Je me suis fait beaucoup questionner sur les journalistes qui bloguent hier au FM 93. L’animateur a tenté de me tirer les vers du nez (de la bouche, je veux dire) à propos de mon article à venir sur qui sont les meilleurs blogueurs? J’ai pu résister en partie à ses avances, même si j’ai mentionné qu’un des traits caractéristiques de cet article à paraître dans la revue «Le Trente» sera qu’il y a bien peu de «vrais blogueurs» parmi les journalistes. En gros, ma position est la suivante:
«L’équation est assez simple à résoudre. Un bon blogueur est avant tout quelqu’un de présent dans la blogosphère. Partant du principe que la blogosphère d’un internaute (journaliste ou autre) ne peut se résumer qu’à son propre blogue, un blogueur qui se respecte fréquente par ses commentaires les blogues des autres tenanciers.»
Dans l’article soumis (et accepté, il semble), je précise que je ne juge pas le travail des journalistes, mais celui des blogueurs. Je veux dire qu’il y a des bijoux de textes en provenance des journalistes publiés sur des blogues qu’ils tiennent avec beaucoup de courage et de patience… Il y a beaucoup de mérite à tenir une présence Web de type blogue. Mais de là à les qualifier de «bon blogueur»…
Prenons ce matin. François Bourque (candidat annoncé à la présidence de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)) a publié sur son blogue un billet génial («Attendre l’autobus») sur la façon dont les parcours sont organisés au RTC dans le contexte de la campagne actuelle à la Mairie de Québec.
«L’image m’est venue, un flash, un symbole. Les deux pieds dans la scloche [sic] de cette fin d’heure de pointe, j’ai vu passer dans ce corridor d’autobus, toute une ville en mal de performance. Et j’ai entendu la voix de tous ces candidats promettant de s’y attaquer.»
Très bon billet de quelqu’un qui vient de commencer un blogue chez Cyberpressse (puisqu’il est chroniqueur au Soleil de Québec). D’ailleurs, le sujet est aussi évoqué par mon collègue Burp aujourd’hui. Je me demande de quelle façon le journaliste s’engagera dans la (ou les) conversation sur ce sujet? À commencer par sa propre conversation sur son blogue où il faut s’inscrire pour pouvoir commenter. Ensuite, peut-on s’attendre à ce qu’il participe à la conversation au blogue qui porte sur les élections municipales à Québec ou ailleurs sur le même sujet? Je ne crois pas. De fait, je ne sais pas non plus si le journaliste veut devenir «bon blogueur». Et puis… doit-il devenir «bon blogueur»? Probablement pas… Les journalistes ont déjà assez de boulot à concilier leur travail dans les médias et l’addition de cette présence Web sur un blogue sans avoir à devenir performant en tant que blogueur. Mais quand on me demande qui sont les meilleurs blogueurs, je suis obligé de regarder ça sous l’angle d’un blogueur, pas d’un journaliste, ce que je ne suis pas d’ailleurs.
C’est de ça dont il a été question hier à la radio…
À suivre au moment de la parution de l’article. Je devrais avoir une p’tite idée du moment de la sortie de la revue bientôt puisque plusieurs journalistes sont à Québec présentement à l’occasion du congrès de leur Fédération. J’ai demandé au responsable de la revue de me dire quand ça paraîtrait et j’attends sa réponse…
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Bonjour Mario,
Je ne suis pas d’accord avec ta prémisse selon laquelle un « bon » journaliste-blogueur doive se définir à partir de sa présence dans la blogosphère. Le livre d’ailleurs auquel tu viens de participer illustre bien que les blogueurs ne le sont pas pour les mêmes raisons, ni de la même manière. Affirmer qu’un bon blogueur ne se définisse qu’en fonction de sa participation sur les autres blogues est selon moi réductrice (ce que je n’en doute pas n’est pas ta prétention, ni ton objectif); c’est un peu prétendre qu’il n’y a qu’une façon d’être un bon blogueur. Pourtant, il y a des blogues de réflexion, de commérage, de veille, d’auto-promotion, de n’importe quoi, et j’en passe, dont notamment de journalisme. Il y en a de bons blogueurs parmi chacun d’eux. Il y a des blogueurs discrets, d’autres expansifs, certains full-connectés-réseau, d’autres complètement débordés et infidèles à leur propre blogue et à ceux des autres qui sont tout de même de bons blogueurs.
Je crois au contraire qu’un bon blogueur doit être vu en fonction de son objectif personnel (ou professionnel, ou commercial, ou…). Pas en fonction de sa « vie sociale » sur les blogueurs. Ni non plus d’une quelconque participation à la vie d’une supposée blogosphère (un autre débat en soi : « ma » blogosphère est-elle aussi « ta » blogosphère, ou celle de l’autre ? ).
De toute façon, la définition de ce qui est « bon » est hautement subjective. Ainsi selon ma subjectivité: un journaliste sera donc un bon blogueur si cet outil est intégré à l’objet de travail; si son blogue est partie intégrante de son « processus de production de l’information ». Et si les discussions qui sont générées participent à ce processus informatif. Un journaliste qui fera son « travail-sérieux-de-journaliste » dans des articles et reportages, ses commentaires dans des chroniques, et du commérage dans son blogue (on en connaît), ne m’apparaît pas un bon journaliste-blogueur, qu’il participe au non à la vie des autres blogues; ce journaliste-blogueur pourra m’apparaître un excellent blogueur-de-commérage-ou-d’humeur mais cela ne sera pas du journalisme, aussi distrayant et/ou intéressant que sera son contenu. Par contre, un journaliste qui fait son travail d’information avec son blogue (ou le prolonge avec son blogue), m’apparaitra un meilleur journaliste-blogueur.
Ton point de vue est intéressant Yves. Je suis à l’aise avec plusieurs de tes arguments…
«La définition de ce qui est « bon » est hautement subjective».
Tout à fait. Je ne revendique pas d’avoir raison. Je dis seulement que les journalistes qui bloguent ne s’intègrent pas à la blogosphère ce qui fait d’eux de bien piètres blogueurs pour la grande majorité. Ça ne les empêche pas d’être d’excellents journalistes qui bloguent.
Ne crois-tu pas qu’un bon blogueur devrait enrichir la conversation chez son voisin plutôt que de la repartir chez lui? Combien de journalistes sont incapables de pointer ailleurs que dans leur «famille-média»? Je ne dis pas qu’ils n’ont pas de mérite, je dis seulement qu’ils ne s’intègrent pas beaucoup dans les pratiques usuelles des blogueurs. Je me suis interdit de faire une différence pour la définition de «bons blogueurs» appliquée au journalisme. J’ai élaboré une liste de critères (bien subjective), j’ai regardé les cent quelques blogues tenus par des journalistes et j’en ai trouvé très peu chez qui je retrouvais l’ensemble des caractéristiques.
Ça ne m’empêche pas de trouver tout comme toi «qu’un journaliste qui fait son travail d’information avec son blogue (ou le prolonge avec son blogue), m’apparaîtra un meilleur journaliste-blogueur.»
Je fais peut-être trop dans la nuance?
Le journaliste n’est pas un blogueur.
Pour lui, son blogue est un outil dont il se sert telle une canne à pêche pour récolter l’information.
Il écrit son billet en fonction de l’intérêt qu’il sucitera chez les blogueurs qui sont suceptibles de lui fournir de l’information complémentaire sur le sujet.
C’est pourquoi il n’est pas intéressé aux sujets des autres. Il ne va non-plus distribuer ses informations acquises dans la blogosphère.
Bloguer sur le blogue d’un journaliste, c’est faire une partie de son travail pour le journal qui le paye. C’est un complément.
Votre définition d’un blogueur est à mon avis trop restrictive. Le fait de fréquenter par des commentaires « les blogues des autres tenanciers » est souvent une illusion. Par une analyse sociométrique des réseaux d’affinités, il est facile de démontrer que la majorité des « conversations » entre blogueurs se résument à une douzaine de personnes qui se répondent les uns les autres. Le blogue très fréquenté de Pierre Assouline est très commenté, mais le blogueur ne les lit pas et ne les commente pas. D’ailleurs, à ma connaissance, PA ne fréquente pas d’autres blogues pour converser. Pourtant, il est « un modèle » de blogueur. Pour sa part Pisani, un autre de mes préférés, commente très occasionnellement et on le retrouve rarement sur d’autres blogs (blogues). D’ailleurs ses principaux fans se font un devoir, je dirais un engagement, de commenter quasiment journellement. Ils l’ont même écrit sur le blog de monsieur Francis… Sans attente de retour.
@Yves Williams : je suis en accord avec votre position générale.
Claude Paquette
« Ne crois-tu pas qu’un bon blogueur devrait enrichir la conversation chez son voisin plutôt que de la repartir chez lui? »
L’important, c’est d’enrichir la conversation. Et il y de multiples moyens de le faire. Si je te répondais sur mon blogue plutôt que dans tes commentaires, cela diminuerait-il la conversation que nous entretenons. Cela pourrait même s’étendre. C’est d’ailleurs une des particularités des blogues de voir les « sujets » et « discussions » s’étendre de blogues en blogues, sans lien nécessairement apparent, comme une « propagation virale » (la viralité n’est pas une exclusivité marketing sur le web), en débordant très largement les blogues d’origine (et la zone de commentaire qui leur est liée).
Je rejoins C. Paquette lorsqu’il donne l’exemple de Pisani (Le Monde). Même si je ne l’ai jamais lu ailleurs dans aucun commentaire, je considère qu’il fait un sapré travail de journalisme-blogueur, et alimente largement la réflexion (du moins souvent la mienne), et les discussions sur son blogue et ailleurs… sur les autres blogues. On pourrait trouver des tonnes de journalistes qui animent « la » blogosphère, sans beaucoup participer aux commentaires des autres.
Là où je suis complètement d’accord avec toi, c’est qu’il y a des journalistes-blogueurs qui ne semble connaître rien des blogues, sauf le leur et ceux de quelques collègues. Et trop de journalistes (blogueurs ou pas) n’ont pas encore appris comment faire des hyperliens. Une misérable habitude qui nous vient des médias traditionnels, où il est tellement difficile de citer son concurrent.
Une autre fois, on discutera de ce qu’est « la » blogosphère. Ça aussi c’est un sujet passionnant sur lequel on fait beaucoup de raccourci.