnes dans la population seront rassurées avec l’annonce de ces arrestations.

J’en suis.

Le nom de Nathalie Normandeau était en voie de retrouver une nouvelle réputation, à Québec du moins. Elle co animait une émission de radio très en vue pendant l’heure du midi qui rayonnait au point de la porter candidate favorite (après Gérard Deltell) dans une éventuelle bataille contre Régis Labeaume au scrutin à la mairie de Québec de 2017. Les évènements d’aujourd’hui vont probablement tout effacer, la réputation de l’ex première ministre ayant à encaisser un dur coup.

J’en parlais plus haut… la lecture du budget aujourd’hui en fin d’après-midi donnait au gouvernement actuel une deuxième occasion de se redonner un élan politique, après un remaniement ministériel qui n’a pas produit l’effet escompté. L’ardoise avait été effacée par les excuses du ministre de la Santé et tout était en place pour que l’attention des citoyens soit à son zénith. Même si on avait toutes les chances d’être déçu par ce budget, on était ouvert à entendre les belles perspectives du gouvernement. « La bombe politique » que constitue les arrestations de ce matin vont non seulement détourner l’attention des médias des prévisibles « bonnes nouvelles » contenues dans le budget 2016-2017, mais elle risque de fermer la deuxième fenêtre d’opportunités que le gouvernement possédait. En ce sens, l’arrestation de Nathalie Normandeau va beaucoup faire mal au gouvernement Couillard.

Enfin, même si il faudra attendre la suite des évènements avant de statuer sur une éventuelle culpabilité des personnes mises en arrestation, toute la classe politique est éclaboussée aujourd’hui. L’ère Charest en politique au Québec porte irrémédiablement la tache d’avoir posé des gestes ayant conduit à des arrestations de complot, de fraude et d’abus de confiance. Plusieurs questions se posent : comment Philippe Couillard réussira-t-il à s’en distancer ayant lui-même été ministre sous Jean Charest ? Les sommes d’argent recueillis par des subterfuges au Parti libéral du Québec seront-elles remboursées intégralement ? Comment le Parti québécois composera avec les événements d’aujourd’hui dans le contexte où au moins deux personnes accusées (Ernest Murray, ex employé du bureau de comté de Pauline Marois dans Charlevoix et François Roussy, ancien maire de Gaspé et employé du bureau de comté du député péquiste de Gaspé, Gaétan Lelièvre) parmi les sept sont associées au PQ ?

La comparution des personnes arrêtées ce matin a été fixée au 20 avril 2016 à Québec. D’ici là, le sujet de la corruption en politique reprendra le dessus dans l’actualité et pour un bout de temps. La dissidence du commissaire Renaud Lachance avait laissé un floue autour du sentiment populaire à l’effet que toute la lumière n’avait pas été faite par la Commission Charbonneau. D’une certaine façon, on sera rassuré par les arrestations, mais de l’autre, on va continuer de nager en eaux troubles.

C’est un passage nécessaire et obligé que nous impose l’UPAC et il faut féliciter au premier chef le patron Robert Lafrenière, lui-même en période de renouvellement de mandat.

Roche a changé de nom, Nathalie Normandeau avait presque réussi à redonner à son nom une nouvelle réputation, mais l’UPAC vient vraiment de se donner un nom aujourd’hui !

Déclaration d’intérêts: Pour qui fréquente régulièrement ce blogue, c’est très connu, mais aujourd’hui il convient de noter que je milite à la Coalition avenir Québec, que je chronique à BLVD 102,1 FM (station en concurrence au FM 93) et qu’au titre d’administrateur de l’Institut de gouvernance numérique, je plaide d’une certaine façon auprès du gouvernement pour que le Québec se dote d’une véritable stratégie numérique.

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