Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
Sous prétexte de venir souligner à Québec la Journée de la francophonie, Marine Le Pen est débarquée chez-nous pour porter son message, celui du Front national (FN), le parti qu’elle dirige en France et qui récolte passablement d’appuis. Tout au long de son séjour au Québec qui s’échelonne sur six jours, elle se servira des tribunes qu’on va lui offrir pour chercher le trouble. Jusqu’ici, elle le trouve aisément…
Ma collègue Lise Ravary a bien expliqué pourquoi sa visite est en quelque sorte légitime puisqu’elle «siège au Parlement européen et dirige un parti politique qui récolte près du tiers des intentions de vote». Cela dit, ça ne veut pas dire qu’on doit l’écouter béatement.
Le programme politique de Marine Le Pen et du FN est toxique. «Alternant xénophobie et humanisme de façade» (source Cécile Alduy), son seul message sur «l’Autorité de l’État» constitue un puissant repoussoir pour qui souhaite défendre un tant soit peu les libertés individuelles.
Bref, loin de moi ce calice…
J’imagine que certains disciples ont soif de ce genre de discours sur fond d’esprit patriotique, mais je respecte totalement ceux et celles parmi les politiciens qui s’en tiennent loin.
Ce matin, une déclaration de Mario Dumont par l’entremise de Twitter m’a particulièrement amusé…
Quand bien même on voudrait lui «parler dans le casque», personne ne souhaite prêter flanc à interprétation en acceptant de la rencontrer.
Je comprends très bien que les chefs de parti et les maires Coderre / Labeaume aient repoussé toutes les sollicitations. Il n’y a aucune gêne pour « un politique » à vouloir prendre toutes les précautions imaginables pour ne pas être photographié avec madame.
C’est mal connaître comment fonctionne la communication politique au Québec pour penser qu’un tête à tête avec Marine Le Pen pourrait permettre de clarifier quoi que ce soit. Non seulement la chef du FN saurait retourner n’importe quelle de ces rencontres à son avantage, mais il serait impossible de contrôler le message pour que ressorte l’intention d’y «exprimer des désaccords majeurs» avec l’option politique de la fille de Jean-Marie Le Pen.
J’aime bien l’attitude des médias qui lui offrent ce qu’elle cherche. Ainsi, elle ne pourra pas se plaindre d’avoir été mal reçu chez les cousins.
On a encore une preuve par les attentats en Belgique qu’il ne saurait être question d’isoler ou de faire taire la part de Français qui croient que l’intolérance et la ghettoïsation est la solution contre la violence et la terreur.
Qu’on me comprenne bien.
Je ne dis pas que Marine Le Pen et ses admirateurs sont responsables des évènements terroristes internationaux.
Je dis simplement qu’une bonne façon de se prémunir contre la xénophobie et la peur des immigrants reste de ne pas fréquenter celle qui la porte haut et fort.
En cette période où le comportement sauvage et inhumain de quelques membres de cellules terroristes prête flanc à faire surgir en soi notre haine envers tous ceux qui ne sont pas comme nous, le meilleur service qu’on puisse se rendre au Québec est de laisser parler librement celle qui semble vouloir établir des amalgames douteux.
Marine Le Pen n’est pas fréquentable et il ne saurait être question de lui donner au Québec une importance qu’elle n’a pas, même si c’est pour déconstruire son discours.
En ne la rencontrant pas et en la laissant s’exprimer, nos politiciens et les médias font confiance aux Québécois !
N.B. En tout respect pour Mario Dumont, je précise en lien avec l’image qui coiffe le titre de ce billet qu’à mes yeux il a rencontré légitimement Mme Le Pen à titre de média, pas de politicien. Quelle ironie tout de même…
Ajout: «Comment Marine Le Pen a essayé de rencontrer François Legault»
Tags: "La vie la vie en société"